Le groupe pétrolier français a obtenu l’autorisation du gouvernement danois pour évaluer le potentiel de stockage de CO2 dans ses eaux territoriales en mer du Nord. Ces droits portent sur une surface de 2 118 km2 à environ 250 km de la côte occidentale du pays et recouvrent les champs gaziers de Harald, actuellement opérés par le Français et pour lesquels un examen est déjà en cours, ainsi qu’un aquifère salin susceptibles d'accueillir les volumes stockés.
Pour rappel, la technologie de captage et stockage de carbone (CCS) vise à capter puis séquestrer le CO2 là où il émis, notamment sur les sites industriels, et de le transporter en vue d’un stockage ultime dans des réservoirs (cavités géologiques, gisements pétro-gaziers épuisés...) ou pour la revalorisation (CCUS). Le projet, dont TotalEnergies sera l’opérateur (80 %) aux côtés de l’entreprise publique Nordsøfonden (20 %), est susceptible, à terme, d'assurer le transport et le stockage de plus de 5 Mt de CO2/an.
13 Mt de CO2 susceptible d’être captés au Danemark
La major, qui n’a pas communiqué de données relevant du calendrier, du financement et du coût, devra d'abord mener des évaluations détaillées, notamment pour déterminer si le gazoduc existant peut être reconverti. « L'objectif est de réaliser en 2025 un premier forage dans l'aquifère, entre 2 et 3 km sous les fonds marins », a expliqué à l’AFP Martin Rune Pedersen, dirigeant de TotalEnergies au Danemark.
Avec un autre projet danois, baptisé Greensand et mené par Ineos et Wintershall DEA, jusqu'à 13 Mt de CO2 pourraient être capturés annuellement, a fait valoir pour sa part le ministre du Climat et de l'Energie, Lars Aagaard alors que le Danemark vise la neutralité carbone dès 2045.
Deux grands transporteurs de CO2
L’entreprise française est impliquée dans quatre projets de ce type, tous en mer du Nord : outre le projet danois (baptisé Bifrost), le Northern Lights en Norvège, le NEP au Royaume-Uni et Aramis aux Pays-Bas (qui vise pour 2030 une capacité allant jusqu'à 8 Mt/an).
Le très médiatique Northern Lights, lancé en 2020, doit démarrer en 2024 avec un potentiel de stockage dans des couches géologiques à 2 600 m sous la mer jusqu'à 5 Mt à terme.
La coentreprise portée avec les homologues norvégien Equinor et anglo-néerlandais Shell, a commandé, en octobre 2021, ses deux premiers navires de transport de CO2, d’une plus grande capacité que les navires actuels (d'environ 3 600 m³), au constructeur chinois Dalian, marquant ainsi la première phase du développement de ce projet.
D’une capacité de 7 500 m3, les navires transporteront le CO2 capté en Europe jusqu'au terminal de réception de Northern Lights à Øygarden, dans l'ouest de la Norvège. De là, le CO2 sera transporté par un pipeline jusqu’à son stockage permanent. Le terminal aura la capacité de stocker jusqu'à 1,5 Mt de CO2 par an dans un premier temps.
Yara, en premier client
En août dernier, le consortium a signé un premier accord commercial avec le fabricant norvégien d'engrais et d’ammoniac Yara. Le CO2 sera capté sur le site de Yara Sluiskil, son usine d'ammoniac et d'engrais située aux Pays-Bas. À partir de début 2025, 800 000 t de CO2 par an seront ainsi piégées, comprimées et liquéfiées aux Pays-Bas, puis acheminées jusqu'au site de Northern Lights.
La technologie apparait aussi pertinente pour capter le CO2 des carburants qui ne seraient pas encore totalement décarbonés. C’est ce sur quoi va plancher GTT, le spécialiste du stockage et du transport des gaz liquéfiés, dans le cadre du projet Mervent, qui vise à mettre en service un feeder propulsé à la voile avec un complément de carburant bas carbone.
Les experts climat de l'ONU (Giec), ont estimé pour la première fois, dans leur dernier rapport de référence, que le monde devra recourir au captage et stockage du CO2, quelque 40 milliards de tonnes de CO2 étant émis chaque année au niveau mondial.
Adeline Descamps