Haropa Port devrait enregistrer en 2024 la plus forte croissance du range nord pour le conteneur

Crédit photo ©Samuel Salamagnon pour Haropa
Le port de l’axe Seine a enregistré une petite croissance de ses trafics maritimes en 2024 mais explose sur le conteneur. Avec sa croissance de 18,7 %, le plus petit port à conteneurs du range nord-européen, premier touché à l’import et dernier à l’export, enregistrera sans doute la plus forte croissance de la rangée. Les perspectives confortées par le milliard d'euros d'investissement de MSC dont la montée en puissance coïncidera avec la concrétisation de Port 2000.

Hasard du calendrier. Le premier jour d’une nouvelle grande vague de grèves dans les ports français a coïncidé avec la tenue par Haropa Port de sa traditionnelle conférence de presse de début d’année. La Fédération des ports et docks CGT a appelé le 22 janvier à une opération « port mort » de 48 heures, les jeudi 30 et vendredi 31 janvier, et invité à observer quatre heures de débrayages pendant encore 11 jours, le 29 janvier puis les 4, 6, 10, 12, 14, 18, 20, 24, 26 et 28 février. Les dockers, qui avaient entamé des négociations avec le gouvernement au printemps dernier puis à l’automne en vue d’obtenir des aménagements à l’application de la réforme des retraites, ne font que ranger et ressortir les piquets depuis quelques mois, au gré des gouvernements qui redistribuent les cartes depuis la dissolution de l'Assemblée nationale. Le premier arrêt du travail s’est matérialisé au Havre ce 29 janvier par l’annulation d’une escale d’un paquebot faute de pouvoir y être traité.

« Le mouvement social ne devrait pas avoir d’impact sur les entrées et sorties de navires. Les revendications n’ont rien à voir avec les affaires portuaires [abrogation de la réforme des retraites, désindustrialisation, détérioration des conditions de travail, revalorisation des salaires..., NDLR]. Sur ce sujet, on ne maitrise pas l'amont. En revanche, on subit en aval », se contentera de dire à ce sujet Christophe Berthelin, président du directoire d'Haropa Port par intérim à la suite du départ de Stéphane Raison, officialisé en septembre.

À ce sujet, l’identité du futur patron du premier ensemble fluviomaritime créé en France qui s’étend de Paris à Rouen en passant par le Havre, ne sera pas connu avant mars à l’issue d’un process administratif (fixé par le code du Transport) qui n’en est qu’à moitié route, à savoir la soumission de la proposition gouvernementale aux deux régions membres du conseil de surveillance, la Normandie et Ile-de-France. Le conseil de surveillance devra ensuite se réunir et valider la candidature.

En attendant, Christophe Berthelin assure donc la transition aux côtés des membres du directoire, le directeur général adjoint en charge du développement, Kris Danaradjou, et les directeurs délégués dans les territoires, au Havre (Florian Weyer), à Rouen (Dominique Ritz) et à Paris (Antoine Berbain). 

60 % tirés de ses revenus fonciers

Haropa Port a soldé l’année 2024 avec un chiffre d’affaires en hausse de 3,6 %, à 437 M€, dont 60 % tirés de ses revenus fonciers, ces implantations industrielles tant convoitées censées illustrées le port ancré dans son temps, tandis que ses droits de port ne pèsent plus que 35 % (5 % pour ses autres activités). C’est un résultat financier inégalé jusqu’à présent, est-il précisé. 

En termes de tonnages, le port de l’axe Seine enregistre une petite hausse de ses trafics maritimes (+ 2,4 % par rapport à 2023) avec 83,19 Mt mais explose sur sa filière conteneurs. Avec une croissance de 18,7 %, le plus petit port à conteneurs du range nord-européen, premier touché à l’import et dernier à l’export, enregistrera sans doute la plus forte croissance de la rangée. À ce stade, seul le trafic conteneurisé d’Anvers-Bruges, numéro deux européen, est connu (un peu moins de 9 %). Le leader en Europe, Rotterdam, et le numéro trois, Hambourg, n’ont pas encore communiqué.

