Le classement des 405 ports*, dont la productivité basée sur le temps de séjour d'un porte-conteneur dans un port a été analysée par la Banque mondiale et S&P Global Market Intelligence, n’a pas grand-chose à voir avec les inventaires qui s’appuient plus classiquement sur la seule capacité.
Pour sa quatrième édition du Container Port Performance Index (CPPI), 182 000 escales de navires et 238,2 millions de mouvements, représentant 381 MEVP en 2023, ont été passés en revue.
Certes, le premier des ports à conteneurs par sa performance est chinois (Yangshan, qui dépend du port de Shanghai), et ce, pour la deuxième année consécutive. Et parmi les dix premiers, sept sont chinois alors que 13 des 20 premières places sont occupées par les paces d'Asie de l'Est et du Sud-Est. Mais Singapour, le numéro deux mondial par la capacité se voit reléguer en 17e position et le troisième, Ningbo, ne se situe qu'au 12e niveau.
Le second mondial à briller par son efficacité est un ressortissant du Moyen-Orient (Salalah). Le grand port d'Oman, à seulement 150 km des grandes routes maritimes Est-Ouest, occupait déjà cette position dans la précédente édition.
Le troisième est Carthagène, le numéro cinq en Amérique latine et principal port d’exportation colombien, qui entre dans le top 5. Le quatrième est l’actuelle météorite portuaire mondiale, TangerMed, qui après avoir cloué au sol les ports méditerranéens, est entré dans le Top 20 mondial de façon tout aussi fulgurante. Sa fréquentation croissante n’entame apparemment pas son rendement. Il tient son rang par rapport à l'édition de 2022.
Le cinquième est malais (Tanjung Pelepas), une valeur sure depuis des années dans la galaxie des terminaux à conteneurs mais en principe plus proche du 20e rang avec plus de 11 MEVP que des premières positions mondiales.
Ports sinon secondaires du moins pas attendus
Loin devant les Ferrari portuaires, qui cumulent en général tous les points, on y trouve surtout des ports sinon plus secondaires du moins pas attendus à ce niveau de performance, tels Chiwan en Chine (partie intégrante de Shekou), Cai Mep, étoile montane du Vietnam, Yokohama au Japon, dont les ports ont souffert de la proximité de l’ogre portuaire chinois, Visakhapatnam en Inde, entré dans le top 20, ou encore Yeosu en Corée.
Curieusement, Hong-Kong, ex-star planétaire déchue, de moins en moins fréquentée, reste bien noté pour sa capacité à prendre en charge un navire.
Défaillance européenne et française
Le seul port européen dans le Top 20 est espagnol, Algésiras. Il faut ensuite dérouler la longue liste pour en trouver un autre au 39e rang, Zeebrugge (fusionné avec Anvers), devant Aarhus (51e), plus grand port à conteneurs du Danemark, traitant plus de 50 % du fret conteneurisé du pays. et Wilhemshaven. Le leader européen Rotterdam et 11e mondial ne brille par pour le temps de séjour passé au port (91e).
Quant aux ports français, les ultramarins s’arrogent une place de choix : à nouveau Pointe-à-Pitre ressort en champion tricolore de la productivité mais à la 114e place et Papeete (176e mondial) pointe en numéro trois au niveau national, derrière Dunkerque (171e) et devant Brest (217). Les deux plus grands ports maritimes français, Le Havre (372) et Marseille (354), sont largement distancés.
Aucun port américain parmi les 50 premiers
La même règle s’applique au continent nord-américain où ce ne sont pas les blockbusters qui émergent (Philadelphie, Charleston, Port Everglades, Wilmington et Boston pour les cinq premiers). Par ailleurs, aucun port américain ne figure parmi les 50 premiers.
En revanche, au Moyen-Orient et dans le sous-continent indien, c’est moins vrai car on y retrouve Salalah, Hamad, King Abdullah, Mundra, des ports-phares.
