Un non servi sur le mode « promis-juré » n’est jamais définitif chez Maersk. C'était vrai du temps de Søren Skou. Cela le reste sous la mandature de son successeur. Alors que Vincent Clerc a toujours balayé l’idée d’un revers de main quand la question lui était posée, il n'est plus aussi définitif quant à l’intérêt du groupe danois pour le commissionnaire allemand DB Schenker, dont le propriétaire Deutsche Bahn lourdement endetté a lancé le processus de vente.
Devant les investisseurs, à l’issue de la présentation des résultats financiers médiocres de 2023, il a laissé la porte ouverte à cette opération d’une valeur de 15 Md€ pour une entreprise qui emploie 75 424 personnes, a réalisé en 2022 un chiffre d’affaires de près de 27,6 Md€ et un résultat opérationnel avant amortissements et dépréciations de 2,5 Md€ (1,01 Md€ au premier semestre 2023).
« Même si ce n'est pas nécessairement l'issue la plus probable », elle se doit d’être examinée, a signifié le PDG de Maersk. « L'arrivée sur le marché d'un acteur comme Schenker est une chose que Maersk ne peut pas ne pas considérer » a-t-il déclaré.
Affirmation sans risques ou aveu de candidature
Soit c’est une affirmation qui ne prend pas beaucoup de risques. Soit Maersk a candidaté. Les soumissionnaires avaient jusqu’au 15 janvier pour faire acte de candidature.
Dès lors, Deutsche Bahn a enclenché la deuxième phase du processus de vente au cours de laquelle les banques mandatées ont envoyé aux acheteurs potentiels ayant manifesté leur intérêt un mémorandum d'Informations complémentaires sur la société mise en vente.
La date pour la remise d’offres non contraignantes, accompagnées d’un prix, n’a pas encore été spécifiée.
La presse fait état de 25 manifestations d’intérêts mais rien qui n’ait été corroboré par des actes. La seule candidature qui ne fasse pas de doute est celle du transitaire DSV Panalpina.
Alors que la cession n’était encore que spéculation, le Danois avait annoncé à la hussarde, en août 2021, ses visées sur DB Schenker. La société a en outre prouvé son appétit ces dernières années en lançant des OPA (pas toujours sollicitées comme celle avortée sur Ceva Logistics) sur ses concurrents pour se hisser très vite au plus haut niveau du podium.
Remettre en selle les armateurs
La déclaration de Maersk, faussement anodine, pourrait (re)mettre en selle d'autres armateurs. Maersk et CMA CGM (notamment avec Bolloré Logistics) ont englouti une grande partie de leur cassette accumulée pendant la pandémie en acquisitions pour servir leur stratégie de logistique intégrée.
L’intérêt de MSC pour le commissionnaire Clasquin laisse à penser que l’armateur suisse s’inscrit dans une démarche similaire. Les doutes persistent néanmoins sur les réelles intentions du groupe italo-suisse à aller plus avant, apparaissant jusqu’à présent plus affairé à étoffer ses capacités sur l’eau qu’à tisser un maillage terrestre ou aérien.
Klaus-Michael Kühne, héritier de l’empire Kuehne+Nagel, a laissé entendre pour sa part qu’Hapag-Lloyd, dont il est le principal actionnaire (via ses sociétés Kühne Maritime et Kühne Holding AG), pourrait participer à une acquisition de DB Schenker aux côtés de fonds d’investissement.
Avec DB Schenker, l'opération est de grande envergure. Le commissionnaire allemand est parmi les premiers mondiaux de son marché (DHL, Kuehne+Nagel, DSV Panalpina...) avec 1,9 MEVP, 1,32 Mt par avion et 725 entrepôts dans une soixantaine de pays (plus de 8 millions de m²).
La consolidation des Global third-party logistics (3PL) reste manifestement à opérer.
Adeline Descamps
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