Ce que les données d'Eurostat disent des ports européens

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Le terminal méthanier de Fos Cavou

Crédit photo ©Elengy
L'agence européenne des statistiques vient de publier les trafics des principaux ports des États membres. Une livraison élargie aux ports turcs dont la montée en puissance est manifeste. Les données d'Eurostat sont décalées mais consolidées par flux, destinations, filières..., elles prennent le pouls du monde.

Les données d’Eurostat sur les trafics portuaires ont un vice. Elles sont à détente avec un temps de réaction de plusieurs trimestres. Mais elles ont pour vertu d'être d’être consolidées à l'échelle de l'ensemble des Etats membres de l'Union européenne, fiables et complètes, étant détaillées par filières, pays, échanges... Le repositionnement des flux, en écho à la conjoncture et à la géopolitique mondiale, se donnent ainsi à lire.

La dernière livrée porte sur le troisième trimestre 2022. Entre début juillet et fin septembre de l'an dernier, les principaux ports européens ont traité 860 Mt et s'affichent en stabilité à la baisse (- 0,7 %) par rapport au même trimestre de 2021 et en perte de vitesse un peu plus prononcée (- 1,4 %) par rapport au trimestre précédent.

Deux trajectoires en reflet de la conjoncture

Les entrées ont totalisé 62,3 % (536 Mt) du volume total de marchandises traitées, en hausse de 3,3 % par rapport au troisième trimestre de l'année précédente. En revanche, les mouvements sortants se sont contractés de 6,7 % au cours de la même période, pour atteindre 324 Mt.

Deux trajectoires de croissance se distinguent nettement. Comparé au trimestre de l'exercice 2021, les conteneurs et les unités ro-ro manutentionnés ont respectivement chuté de 8 % et 7,2 % tandis que le vrac sec (+ 4,2 %) et liquide (+ 3,3 %) ont tiré leur épingle du jeu géopolitique et de la reprise économique, juste avant que la conjoncture ne viennent brouiller les pistes. Les autres marchandises diverses restent stables, avec une légère augmentation de 0,7 %.

Les ports français sur une ligne de crête

Par pays, les ports néerlandais (151,8 Mt), espagnols (122 Mt) et italiens (113 Mt) font figure de locomotives avec plus de 100 Mt de marchandises manutentionnées entre juillet et septembre. Loin devant les ports français, allemands et belges, qui se situent dans un fouchette entre 66,3 Mt et 72,5 Mt selon les trimestres.

Les ports français ont réédité à l'occasion de la période juillet-septembre 2022 la performance trimestrielle déjà observée une première fois au cours des deux dernières années. Avec un peu plus de 72 Mt, en hausse de 6,2 % sur un an, ils égalent le record des trois derniers mois de 2021.

En deçà de la jauge des 60 Mt, dans la tranche des 45 Mt, on trouve les ports grecs (44,1 Mt), suédois (41,7 Mt) et norvégiens (48,3 Mt).

Des gagnants et des perdants en fin d'année 2022 ?

Neuf des États membres maritimes de l'UE ont enregistré une baisse des tonnages manutentionnés par rapport au même trimestre de 2021. Parmi les décrochages les plus sévères à période comparable de 2021 et 2022 figurent les places italiennes (- 13,8 %) et deux des ports baltiques – Estonie (- 26,8%) et Lituanie (- 17,7 %) –, où les tonnages n’excédent pas les 10 Mt par trimestre (7,5 et 10,3 Mt pour l’un et l’autre).

Parmi les autres en perte de vitesse, les chutes sont plus limitées : - 0,9 % pour les ports belges ; - 3,1 % pur les ports allemands ; - 3,8 % pour les ports irlandais ; - 3,5 % pour les ports grecs.

À l’inverse, les côtes polonaises (+ 31,8 %) et celles de la Lettonie (+ 22,3 %) se distinguent par leur forte croissance par rapport à la période comparables de 2021. Le Monténégro, pays candidat à l'UE, se distingue avec sa croissance substantielle de 85,5 % mais avec des niveaux de trafic epsilonesques, de 0,9 Mt.

En termes de variation annuelle, les désescalades touchent presque les mêmes ports, suggérant ainsi un mouvement plus structurel que conjoncturel. Ainsi de l'Estonie (- 14,2 %) et de la Lituanie (- 14 %) à l’exception de Malte qui accuse une chute de 28,3 % mais qui a bondi de plus de 55 % par rapport au troisème trimestre de 2021.

