Avec cette nouvelle autoroute ferroviaire entre le port andalou et Saragosse, via Madrid, le transport de semi-remorques de type P420 sur des wagons spécialisés deviendra possible et la part du ferroviaire dans le transport de marchandises sur l’axe Algésiras-Saragosse (1 074 km) devrait être confortée.
Le projet, porté par le port espagnol d’Algésiras, ADIF, l’entreprise publique en charge du réseau ferroviaire espagnol, la Plateforme logistique d’Aragon (APL selon le signe espagnol) et la société privée Rail&Truck Strait Union, s’inscrit en réalité dans le cadre d’une initiative plus vaste de l’Autorité portuaire de la baie de Algeciras (ABPA), répondant au nom de « projet Hercule ». Présenté en mars, il vise précisément à faire du port andalou un maillon essentiel des chaînes de valeur reliant l’Europe et le nord de l’Afrique. Il a en outre pour objectif de favoriser un report modal d’une partie du trafic de poids lourds avec le Maroc.
Des engagements lourds
Selon la lettre d’intention, signée le 15 octobre, qui répartit les engagements entre les différentes parties prenantes, l’opérateur sera la société privée Rail & Truck Strait Union, constituée en mai 2011 par trois actionnaires : Continental Rail, filiale du groupe CMA CGM, Eco Rail, un opérateur ferroviaire basé à Séville, et Marcotran, une entreprise spécialisée dans le transport routier de marchandises et la logistique. Le siège social de la nouvelle entité figure à la même adresse que celle de Continental Rail à Madrid.
Rail & Truck Strait Union s’engage à acquérir le matériel roulant nécessaire et à solliciter, auprès d’Adif, l’Autorisation de transport spécial (ATE en espagnol) indispensable pour assurer la circulation des convois. La fréquence évoquée est celle d’un départ quotidien.
Un volet important du projet concerne l’adaptation de la voie ferrée aux exigences d’une autoroute ferroviaire. En avril dernier, l’État espagnol avait annoncé le déblocage d’une tranche de 100 M€ pour les premiers travaux. En octobre, deux contrats ont été adjugés par Adif en vue d’étudier les adaptations de gabarit nécessaire dans les tunnels (39 en tout) et les viaducs afin de permettre la circulation des futurs convois. Dans une deuxième étape, et au vu des conclusions de ces études, les investissements nécessaires seront réalisés.
Le dernier volet concerne le chargement/déchargement des semi-remorques à Algésiras comme à Saragosse. Le protocole évoque les investissements à réaliser en termes de voies d’accès, d’équipements et de zones de stationnement.
Volontarisme officiel
Le dossier suscite un certain scepticisme dans les milieux professionnels espagnols qui s’interrogent sur le volume effectif de remorques qui pourraient être chargées sur l’axe Algésiras-Saragosse et la rentabilité du projet. Aucune évaluation précise du trafic potentiel et des investissements nécessaires n’a été divulgué. Par ailleurs, le calendrier sera difficile à tenir compte tenu des travaux à réaliser pour adapter l’axe ferroviaire.
Reste que le ministère des Transports espagnol est un ferme partisan des autoroutes ferroviaires, considérant cette initiative comme ue priorité dans le cadre d’une orientation générale vers des « modes de transport durables ». Il pourrait bénéficier de financements européens, notamment issus du programme Next Generation EU, dont l’Espagne est l’un des principaux pays bénéficiaires.
Daniel Solano