Maritime et portuaire submergés par les technologies

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Tracer la marchandise, sécuriser les transactions, fluidifier le passage portuaire, automatiser les process les plus complexes, permettre l’échange de données en temps réel, simplifier les procédures import/export… tout est désormais possible avec les outils numériques. Sources d’opportunité mais aussi de risques.

Peut-on parler d’automatisation dans les ports européens? Pas encore. Pas tout à fait. Il faudrait plutôt parler de semi-automatisation des terminaux, rectifie Lamia Kerkoudj-Belkaid, secrétaire générale de la Feport, qui intervenait à l’occasion de la SITL (Semaine de l’innovation du transport et de la logistique) en septembre dans une table ronde consacrée aux innovations technologiques dans la logistique maritime et portuaire. La porte-parole des terminaux portuaires au niveau européen considère à vrai dire que seuls deux terminaux sont entièrement automatisés aujourd’hui au sein de l’Union européenne, l’un à Hambourg, l’autre à Rotterdam. « L’automatisation suppose un volume récurrent et stable », justifie-t-elle.

Partout ailleurs, il s’agit donc de semi-automatisation avec « des équipements qui soulagent ou remplacent les humains pour des tâches routinières ou dangereuses ».

Mais dans les deux cas, il est nécessaire de « prendre en compte les risques nouveaux » induits par l’usage croissant des technologies numériques (informatique embarquée, capteurs, etc.), ces outils étant particulièrement vulnérables à des attaques malveillantes. Depuis Maersk et l’intrusion de NotPetya qui lui a coûté 300 M$ en pertes d’exploitation et de revenus et une dizaine de jours pour réinstaller des systèmes à bord des navires, le piratage des systèmes d’information s’est exacerbé. En quelques mois, le groupe français de transport et logistique CMA CGM a été à deux reprises la cible de logiciels malveillants notamment de l’organisation Ragnar Locker, qui a rendu indisponibles ses systèmes de réservation, de suivi, de tarification et de facturation pendant plusieurs jours. Les systèmes de la compagnie japonaise K Line ont subi deux agressions cette année. HMM a également signalé une introduction dans son système de messagerie électronique en juin. Mais l’« invasion » la plus médiatisée reste celle qu’a subie cet été la société sud-africaine Transnet, premier gestionnaire du trafic de conteneurs en Afrique du Sud. Elle a été contrainte de suspendre les opérations dans les quatre principaux ports du pays.

Accompagner les innovations

Les technologies ne sont pas uniquement des sources d’innovations, signifie Franck Gonsse, secrétaire général national de la CNTPA-CFDT à Dunkerque Port. Pour le représentant syndical, le risque que font penser l’automatisation et la digitalisation sur l’emploi ne doit pas être occulté. Il juge nécessaire de rappeler que le social ne doit pas être la variable d’ajustement des nouvelles technologies. « Il faut réfléchir à accompagner les évolutions des métiers, à anticiper les formations, veiller à la gestion des compétences. Un dialogue social constructif est nécessaire ».

Les Cargo Community System (CCS) et les Port Community Systems (PCS), ces solutions informatiques utilisées dans le domaine de la logistique maritime afin d’optimiser, gérer et automatiser les processus logistiques (simplifier les téléprocédures douanières, la gestion des entrepôts, le suivi des conteneurs…) se sont imposés rapidement face à la massification du transport maritime. Pour Franck Gosse, ils nécessitent, en qualité d’innovations logistiques et au même titre que les datas, le concept de frontière intelligente ou l’informatique embarquée, des investissements élevés dans lesquels l’État doit prendre sa part aux côtés de toutes les autres parties prenantes, pour les rendre rentables.

Digital et collaboratif

Courant 2020, MGI et Soget ont fondé le GIE France PCS dans le but de créer un système commun à tous les ports français. Ces deux PME, l’une havraise, l’autre marseillaise, sont engagées depuis plus de 35 ans dans le développement et la mise en œuvre de plateformes digitales collaboratives, – méga bases de données agrégeant en temps réel les informations en provenance des différents protagonistes de la chaîne portuaire –, pour « optimiser la performance logistique française ». Leur association doit permettre d’aller plus loin dans l’interopérabilité des différents systèmes d’information et la cybersécurité des données délivrées par les différents acteurs connectés. Les indicateurs de la performance (KPI’s) des ports seront d’autant mieux renseignés.

« Nous digitalisons 95 % du fret transitant par les ports français avec une garantie de neutralité au service de tous les acteurs de la logistique. Dix-neuf métiers sont représentés sur notre plateforme. S’il s’agit d’améliorer le passage portuaire et la fluidité du traitement des marchandises, la cybersécurité est aussi un axe stratégique », souligne Hervé Cornède, président du GIE France PCS. Les deux partenaires planchent actuellement sur le futur guichet unique européen pour que la France en soit l’un des leaders.

La solution Buyco propose, elle, une plateforme collaborative entre chargeurs et transitaires (ou SaaS) qui simplifie les procédures d’import/export des conteneurs, facilite les échanges de données, automatise certaines tâches pour davantage de performance et de fluidité, explique Benoît Fichefeux, l’un des cofondateurs de l’entreprise marseillaise. « Cela permet de dégager du temps pour la gestion des situations exceptionnelles ou complexes ».

En permettant à chaque maillon de la chaîne logistique de renseigner l’information dont il est responsable et de la partager en temps réel avec tous les partenaires, l’entreprise a créé un décloisonnement dans la supply chain, univers qui fonctionne en silo et est encore régi par les fax, téléphone et e-mails. Jean-Pierre Guyot, directeur supply chain d’Andros a choisi la solution Buyco qu’il considère comme « un outil digital avec un temps d’avance pour le booking et le suivi du transport maritime ». Parmi ses atouts, selon le professionnel, la suppression des mails aux nombreux intervenants de la chaîne et l’accès à un même niveau d’information.

La solution apporte de la flexibilité en permettant un suivi, même en cas d’absence d’un intermédiaire, ajoute le responsable logistique qui gère le transport de l’équivalent de 5 000 à 6 000 EVP par an, essentiellement vers les États-Unis.

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