Dix jours de grèves perlées dans les ports français en février

ttLa Fédération des ports et docks CGT a appelé à observer quatre heures de débrayages pendant dix jours en février en plus d'une opération « port mort » de 48 heures, les jeudi 30 et vendredi 31 janvier. Les dockers ne font que ranger et ressortir les piquets depuis quelques mois, au gré des gouvernements qui redistribuent les cartes depuis la dissolution de l'Assemblée nationale.

Comme un sentiment de déjà-vu. La Fédération des ports et docks CGT a appelé le 22 janvier à une opération « Port mort » de 48 heures, les jeudi 30 et vendredi 31 janvier, et invité à observer quatre heures de débrayages pendant 11 jours, le 29 janvier puis les 4, 6, 10, 12, 14, 18, 20, 24, 26 et 28 février. Soit une grève quasiment tous les deux jours. Ces journées s'inscrivent dans un vaste mouvement national avec de multiples revendications autres que la seule abrogation de la réforme des retraites : désindustrialisation, détérioration des conditions de travail, revalorisation des salaires...etc.

Les dockers portent sur la place publique les mêmes revendications depuis la fin novembre 2023 et l’année 2024 aura été une année émaillée de plusieurs mouvements en février, en avril, en mai, en juin, assortis d’opérations radicales « Port mort », certains ayant été toutefois levées avant terme pour cause de force majeure : la crise politique qui paralyse le pays depuis huit mois.

« Le mouvement social ne devrait pas avoir d’impact sur les entrées et sorties de navires. Les revendications n’ont rien à voir avec les affaires portuaires. Sur ce sujet, on ne maitrise pas l'amont. En revanche, on subit en aval », a commenté en direct Christophe Berthelin, président du directoire d'Haropa Port par intérim, à l'occasion de la rituelle conférence de presse de rentrée le 29 janvier. Le premier arrêt du travail s’est matérialisé au Havre ce jour-là par l’annulation d’une escale d’un paquebot faute de pouvoir y être traité.

Négociations postérieures à la réforme des retraites

Début décembre, en plein chaos budgétaire, politique et institutionnel, au lendemain du déclenchement du 49.3 pour faire adopter le budget de la Sécurité sociale et dans un contexte où le gouvernement Barnier était menacé par deux motions de censure, la CGT Ports et Docks avait annoncé le retour des mouvements sociaux en début d'année 2025. Avec toujours au cœur de leurs revendications, les conditions d’application de la réforme des retraites promulguée le 14 avril 2023. Plus précisément, soutiennent-ils, un engagement réitéré par le président Emmanuel Macron et le ministre des Transports d’alors, Clément Beaune, que la réforme ne concernerait pas les ouvriers dockers et travailleurs portuaires.

Grâce à un accord de branche, les dockers pouvaient, avant la réforme de 2023, valider leur carrière complète en partant quatre ans avant l'âge légal, à 58 ans donc. Or, la nouvelle loi les oblige à faire deux ans de plus (soit 60 ans). Ils souhaitent négocier ce relèvement de l'âge de départ. Le syndicat attend par ailleurs une prise compte de la pénibilité de leurs conditions de travail sous la forme « d’une cinquième année » afin d'obtenir les conditions d’une meilleure retraite anticipée, estimant qu'ils sont soumis aux horaires décalés et aux astreintes. Il demande aussi une reconnaissance « des dates amiante », à laquelle ses membres sont exposés, jusqu’en 2027.

Paso doble portuaire

C'est ce sujet qui avait toujours et encore motivé le dépôt en décembre d’un préavis de grève pour dix journées en janvier sur le même principe : quatre heures d’arrêt de travail dans une plage horaire de 10 à 16 h. Finalement, ils y ont dû y renoncer, faute d’interlocuteurs avec qui négocier compte tenu de la situation politique.

La CGT y revient alors que le gouvernement n'est pas plus stable – un Parlement bloqué et fragmenté, un gouvernement sans majorité, un Premier ministre sans réelle marge de manœuvre, un brouillard démocratique –, quand bien même il ne « respect[erait] pas ses engagements » sur la réforme des retraites, pour laquelle une concertation avec les partenaires sociaux est prévue fin février.