L'établissement portuaire est repassé au-dessus du cap symbolique des 3 MEVP qu’il avait franchi pour la première fois en 2022 (3,102 MEVP), après un an et demi de vie partagée à trois et pour son premier exercice plein à cette échelle. Mais il était repassé sous la barre en 2023 (2,63 MEVP), n’échappant pas à la dictature de la conjoncture : en l’occurrence un économie mondiale atone doublée des soubresauts géopolitiques.

+ 56 % en transbordement

À noter pour l'année qui vient de s'écouler, le transbordement connait une croissance historique de 56 % par rapport à l’année précédente et enregistre ainsi son niveau le plus important depuis cinq ans. « Cette dynamique est illustrée également par un trafic inland solide (+ 7 %) avec une augmentation du nombre d’escales au Havre, en dépit des évènements en mer rouge », indique la direction.

Sur le front du conteneur, l’année 2025 devrait être aussi celle du verdict après la reconfiguration des alliances, et notamment la création de Gemini, nouvelle coopération entre Maersk et Hapag-Lloyd, dont la stratégie « hub and spoke » tranche avec l’organisation de la ligne régulière. L'offre des deuxième et cinquième armateurs mondiaux de porte-conteneurs, qui consiste à ne desservir qu'un certain nombre de ports hub en Europe avec leurs navires-mères à partir desquels opéreront de grands feeders, fait du Havre une destination secondaire, couverte par transbordement depuis Rotterdam et Tanger. « L’essentiel est que ce nouveau service indirect ne bouleverse pas le transit time, ce qui nous a été garanti », nuance Kris Danaradjou, le directeur général adjoint en charge du développement. « Il est trop tôt pour conclure à une forme de décroissance. Nous ne serons certes plus desservis par de grands navires mais par beaucoup plus de petites unités. Il n'est pas exclu que cela se traduise par une augmentation des volumes in fine », ajoute Florian Weyer, confiant.

Clap de fin pour Port 2000

Le directoire est surtout conforté par les perspectives des années à venir, Til, l’opérateur portuaire néerlandais dont MSC est actionnaire majoritaire, y ayant annoncé près d’1 Md€ d’investissements d’ici 2026-2027. Les développements du leader mondial dans le transport maritime de conteneurs marqueront la montée en puissance de Port 2000 et la finalisation de ce grand programme structurant pour la filière conteneur du premier port français. 

Après avoir terminé en 2023 les travaux sur les postes 11 et 12 qui vont ajouter 700 m de plus pour totaliser 4,2 km de quai, « l’aménagement final des terre-pleins et l’acquisition des outillages nécessaires à leur exploitation relèvent maintenant du concessionnaire ». Pour mémoire, les deux derniers postes ont été attribuées à GMP (société détenue par Terminal Link, filiale du groupe CMA CGM et de China Merchant Holdings à 50,2 % et la société d’investissement iCON Infrastructure à 49,8%), qui exploite le Terminal de France, le tout premier de Port 2000. Mais une redistribution spatiale avec Til/MSC, à la tête de Terminal de Normandie (TNMSC) et de Terminal Porte Océane (TPO), fait toujours l'objet d'une négociation privée inter-opérateurs.

Après GMP en 2020-2021, les TNMSC et TPO vont aussi s'équiper en méga-portiques dont les deux premiers sont arrivés le 11 novembre. Sept autres sont attendus cette année, trois en février et les autres en mai.

En attendant la chatière

Il reste désormais le chantier de la chatière à livrer, cette célèbre digue d'1,8 km à construire pour permettre l’accès direct des barges fluviales aux terminaux à conteneurs de Port 2000. Une pièce non dispensable au développement du fluvial pour éviter les ruptures de charge, ennemi du logisticien, indique-t-on au port. Les travaux sont partis pour 30 mois moyennant 197 M€ (dont 82,45 M€ par l’autorité portuaire, 86,05 M€ par la Région Normandie, 24,9 M€ via le Mécanisme pour l’interconnexion en Europe et 3,6 M€ par l’État). La mise à disposition des opérateurs est prévue sur le premier semestre 2027, de façon à coller avec la concrétisation des engagements financiers de MSC, qui a promis un triplement de ses flux de conteneurs. « La chatière, c'est quelque part la concrétisation de port 2000, convient Christophe Berthelin. Au-delà, l’idée est de faire en sorte que flux supplémentaires générés par les développements de MSC soient absorbés par le ferroviaire et le fluvial quand ils sont destinés à l'hinterland. À défaut c'est la route qui prendrait le relais ».

