Le retour à l’ordre établi, sous les coups de boutoir de la conjoncture, fait déjà des victimes parmi les transporteurs qui ont fait leur entrée dans le classement des 50 leaders mondiaux à la faveur de la pandémie.
Parmi ces compagnies dites opportunistes figurent notamment les acteurs chinois du transport intrarégional, appâtés par le boom inédit de la demande de/vers l’Asie et le manque de capacités en ligne pour répondre à cette effervescence transpacifique.
La vigueur de la dynamique a créé un véritable appel d’air, y compris pour celles qui n’avaient ni la flotte dimensionnée ni l’expérience pour se positionner sur les grandes lignes intercontinentales Est-Ouest mais qui s’y sont aventurées, de façon indépendante, hors alliances, en solo ou en duo avec des homologues.
La plus représentative est la chinoise CULines, dont les rênes ont été confiées à Lars Solbø Christiansen, un ancien cadre dirigeant passé par Maersk, UASC ou encore Hapag-Lloyd. Son seul recrutement témoigne des grandes ambitions que nourrissait l’entreprise chinoise.
Un parcours-météorite
Fondée en 2005, initialement positionnée sur son marché domestique avant d’élargir sa couverture à l’intra-Asie, CULines a créé la surprise début 2021 en annonçant un premier service entre Asie et Europe avec un navire affrété de 2 700 EVP à Peter Dohle. Il devait s’agir d’un voyage unique. Mais l’entreprise a ensuite multiplié les services et les partenariats, avec Antong et TS Line notamment, augmenté les fréquences, jusqu’à passer commande, en plusieurs phases, de neuf navires représentant près de 40 % de sa capacité de transport actuelle.
En juin, la société d’analyse Sea-Intelligence classait le transporteur asiatique à la 24e place du classement mondial avec une capacité de 82 000 EVP répartie sur 33 navires alors qu’il ne figurait même pas au début de la pandémie dans le top des 100 transporteurs maritimes. Il y est toujours, vissé à la 23e place mondiale, mais avec une flotte réduite à 29 navires (80 519 EVP) tandis que six unités sont encore en commande (25 300 EVP).
Retrait en sifflet
Quelles options pour ces compagnies parachutées sur un marché dominé par les poids lourds mondiaux dans un contexte de ralentissement de la demande, de tensions inflationnistes et de repli des taux de fret? En fin d’année, le Shanghai Container Freight Index (SCFI), le baromètre pour le transport du fret conteneurisé, a atteint un nouveau plancher à 1 697 points, près de quatre fois inférieur à son pic de janvier 2022. La demande de transport de conteneurs aurait chuté de 10 % depuis le mois d’août, sur les principaux trafics Est-Ouest, selon plusieurs sources.
Entre Asie et Amérique du Nord, où les fermetures s’accumulent, la capacité hebdomadaire moyenne était en en baisse de 10,5 % par rapport à l’offre de novembre 2021. Face à la réalité du moment, certaines ont déjà réduit la voilure. D’autres ont commencé à se retirer des grandes lignes ou à réorienter leur tonnage vers des trafics plus régionaux.
Réduction de voilure
CULines a annoncé la fermeture « temporaire » de son service bimensuel Asia-Europe Express (AEX), qui était exploité conjointement avec TS Lines.
Dans une note à la clientèle, l’entreprise reconnaît que ses navires relativement petits – elle opère des 4 500 à 5 000 EVP –, n’offrent pas les niveaux d’exploitation requis au niveau où s’établissent actuellement les taux de fret, a fortiori sur le marché Asie-Europe. Difficile pour l’opérateur asiatique, dont les navires accostent dans des petits ports, de batailler avec des compagnies organisées en alliances qui partagent des navires et introduisent toujours plus de mastodontes au delà de 20 000 EVP.
Fondée en 2012, BAL, qui avait atterri directement à la 45e place mondiale, a fait son entrée sur le marché transpacifique en juin 2021. La compagnie immatriculée à Hong Kong a passé commande auprès du chantier naval chinois Jiangnan de quatre porte-conteneurs de 14 000 EVP, dont deux sont des commandes fermes, alors que le plus grand navire de sa flotte est actuellement un 4 900 EVP. Il y a une forte probabilité qu’elle n’exerce pas les deux options alors qu’elle a réduit d’un tiers en peu de temps la capacité de sa flotte.
La société britannique Ellerman City Liners a déjà annoncé le transfert de ses deux plus gros navires affrétés vers le transatlantique, plus rémunérateur entre l’Europe du Nord et la côte Est des États-Unis. Son programme actuel Asie-Europe ne prévoit en tout cas plus de traversées vers l’Ouest après la fin du mois de décembre.
Rifline a pour sa part déplacé deux navires de la zone Asie-Méditerranée vers une nouvelle boucle reliant l’Europe du Sud aux États-Unis.