Nouvelle étape, mais décisive, dans le cadre du rachat de Bolloré Logistics par CMA CGM. Le groupe de transport et de logistique bordelais Balguerie (1 300 collaborateurs, 700 M€) est preneur des activités de Bolloré Logistics en Guadeloupe, en Martinique, à Saint-Martin, en Guyane française et en Polynésie, et de plusieurs actifs liés à leur gestion en France métropolitaine.
CMA CGM s’était engagé à les céder pour tenir compte des réserves émises par la Commission européenne, l’autorité polynésienne de la concurrence, ainsi que des craintes formulées par les départements de Guadeloupe et de Nouvelle Calédonie.
Les deux groupes ont fait savoir ce 18 avril qu’ils avaient signé un accord d’exclusivité. La décision sur l’exercice de cette promesse d’achat interviendra à l’issue des procédures d’information et de consultation des instances représentatives du personnel compétentes, est-il précisé.
Patte blanche
Pour rappel, le rachat par le troisième armateur mondial de porte-conteneurs des activités de commission de transport du groupe Bolloré (une transaction de 4,85 Md€) a obtenu en février le feu vert de Bruxelles, qui a juridiction sur les départements d’outre-mer français, mais à certaines conditions.
Dans son avis, le régulateur européen avait mis en exergue plusieurs éléments dans le cas d'une complète cession : diminution de la concurrence au détriment de transitaires concurrents en Martinique, en Guadeloupe et en Guyane française ; concentration verticale entre l'activité de la ligne régulière exercée en amont par CMA CGM et le transit maritime mené en aval par Bolloré Logistics ; situation de monopole compte tenu des parts de marché très élevées des deux groupes...
L'Autorité de la concurrence de la Polynésie française avait conditionné la cession de Bolloré Logistics Polynésie à une clause de non-concurrence pour les cinq prochaines années (activité maritime exclusivement).
La Guadeloupe a exigé que 65 % de parts de marché soient réservés à des chargeurs et transitaires indépendants de CMA CGM.
Détails de l'affaire ?
Le montant de la transaction entre Balguerie et CMA CGM est resté, sans surprise à la discrétion des contractants, mais à des fins d'information, l'ensemble des activités ultramarines de Bolloré Logistics a représenté l'an dernier 1 % de son chiffre d'affaires (7,1 Md€ en 2022).
Le communiqué de presse, conjoint à CMA CGM et à Balguerie, renseigne peu et les retours à nos demandes de complément sont un bégaiement de la déclaration commune.
« Pour notre groupe familial, cette acquisition marque une étape importante de notre développement. Elle s’inscrit à la fois dans notre stratégie de croissance et dans notre ADN qui fait de la proximité notre priorité. Le groupe dispose déjà d’une expertise reconnue dans les territoires ultramarins », indique la déclaration convenue (et épurée par la rédaction) d'Antoine Thomas, le directeur général de la holding du groupe (BGP) qui présidera les entités ultramarines.
Groupe familial et patrimonial
Balguerie appartient au patrimoine des entreprises françaises. Ses origines remontent même en 1798 lorsque Jean-Étienne Balguerie, ancien corsaire du roi de France, fonde à Bordeaux sa compagnie de transport maritime, un an avant la révolution française, indique son site web.
Mais la création de la société Balguerie en tant qu’agent maritime, transitaire et manutentionnaire, date surtout de 1930 avec Alfred Balguerie, l’arrière grand-père de la génération actuelle aux manettes
L’organisation en groupe a été concrétisée en 1975, année à partir de laquelle les différentes générations vont assurer le développement avec l’extension géographique sur le territoire français et à l’international (40 implantations dont 13 à l’étranger, 30 000 m2 d’entrepôts) et de métiers : commission de transport international ; agent maritime de lignes régulières ; commission en douane ; logistique de spécialité notamment les vins et spiritueux, fret sensible au froid, transport exceptionnel…; groupage et manutentionnaire maritime…
Présidé par Patrick Thomas, un des nombreux descendants d’Alfred Balguerie, le groupe aux capitaux encore 100 % familiaux s’est constitué par rachats successifs mais tout en préservant les marques d’autant que ses acquisitions se sont portées sur des sociétés avec une notoriété établie localement.
Ainsi de Transcausse, société marseillaise particulièrement bien positionnée sur le marché de la messagerie entre le continent et la Corse avec 80 % de parts de marché, et en transport frigorifique sur le Maghreb.
Le groupe a également acquis la société catalane de commission de transport dans le transport exceptionnel Multitrade Spain, Reuse à Anvers, Pillet au Havre et à Paris, ou encore Flytrans. Certaines de ses sociétés sont elles-mêmes issues de rapprochements et ont procédé à des rachats de fonds de commerce.
Balguerie a traité l’an dernier 210 000 EVP en fret maritime, dont 22 000 unités reefers, 20 000 t en fret aérien, 12 000 remorques ou encore 100 wagons pour des projets industriels (100 000 m3).
Le feuilleton de l'année
L’agenda sera chargé dans la commission de transport cette année. Le closing entre CMA CGM et Bolloré Logistics touche donc à sa fin, permettant à Ceva Logistics de compter parmi les cinq ou six leaders mondiaux du marché, consolidant 24 Md$ de chiffre d’affaires, 390 000 t traités en aérien, 710 000 EVP en maritime (données de 2022) et 900 000 m2 d'entrepôts.
L’affaire reste en revanche à finaliser entre MSC et Clasquin. Un accord a été conclu en mars entre le leader de la ligne régulière et le commissionnaire lyonnais, le bloc de contrôle de ce dernier ayant accepté de céder sa participation de 42,06 % au prix de 142,03 € l’action, représentant une prime de 59,94 % par rapport au dernier cours de clôture.
La transaction, soumise à l’approbation des autorités réglementaires, devrait être finalisée d'ici à la fin de l'année, après quoi le groupe lyonnais devra se retirer de la côte où il a été introduit en 2006.
Une fois toutes les étapes de procédure ficelées, l’opération offrira à MSC une mise à l’échelle rapide et à coûts limités. Clasquin dispose d’une soixantaine de bureaux implantés sur tous les continents et a réalisé l’an dernier 56,8 % de sa marge commerciale brute (143,1 M€ en 2023, + 2,2 %) avec le fret maritime et 28,1 % avec l’aérien.
Mais la grosse opération reste la mise sur le marché par l’opérateur historique du rail allemand Deutsche Bahn de sa lucrative filiale de commission de transport DB Schenker pour laquelle des fonds d'investissement saoudiens, le transitaire danois DSV (Panalpina) et probablement Maersk, sont en lice.
Adeline Descamps
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