« Le choc dans la région pourrait être pire que pour le Covid-19 », estime Joaquín Maudos, directeur adjoint du très sérieux Institut valencien de recherches économiques (IVIE). Pour l’heure, nul n'est en mesure d'établir un bilan complet de cette catastrophe sans précédent dans l’histoire récente de l’Espagne. Plus de 200 morts ont été officiellement enregistrés mais des dizaines de personnes sont encore portées disparues, et les dégâts matériels sont conséquents : immeubles, véhicules, plateformes logistiques, infrastructures, etc.
Les pluies torrentielles ont affecté plusieurs axes routiers ainsi que les infrastructures ferroviaires, notamment la ligne à grande vitesse Madrid-Valence et le réseau des trains de banlieue, dont certaines lignes ont été totalement détruites. Mais l’aéroport et le port de Valence ont été épargnéq. Il en va de même pour les autres ports de la région : Gandía et Sagonte, qui dépendent de l’Autorité portuaire de Valence (APV), Castellón et Alicante.
Lors d'une conférence de presse, organisée le 31 octobre, le ministre des Transports, Óscar Puente, a expliqué que, bien que les infrastructures telles que les aéroports et les ports n'aient pas subi de dommages matériels, « la situation du réseau routier et ferroviaire empêche les opérations de se développer normalement, car il est très difficile d'accéder aux installations ».
Rétablissement de la ligne ferroviaire Sagonte-Teruel-Saragosse
La mobilisation a été enclenchée pour faire face au désastre. L’Espagne étant un pays à forte décentralisation administrative, c’est le gouvernement de la région de Valence qui pilote la réponse à la crise. Cependant, une coopération a été mise en place avec le gouvernement central et la constitution de cinq groupes de travail a été annoncée, dont l’un consacré aux infrastructures. Le ministère des Transports et de la Mobilité durable (MTS) a réagi rapidement pour ce qui est des infrastructures de sa compétence : le réseau routier national et le réseau ferroviaire dit d’ « intérêt général », c’est-à-dire la grande majorité du réseau national, via ADIF, homologue espagnol de SNCF Réseau.
Le 2 novembre, ADIF a pu annoncer le rétablissement de la ligne ferroviaire Sagonte-Teruel-Saragosse, axe clé pour le transport de marchandises depuis/vers le port de Valence, pour les « déplacements indispensables ». Plusieurs grands axes routiers (V30 et V31 notamment) ont été « réhabilités » pendant le week-end.
Circulation restreinte
Mais l’ampleur des dégâts a obligé à mettre en place une importante restriction de la circulation des poids lourds de plus de 7,5 t, a annoncé le ministère de l’Intérieur le 3 novembre. Les véhicules, chargés ou non, ayant pour origine ou destination la ville et l'agglomération de Valence seront autorisés à circuler uniquement entre 22.00 et 7.00, à l'exception de ceux destinés à l'approvisionnement en produits de première nécessité. Par ailleurs, la circulation des véhicules de plus de 7,5 t, qui n'ont pas leur origine ou leur destination dans la province de Valence, est interdite. Des itinéraires alternatifs ont été proposés.
L'APV, de son côté, a annoncé le 3 novembre que les trois terminaux à conteneurs du port de Valence seront ouverts le lundi 4 novembre, selon l'horaire normal, et pourront effectuer « les opérations de livraison et de réception des conteneurs ». Le PIF et les douanes seront ouverts pendant les horaires habituels, a-t-il été précisé. L’autorité portuaire a également indiqué, sans fournir de détails, qu’en collaboration avec les autres administrations compétentes, des mesures avaient été établies pour permettre le dépôt et l'acheminement des conteneurs afin de garantir le fonctionnement des chaînes logistiques.
Impact réel
Si le rétablissement des lignes ferroviaires vers Saragosse ainsi que vers Tarragone est une bonne nouvelle, les activités portuaires dépendent de la disponibilité complète de ses infrastructures de transport. Valence est le premier port espagnol pour le trafic export-import de conteneurs, c’est à dire hors transbordement international et cabotage national. Dans un rayon de 350 km se trouvent 51 % du PIB espagnol. En temps normal, ce sont 5 000 camions qui entrent et sortent chaque jour du port.
Pendant les neuf premiers mois de 2024, le trafic de conteneurs a progressé de 15,1 % pour atteindre 4,1 MEVP, dont 2,1 MEVP au titre du transbordement (+ 19,2 %). Mais le fait le plus remarquable a été la nette reprise des flux de commerce extérieur, particulièrement des importations (+ 10,6 % en conteneurs pleins après - 3,2 % en 2023), reflet de la dynamique actuelle de l’économie espagnole au rythme de croissance de plus de 3 % par an. La DANA vient contrarier cette embellie du trafic portuaire.
Daniel Solano
