Les ventes et stocks des équipementiers maritimes sont des indicateurs avancés de la conjoncture. En l’occurrence, ils témoignent, chez le finlandais Wärtsilä, spécialiste du scrubber, de l’état du marché. Les taux de fret au pinacle et l’incroyable congestion portuaire ont particulièrement dissuadé les compagnies de mettre leurs actifs industriels hors service pour des travaux de conformité aux réglementations environnementales, à savoir doter les cheminées des navires de ces pots catalytiques géants qui permettent de traiter les gaz d'échappement.
En conséquence, les dispositifs d’épuration des gaz (Exhaust Gas Cleaning, EGS) ne sont pas déstockés chez le fournisseur. Ce qui laisse aussi à penser que les transporteurs préfèrent donc actuellement payer plus cher leur combustible de soute plutôt que d’immobiliser trop longtemps leurs navires. Si les navires ne sont pas équipés de scrubbers, tout en étant dans les clous de la réglementation sur la teneur en soufre des carburants marins (IMO2020), ils doivent donc carburer au VLSFO, un fuel à 0,5 % de soufre, qui n’est actuellement pas bradé. Il y a un différentiel de 120 euros entre le HFO à 3,5 % de soufre (autorisé avec scrubber) et son alternative désulfurée. Ce carburant représente actuellement autour de 65 % des ventes de combustibles de soute à Singapour, premier centre mondial d’avitaillement des navires.
La demande en carburants marins à haute teneur en soufre reste forte
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En attendant, Wärtsilä doit donc surstocker non sans conséquences sur ses finances alors que les faibles volumes de scrubbers vendus obèrent les résultats de sa division Marine Systems.
L’entreprise a cependant vu son carnet de commandes global (de toutes ses divisions) s'étoffer au troisième trimestre, avec une augmentation de 21 % (il était de très faible niveau en 2020) et une valeur 1,3 Md€. Le chiffre d'affaires a augmenté de 11 %, à 1,103 Md€, notamment grâce à une croissance de 20 % des ventes de services. Mais affecté par la faible activité dans le secteur des croisières, son bénéfice avant impôts est près de deux fois moindre que l’an dernier à la même période, 74 M€ contre 162 M€ à la même période de 2020.
Activité faible dans le segment des navires
« Au cours du troisième trimestre 2021, la stabilisation et la reprise se sont poursuivies sur nos deux marchés, explique Hakan Agenvall, le PDG de Wärtsilä. Sur les marchés maritimes, les commandes de navires se sont améliorées, en grande partie grâce aux commandes de porte-conteneurs. L'activité dans nos principaux segments de navires est restée relativement faible. En particulier, l'important secteur des croisières est toujours fortement affecté par la crise ».
La demande de services, en revanche, a évolué positivement dans tous les segments de navires pour le systémier. « La réactivation des flottes de croisières et de ferries s'est poursuivie au troisième trimestre, et la capacité active des paquebots est passée de 20 à 50 % entre juin et septembre, ce qui soutient notre activité de services à l'avenir », précise-t-il.
Neutralité carbone en 2020
Le finlandais, qui vient d’annoncer un objectif de neutralité carbone pour ses propres activités d'ici 2030, compte aussi sur la transition énergétique en cours dans ses marchés d’applications de la marine et de l'énergie pour dégager « des opportunités intéressantes » pour ses solutions. L’équipementier a par ailleurs signé récemment un accord de développement conjoint avec Samsung Heavy Industries (SHI) visant à développer des navires fonctionnant à l'ammoniac avec des moteurs auxiliaires à quatre temps.
« Bien que les conditions du marché restent incertaines, nous prévoyons que l'environnement de la demande pour notre offre au quatrième trimestre sera considérablement meilleur que celui de la période correspondante de l'année précédente », gage Hakan Agenvall.
Adeline Descamps