Cette infrastructure est aussi à mettre en perspective avec le terminal trimodal (sans le rail à ce stade) de Bruyères-sur-Oise (95), où la filiale logistique de MSC, Medlog, a effectué l’an dernier ses premières opérations de chargement/déchargement de conteneurs. « En connectant la région francilienne et l’arrière-pays au Havre, Medlog contribue à structurer le corridor logistique vert que nous portons », insiste le dirigeant.

Multimodalité en chantier

« La multimodalité, c'est la façon de tirer le meilleur parti du fluvial et du ferroviaire pour le transport de marchandises en termes de compétitivité mais aussi de développement durable puisque les modes de transport que l'on dit massifiés sont bas carbone », indique de son côté Antoine Berbain, en charge de la direction territoriale de Paris. « Il y a désormais 18 Mt manutentionnées sur l'ensemble de nos ports en Île-de-France en 2024 ».

Le dirigeant y tient : il ne faut pas voir dans la chute de 8 % une dégradation de la performance du fluvial par rapport à la route, mais un effet purement conjoncturel lié aux secteurs d'activité qui utilisent traditionnellement le fleuve, à savoir le BTP, actuellement en dépression, et les céréales en raison de la faiblesse des exportations de céréales liées la campagne 2023-2024 (cf. plus bas).

« En revanche, le transport fluvial de conteneurs maritimes est vraiment en compétition avec la route, et c'est à cet endroit qu’on mesure le fonctionnement global de la chaîne logistique qui passe par Haropa Port, tant dans les flux import/export qu’urbains. Il a très fortement progressé dans les échanges entre le Havre et la région parisienne », insiste Antoine Berbain.». À ce niveau, plus de 220 000 EVP ont transité, de/vers Le Havre, dont 183 000 EVP en Île-de-France (somme des trafics de conteneurs maritimes et de logistique urbaine). Sur le seul terminal Gennevilliers, principale plateforme intérieure, le nombre de boîtes traitées a progressé de 11 % par rapport à 2023, qui était déjà à son plus haut historique.

Le transport ferroviaire sur les rails

Pour ce qui concerne les acheminements (en conteneurs) vers l'hinterland par le rail, depuis le port du Havre, la croissance est encore plus notable (+ 22 %) avec 120 000 EVP mais par rapport une année 2023 creuse. Effet du développement de l’offre en lien direct avec les terminaux maritimes ? (nouvelles connexions vers Tours, Clermont Ferrand, Vierzon ; renforcement des liaisons vers Lyon et Bordeaux).
In fine, le port n’a pas encore atteint son objectif de report modal fixé à 18 % mais s’en approche avec une part de 10,5 % pour le fleuve et de 5,7 % via le rail. 

Vers un port trimodal

La grande opération consiste désormais à aménager un port tri-modal (fluvial, ferroviaire et routier) d’environ 100 ha à la confluence de la Seine et de l'Oise. Ce sera une première depuis l’ouverture dans les années 70 de Limay (un port fluviomaritime à mi-distance de Paris et de Rouen où Ikea va mettre en service en 2026 un entrepôt logistique de 72 000 m² pour y recevoir des conteneurs maritimes et préparer la livraison de ses clients parisiens). « C'est un projet important de 122 M€ pour étendre notre hinterland naturel qui nous engage jusqu’en 2040 dans la mesure où le site sera aménagé au fur et à mesure que nous récupérons les terrains », avait expliqué Kris Danaradjou dans un entretien au JMM en septembre. Le site identifié sur la plaine d’Achères dans les Yvelines accueille actuellement une carrière en cours d’exploitation (GSM).