En revanche, les croissances les plus importantes sur une base annuelle ont été observées en Pologne (+ 16,8 %), en Bulgarie (+ 14,1 %), à Chypre (+ 13,2 %), en Roumanie (+ 12,8 %), en Lettonie (+ 12,7 %) et en Slovénie (+ 11,7 %). La Pologne, la Bulgarie et la Roumanie profitent des déboires des ports ukrainiens, servant de base arrière logistique, notamment Varna et Constanta.

Sans être dans l’Europe, mais relevée par Eurostat, la montée en puissance des ports turcs avec 133 Mt (+ 4,7 % sur un an), soit un tonnage entre les deux pays portuaires leaders de l’Europe, Pays-Bas et Espagne.

Du changement dans le range nord-européen ? Haropa a tiré son épingle de l’écheveau portuaire

Toutes catégories de marchandises confondues, à l'exception pour le fret roulier, Rotterdam est resté le port de l'UE le plus actif au troisième trimestre 2022 avec 109 Mt devant Anvers-Bruges (Anvers +Zeebrugge, 62 Mt), Hambourg (26 Mt), Amsterdam (24 Mt) et Haropa Port (21 Mt), ce dernier en hausse de 15,1 % par rapport au troisième trimestre de 2021.

Dans le même temps, Hambourg a reculé de 7,2 %, Rotterdam de 1 % et Anvers-Bruges de 0,9 %. Si l'on considère la variation annuelle globale, l'ensemble portuaire de l’axe Seine a également enregistré la plus forte croissance (+7,8 %), tandis qu'Amsterdam et les deux ports belges fusionnés sont également en hausse de 7,3 % et 2,3 % respectivement.

Haropa Port, plus petit port du range nord-européen, a profité à plein de la congestion de ses grands voisins.

Quelles évolutions dans le commerce extérieur de l’UE ?

La Russie s’efface ineluctablement, reculant en troisième position parmi les principaux pays extracommunautaires partenaires de l'UE, au profit du Royaume-Uni post-Brexit. Tour de passe-passe de l'Histoire.

Les échanges de l’UE avec les États-Unis, la Russie et le Royaume-Uni, pris ensemble, ont représenté près d'un tiers (30 %) du total du transport maritime extra-UE au troisième trimestre 2022.

Outre la Russie (- 41,3 %), les relations avec la Chine se sont aussi matérialisées par une perte de puissance (-7,3 %). En revanche, le trafic avec l'Afrique du Sud, les États-Unis et la Norvège a explosé, respectivement de 41,3 %, 30,9 % et 13 %.

Les vracs liquides ont dû peser dans la balance. Au troisième trimestre 2022, le brut et le GNL en provenance des ports de la côte est des États-Unis représentaient près d'un tiers (29 %) du transport total entre l'UE et les États-Unis. Les imports de charbon ont également assuré 12 % du transport total entre l'UE et les États-Unis.

La politique zéro-Covid en Chine et la guerre en Ukraine ont-ils impactés la nature des flux ?

Le principal flux commercial maritime des ports européens reste les entrées de conteneurs en provenance de la Chine, cependant en retrait. Bien qu’entravé par la politique zéro Covid, ils ont totalisé 16,9 Mt (7,3 Mt en sorties).

En ce qui concerne les sorties, le trafic ro-ro à destination du Royaume-Uni (11,1 Mt) surpasse les conteneurs.

Sans surprise, au regard de la conjoncture, au troisième trimestre 2022, les 20 principaux flux commerciaux ont été largement dominés par les arrivées de vracs liquides (pétrole brut, produits pétroliers et GNL), avec quelques exceptions : les conteneurs à destination et en provenance de Chine, les minerais en provenance de la côte est-canadienne, les produits agricoles depuis le Brésil, le charbon sourcé sur la côte est-américaine, mais aussi en Australie et en Afrique du Sud et le ro-ro de/vers le Royaume-Uni.

Au troisième trimestre 2022 par rapport au même trimestre de 2021, les entrées les plus notables ont porté sur le charbon d'Afrique du Sud (+ 670,3 %) et d'Australie (+ 38,1 %), le gaz liquéfié, le charbon et le brut du Golfe des Etats-Unis (+ 150,7 %, + 72,2 % et + 18 %), le brut d'Irak (+ 135,4 %), d'Égypte (+ 82,9 %) et de Norvège (+ 29,3 %).

