Après des années opulentes, un peu moins de faste pour les géants du négoce agricole Les quatre grandes entreprises de négoce, qui dominent le commerce mondial des céréales en particulier et le négoce agricole en général « ont tendance à prospérer quand il y a beaucoup de perturbations ou de volatilité sur les marchés », rappelle Arun Sundaram, spécialiste de l'agroalimentaire pour le cabinet CFRA.
Les deux années qui viennent de s’écouler n’en ont pas manqué. La pandémie a reconfiguré tous les flux dans le transport maritime de vrac sec, allongeant les tonnes/milles, puis l’invasion en Ukraine a bouleversé les exportations de ce grenier à blé qu’est la région de la mer Noire.
L’ensemble a contribué à chauffer les prix et à alimenter la bulle spéculative, que ces grandes maisons de trading sont soupçonnées d’alimenter. Elles ont ainsi pu acheter du grain à des agriculteurs et le revendre trois mois plus tard à des prix plus élevés, certains critiques leur reprochant alors d'alimenter la spéculation sur les marchés agricoles.
Trop d'offre
Depuis, les prix des céréales sont redescendus de leurs sommets, les récoltes ont été abondantes en 2023 et les stocks mondiaux de céréales devraient atteindre un nouveau record à la fin de cette campagne, selon l'Organisation des Nations pour l'agriculture, la FAO.
Le conflit entre l'Ukraine et la Russie perdure. Les attaques en mer Rouge sont susceptibles de générer des perturbations dans l’approvisionnement.
Mais dans leur ensemble, « les marchés sont devenus beaucoup plus calmes », constate Arun Sundaram. « La crainte maintenant est plutôt d'avoir trop d'offre au moment où la demande ralentit. »
Les industriels de l'alimentaire vendent moins, l'économie de la Chine, importateur majeur de céréales, est à la peine et de nombreux consommateurs commencent à délaisser le porc pour le poulet, qui mange moins de tourteaux de soja, remarque l'analyste. Autant de signes peu favorables aux négociants et au transport maritime de vrac.
Des résultats financiers révélateurs
Louis Dreyfus (LDC), qui a publié son rapport annuel jeudi, a vu son chiffre d'affaires chuter de 16 % en 2023 à 50,6 Md$. Le groupe est quand même parvenu à stabiliser son bénéfice net, à 1,01 milliard.
Les revenus d'ADM sont aussi en repli de 8 % à 93,94 Md$, et son résultat net a reculé de 20 % pour s'établir à 3,48 milliards. L'entreprise de Chicago s'attend à une nouvelle baisse de ses profits cette année en raison notamment de marges érodées dans la trituration de soja et d'une hausse de ses coûts.
Bunge a déclaré pour sa part des recettes commerciales en baisse de 11 % mais son bénéfice a bondi de 39 %, à 2,2 Md$, après une contraction de 21 % en 2022.
Son directeur général Greg Heckman avait cependant souligné, lors d'une conférence téléphonique, qu'il suffisait d'un « événement climatique » pour retendre la situation entre offre et demande. Selon lui, les cours devraient « stimuler la demande », la question étant de savoir « si cela va arriver rapidement ».
Cargill, qui ne publie pas ses comptes, avait juste indiqué en août que son chiffre d'affaires avait augmenté de 7 %, à 177 Md$ pour les douze mois se terminant en mai 2023. Mais selon Bloomberg, son résultat net aurait chuté de 43 %, à 3,81 Md$ sur cette période.
Selon les observateurs du marché, les ABCD doivent leurs profits (toujours plus élevés qu’avant la pandémie), à la demande croissante pour les biocarburants, nouvelle source de revenus.
La rédaction (avec des citations de l'AFP)
