Les trafics Nord-Sud profitent de la déconfiture des grandes lignes

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Les taux étant sous pression sur les grandes lignes, les itinéraires Nord-Sud deviennent des refuges. L'Amérique latine se classe désormais au troisième rang des zones commerciales les plus importantes et l'Afrique profite également du transfert des capacités. Ces mouvements s'accompagnent d'une mise à l'échelle supérieure.      

D’ici peu de temps, le CMA CGM Bahia, puis ses sisterships, dont les noms de baptême convoquent les atmosphères latino-américaines, rejoindra les routes sud-américaines. Son mode de propulsion hybride (avec le GNL) et son pare-brise qui surplombe le pont ne seront pas ses seuls points d’attraction. Le porte-conteneurs de 13 200 EVP qu'Hudong-Zhonghua vient de livrer à l'armateur français, premier de sa série de six unités au GNL, illustre la montée en capacité sur les liaisons Nord-Sud.

Il ne sera pas le seul. Les navires dits néo-panamax s’y répandent, selon les données d'Alphaliner. Sur un total de 62 porte-conteneurs de 13 000 à 16 550 EVP qui devraient entrer en service cette année, totalisant une capacité de 928 000 EVP (39 % de l’offre ajoutée), quinze (23,9 %) ont été affectés aux services Nord-Sud, dont neuf entre Asie et l'Amérique latine, trois vers l'Afrique et trois vers le Moyen-Orient et le sous-continent indien (trois).

Cette part devrait encore augmenter car quinze nouveaux navires (24,4 %) n'apparaissent pas encore dans les programmes de navigation. Mais tout comme le CMA CGM Bahia ou le Cosco Brazil, ils devraient être déployés sur ces routes, où une demande relative s’y observe, ou du moins, où elle ne s’est pas évaporée comme sur les grandes lignes Est-Ouest.

Une fois livrés, les 58 mégamax de 23 000 à 24 346 EVP en commande devraient en revanche chasser les tonnages intermédiaires des grands itinéraires vers les lignes régionales.

MSC en force

Toujours selon Alphaliner, MSC a été le transporteur le plus actif lorsqu'il s’est agi d'orienter les néo-panamax vers les routes Nord-Sud (neuf navires jusqu'à présent). Il est aussi celui qui a acquis, par tous les canaux (commande, seconde main, affrètement), le plus de navires de cette taille (27 unités). Il est donc logique que le transporteur suisse se distingue aussi sur ces lignes.

Au 1er septembre, pas moins de 255 navires de 12 500 à 17 000 EVP étaient en construction, soit 49 % du carnet de commandes total. Ce qui ne signifie pas pour autant qu'ils seront tous déployés sur le continent sud-américain.

Doublement en un an

Quant à la flotte en service, 30 % de tous les navires actifs de 12 500 à 15 200 EVP opèrent déjà sur des routes Nord-Sud, contre 19,6 % en septembre 2022.

Ces navires ont notamment colonisé le trade entre l’Asie et la côte ouest de l'Amérique du Sud et porté la taille moyenne à quelque 10 000 EVP. Sur les 119 porte-conteneurs qui naviguent actuellement sur cette ligne, 40 ont une taille comprise entre 13 000 et 16 550 EVP.

CMA CGM (taille moyenne de 14 733 EVP) et MSC (13 743 EVP) y exploitent actuellement les plus grands navires mais c’est Maersk qui y est le plus grand opérateur en unités, douze de ses 22 navires déployés sont de taille néo-panamax.

Tous tonnages confondus, les trafics Nord-Sud ont en réalité retrouvé la capacité qu’ils avaient perdue pendant la pandémie quand les porte-conteneurs avaient été orientés en masse vers les trafics Est-Ouest, où les taux de fret étaient démesurément élevés.

Des zones refuges

Le transatlantique a rempli cet office de zone refuge auparavant. Lorsque les trafics Asie-Amérique du Nord et Asie-Europe ont commencé à se tiédir, plusieurs grands transporteurs ont déplacé leur capacité vers l'Atlantique, devenu un parking pour le tonnage excédentaire, alors que les taux de fret semblaient résister, oscillant encore entre 6 700 et 8 350 $ par conteneur de 40 pieds (FEU).

Or, l'afflux de capacité a dégonflé la bulle. Actuellement, les taux de fret entre Rotterdam et New York sont plus proches des 1 100 à 1 500 $/FEU.

Selon les données délivrées par Alphaliner, près de 243 000 EVP ont été supprimés sur les liaisons Asie-Amérique du Nord entre les mois de novembre 2022 et 2023, réduisant la part de cette ligne dans le déploiement global de la flotte de 20,9 % à 18,5 %.

 

Dans le même temps, la capacité sur les services de/vers l'Amérique latine a explosé de 17,5 % et encore davantage en provenance et à destination de l'Afrique (+ 21,1 %).

La flotte de porte-conteneurs opérés sur les liaisons vers l'Amérique latine et déployés en intrarégional, s’est étoffée de 562 000 EVP. Sans compter les quelque 46 000 EVP répartis sur 11 navires apportés par le nouveau service de ZIM (ZAT) entre l'Asie et la côte ouest de l'Amérique du Sud.

L'Amérique latine se classe désormais au troisième rang des lignes maritimes les plus importantes après Asie-Europe et Asie-Amérique du Nord.

L'Afrique en émergence

L’Afrique profite également des réaffectations de la flotte mondiale. Pas moins de 355 000 EVP y ont été fléchés en un an.

« Une nouvelle croissance est garantie car Maersk et CMA CGM transfèrent 13 navires de 13 100 à 13 900 EVP vers un service commun Asie-Afrique de l'Ouest, confirme Alphaliner. S’il s’agit d’un transfert de services – la nouvelle boucle remplace deux services qui occupaient 26 navires –, l’échange de flotte va néanmoins représenter « une croissance de capacité de 17 % pour ce service spécifique ».

Adeline Descamps

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