Les professionnels exaspérés

Agacées et lassées par ces mouvements à répétitions, non sans conséquences financières (frais de détention, de surestaries et de stationnement des marchandises, frais d’annulation de rendez-vous sur les terminaux portuaires, etc.) et impacts sur les flux de marchandises, les organisations professionnelles du transport – Union TLF, OTRE, FNTR… –, avaient déjà appelé l'an dernier une réaction énergique des pouvoirs publics. Notamment sous la forme de « mesures structurelles » au travers d’un « plan d’urgence concerté » à actionner en cas de mouvements sociaux.

À l'occasion d'une rencontre prévue le 29 janvier sur le PLF2025 avec le cabinet du ministre des Transports Philippe Tabarot, l'Union TLF a alerté sur la « désorganisation », et « les surcoûts inacceptables » si les mouvements dans les ports devaient se durcir. L'organisation patronale, qui représente les acteurs de la chaîne logistique, estime la perte à un quart du chiffre d'affaires de ses membres « dans un contexte de concurrence internationale exacerbée et de forte hausse des défaillances d’entreprises ». Elle sollicite notamment l'adoption de mesures de soutien aux entreprises fragilisées par ces perturbations, telles que le chômage partiel ou la création d'un fonds de soutien dédié.

Dans un communiqué en date du 28 janvier, la Fédération nationale du transport des transports routiers (FNTR) exprime, elle aussi, son exaspération face à ces interruptions d'activité réitérées, « qui affectent la fluidité des échanges » et « fragilisent les entreprises et les emplois » dans une « conjoncture internationale incertaine ».

L'organisation en appelle « à la responsabilité de toutes les parties prenantes » et demande une « médiation rapide pour garantir la continuité des activités ». Le contexte économique est extrêmement tendu pour les transporteurs routiers, qui tentent de maintenir leur rentabilité à flot. Le secteur a connu une hausse des défaillances d'entreprises de 39,15 % en 2024 par rapport à 2023 dont 69,68 % de liquidations selon le Cabinet Altares Dun & Bradstreet. La FNTR demande notamment une levée des interdictions de circulation le week-end si la crise devait s'étirer dans le temps.

Au-delà, les professionnels rappellent le prix à payer pour les ports français en termes de compétitivité et de fuite des trafics vers les grands concurrents européens. À commencer par Anvers, si prisé des chargeurs français.

Adeline Descamps

[Actualisation] : Depuis la rédaction de cet article, La Fédération des ports et docks CGT a annoncé (le 4 février) un durcissement de leur mouvement social avec un arrêt de travail de 48 heures les 26 et 27 février et une opération Port mort le 27 février.

 

Les chargeurs : « ça suffit »

À l’AUTF, le « ça suffit » est également perceptible. L'organisation professionnelle la plus représentative des intérêts des chargeurs interpelle à son tour les pouvoirs publics desquels elle attend une « médiation rapide », et appelle les acteurs du secteur à une responsabilisation collective. Une référence à peine voilée aux conséquences financières de ces mouvements pour les chargeurs qui se traduisent bien souvent par des surcoûts facturés par les transporteurs en frais de surestaries et détention, de stationnement du fret, d'attente pour dépose ou retrait de conteneurs, de stockage de débord hors zone portuaire à l’export, de rollovers, blank sailing... Sur ces points, elle sollicite une « juste répartition des coûts » ainsi que « davantage de transparence », peut-on lire dans un communiqué diffusé le 31 janvier*.

Pour les « entreprises importatrices/exportatrices françaises, les conséquences de tels mouvements se traduisent, grève après grève, par des dérèglements de flux, des ruptures de chaînes logistiques et des arrêts d’activité (…) qui entraînent la désorganisation (voire, à terme, la démobilisation) des ressources humaines, la déstructuration des liens avec les prestataires, en plus de lourds surcoûts de production et de la perte de clients »,

Elle fait écho aux mises en garde énoncées par d'autres organisations professionnelles quant aux risques que la récurrence de ces grèves fait peser sur la compétitivité portuaire et « l’attractivité économique française ». Ces sujets seront sans doute évoqués alors que des rencontres sont prévues aux ministères de l’Aménagement du territoire et de la Transition écologique et de l’Industrie et de l’Énergie. L'annonce de ces grèves tombe alors que s’ouvrent les réflexions conduites par la DGITM dans le cadre de la stratégie nationale portuaire.

A.D.

*Article ajouté le 31 janvier

 

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