57 nouvelles entrées
L’édition 2023 compte 57 nouveaux ports, dont Muuga en Estonie et Al Duqm à Oman. Cent ports ont amélioré leur classement par rapport à la troisième édition en 2022, certains de plus de 200 places. À l’inverse, Khalifa se voit violemment déclassé (de la 3e à la 29e position) et dans une bien moindre mesure, Hamad perd quatre points (11e en 2023).
« L'invasion de l'Ukraine par la Russie, les attaques contre la navigation dans le golfe d'Aden et les restrictions de tirant d'eau sur le canal de Panama sont autant de perturbations nouvelles ou persistantes qui ont eu un impact sur le transport de conteneurs, indique le rapport de la Banque mondiale. Ces changements ont un impact sur les performances. Si certains problèmes sont exogènes ou systémiques, d'autres sont endogènes ou spécifiques à un lieu, et tous deux ont un impact ».
À mettre au crédit du Covid, selon Turloch Mooney, responsable de l'intelligence et de l'analyse des ports chez S&P Global Market Intelligence, « l'efficacité des portes d'entrée maritimes font l'objet d'une plus grande attention et d'une meilleure compréhension de l'impact négatif des retards portuaires sur le développement économique ».
Pour l'économiste, disposer d'une base de données fiable et comparable permet d'identifier les domaines susceptibles d'être améliorés. « La nature hautement interconnectée du transport maritime par conteneurs signifie que les effets négatifs se répercutent au-delà », et en perturbant l’ensemble de l’acheminement, augmente le coût des importations et des exportations, signifie-t-il.
Ce sont deux ports sud-africains – Ngqura et Cape Town –, qui ferment l'indice, respectivement aux 404e et 405e places tandis que Durban n’est pas mieux loti (398e), reflétant les difficultés persistantes de l’Afrique du Sud à améliorer la productivité de ses ports.
Durée moyenne d'un navire de 40,5 heures
Dans cette masse de 92 pages, on y apprend par ailleurs que la durée moyenne d'une escale était de 40,5 heures en 2023, ce qui représente une légère augmentation par rapport à la moyenne mondiale de 36,8 heures en 2022. Près de quatre heures ont été du temps d'inactivité consommé au poste d'amarrage immédiatement avant et après les opérations de cargaison.
Au niveau mondial, chaque arrivée au port a diminué en moyenne de 1,8 heure. Mais avec de grands écarts : 19,1 heures ont été relevés en Amérique du Nord. En revanche, ce critère s’est amélioré en Afrique subsaharienne (de 2 heures), notamment à Dar Es Salaam (qui a réduit les temps d'arrivée des navires de 57 %), Monrovia, Douala, Pointe-Noire, Tema, Luanda, Lomé, Lagos, Port Victoria, Dakar, et Ngqura. Il s’est dégradé au Cap, à San Pedro, Abidjan et Mombasa. En Europe, Poti, La Spezia, Mersin, Trieste, Hambourg et Koper ont tous connu un allongement de la durée moyenne d'arrivée.
Corrélation imparfaite
Bien qu'il y ait une certaine relation entre le navire et la taille de l'escale, il ne s'agit pas d'une corrélation parfaite. Par exemple, un navire d'une capacité de 18 000 EVP faisant escale dans un port de Thaïlande ou du Vietnam peut traiter 1 000 à 2 000 conteneurs par escale, mais le même à Yangshan ou à Singapour, plus de 4 000.
La moyenne mondiale pour tous les navires a été de 23,5 mouvements par heure, suggérant que les plus petits navires sont 9,4 % moins efficaces que la moyenne, tandis que ceux de 8 501 EVP à 13 500 EVP le sont près de quatre fois plus que la moyenne. Contrairement à des idées reçues, les navires de plus grande taille ne sont pas plus difficiles à travailler, souligne le rapport.
Adeline Descamps
*minimum de 24 escales valides au cours de la période de 12 mois de l'étude