Cet autre grand projet, destiné notamment à accueillir les activités en lien avec le secteur du BTP, répond au rééquilibrage des plateformes logistiques à l’Ouest de Paris, fait-on observer chez Haropa Port. L’opération prévoit la création d'une darse (bassin intérieur), de quais (dont un public), d'une connexion ferroviaire, de voies d’accès routier et l’accueil d’entreprises sur environ 50 ha de foncier avec 19 ha d'espaces verts, « dont un parc paysager et un réseau de voies douces ouverts aux riverains et habitants du territoire », ajoute, prévenant, Christophe Berthelin.

Adeline Descamps

Autres trafics

Les trafics de vracs liquides, « dont il faudra compenser progressivement la décroissance tendancielle », explique Christophe Berthelin, directeur général par intérim d'Haropa Port, sont beaucoup moins en forme que le roi conteneur, accusant avec 39,97 Mt en 2024 un retrait de 5,1 %, dont 19,4 Mt de pétrole brut (- 1,5 %) et 15,3 Mt de produits raffinés (- 6,3 %). « Cette baisse est principalement liée à des incidents techniques qui ont affecté la production des raffineries locales. L’incendie d’une des deux colonnes de la raffinerie ExxonMobil, en mars 2024, a réduit les imports de pétrole brut. En revanche, les deux raffineries ont tourné à plein régime sur l'axe seine en 2024 », explique-t-il.

La filière des vracs solides (- 7,5 %, 11,75 Mt) a été secouée par la perte de régime des céréales et agrégats. Après un très bon premier semestre porté par les exportations de la mirifique récolte 2023-2024, le trafic des grains (7,08 Mt, - 4 %) a fini en mode très dégradé compte tenu des conditions météorologiques qui ont affecté la campagne 2024-2025. « La perte de rendements de l’ordre de 30 % sur l'ensemble de la France », s’est répercutée sur nos trafics à l'export sur le deuxième semestre 2024. Il en sera de même sur les six premiers mois de 2025 ». Les flux des agrégats (- 28,4 %) sont principalement le fait de l’échéance des grands chantiers parisiens et du fort ralentissement de la construction neuve. Mais « les perspectives sont positives car les travaux du Grand Paris vont repartir avec notamment la ligne 15 sur ses prolongements Est et Ouest qui va générer du trafic de manière conséquente sur l'axe Seine », avance Christophe Berthelin.

Après une année de baisse en 2023, le trafic roulier connait un rebond de 5,6 % avec plus de 272 563 véhicules manutentionnés dans un contexte pourtant défavorable pour le marché automobile français. Du fait du caractère contracyclique de ce trafic, le terminal roulier havrais a traité les commandes passées en 2023, ce qui suggère une année compliquée en 2025 au regard de celles contractées en 2024.

La tendance à la hausse de la croisière maritime, avec 512 784 passagers (+ 11,6 %) et 206 escales (+ 13,2 %). « devrait se confirmer en 2025, grâce à une reconfiguration de la Pointe de Floride, portée notamment par le GIP Le Havre Croisières », fait-on valoir à la direction. Mais la principale opération concerne l'électrification des quais (exigence de la réglementation européenne pour 2030), le premier quai (Pierre Callet au Havre) sera branché à terre en avril prochain. Les quais Roger Meunier et Joannès Couvert seront mis en service en 2026. Un investissement de 32 M€ qui bénéficie d’un soutien de l’État de 13,6 M€ au titre du plan France Relance et de 900 000 € au titre du fonds de recherche pour le charbon et l’acier. Des investissements similaires sont prévus à Rouen et Honfleur.

En complément de sa politique environnement, Haropa Port a annoncé le 29 janvier la mise en œuvre, dans le cadre de sa politique tarifaire 2025, du dispositif Environmental Ship Index (ESI) un dispositif qui récompense les navires les plus énergétiquement sobres. Il a prévu une enveloppe de 250 000 € pour les unités ayant un score ESI entre 50 et 64 et une enveloppe de 1M € pour celles affichant un score supérieur.

Adeline Descamps

 

 

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