En revanche, les flux pétroliers en provenance des ports russes de la mer Baltique se sont taris (- 55,1 % et - 21,9 %)

Marseille et Haropa parmi les ports pétroliers de poids à l'échelle européenne

Rotterdam était, aussi et de loin, le principal port pétrolier de l'UE au troisième trimestre 2022, devant Anvers-Bruges, Amsterdam, Marseille et Haropa. Tous ont enregistré des augmentations par rapport au même trimestre de l'année précédente. Amsterdam surplombe en termes de croissance (+23,6 %).

Les ports de Haropa et de Marseille ont également assuré une belle performance (+ 8,6 % par rapport au même trimestre de 2021), conduisant à des taux de variation annuels respectives par rapport à la période précédente de 13,8 % et 0,3 %.

Anvers-Bruges a également progressé de 6,3 % par rapport au même trimestre de 2021 (+ 12,6 % en glissement annuel).

Aucun port français parmi les grands ports de vrac

Les ports néerlandais Rotterdam et Amsterdam ont été les plus prisés au troisième trimestre pour le traitement du fret en vrac devant Constanta, Hambourg et Ravenne, ce dernier en pleine croissance de 35,7 % par rapport à la même période de 2021.

En revanche, Hambourg et Constanta ont enregistré des baisses respectives de 5,8 % et 5,7 % de trimestre à trimestre.

Avec + 21,4 % sur une base annuelle, le port italien distance Amsterdam (+ 13,7 %), Constanta (+ 11,2 %) et Rotterdam (+ 6,2 %).

Aucun port français dans le Top 5 des ports à conteneurs

Dans le segment des conteneurs, nulle surprise. Rotterdam, Anvers-Zeebrugge, Hambourg, Algésiras et Valence restent les maîtres de la boîte soulevée. Toutefois, ils sont tous en baisse du fait des perturbations dans le transport maritime et de la congestion des quais. La plus notable revient à Valence (- 11,6 %).

Rotterdam, Anvers-Bruges, Hambourg et Algésiras sont également en repli par rapport au même trimestre de l'année précédente, entre 9,4 % pour le néerlandais, 8,9 % pour les belges, 7,3 % pour l'allemand et 2,1 % pour l'espagnol.

En termes d’EVP, les positions divergent peu du tonnage. Mais c’est Hambourg (- 8,3 %) qui concède le plus fort recul avec Valence (- 5,8 %). Les retraits de Rotterdam, Anvers (- 3,1 %) et Algésiras (- 1,8 %) sont plus mesurés.

Calais bien placé parmi les ports rouliers européens

Le roulier ne se comporte pas tout à fait comme les autres types de fret. Si Anvers-Bruges reste le plus grand port roulier de l'UE, les ports de taille moyenne, comme Calais, Dublin, Trelleborg et Lubeck, y ont une place. Mais seuls Anvers-Bruges et Dublin ont enregistré une croissance (+ 2,6 % et + 0,1 %, respectivement) au troisième trimestre 2022. En revanche, Calais a dégringolé de 11,1 %.

Si l'on considère l’évolution sur un an, la situation de Calais lui est très favorable, affichant la meilleure performance de croissance (+ 16,5 %) avec Anvers (+ 10 %). Les trois autres sont stables ou en baisse.

Dans les marchandises générales, course à l'échelle entre ports néerlandais

Trois ports néerlandais se font la course à l’échelle dans le general cargo : Rotterdam, Zeeland Seaports (3e) et Amsterdam (5e), ces deux derniers écrêtant des croissances de 35,1 % et 12,9 %. Anvers-Bruges et Valence ont vu leurs trafics tirés vers le bas l’an dernier à l’issue du troisième trimestre (de 11,3 % et 8,5 %).

Analysé sur un an, à l'exception de Rotterdam (- 7,8 %), tous sont dans ce segment en croissance, avec une envolée d'Anvers-Bruges de 22,5 %, Zeeland Seaports de 21,7 % et Amsterdam de 16 %.

Adeline Descamps

Le shortsea en repli

Avec 525 Mt, les flux de transport maritime à courte distance de/vers les principaux ports de l'UE ont reculé de 7,9 % au troisième trimestre 2022 par rapport au même trimestre en 2021.

Sur un an, le transport national et international extra-UE s'est incliné de 12,8 % et de 3,9 %, tandis que le transport international intra-UE a légèrement augmenté de 0,6 %. La baisse du transport international extra-UE est liée à la chute du transport maritime avec l'Europe hors UE (- 33 Mt). En revanche, le transport avec l'Amérique a augmenté de 7 Mt (+ 6 %) et avec l'Afrique de 4 Mt (+ 3,8 %).

 

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