États-Unis-Chine : en route vers la deuxième guerre commerciale

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Si l’Europe, économie ouverte, a beaucoup à perdre dans une guerre qui deviendrait commerciale, la Chine, elle-même confrontée à une conjoncture atone, n’est pas mieux logée. Même si les États-Unis sont progressivement devenus une destination d'exportation moins importante pour la Chine depuis la première guerre commerciale en 2017.

« La rhétorique électorale ne se traduit pas toujours par une action politique réelle », tempère la banque ING dans une de ses dernières notes sur les impacts de la victoire de Donald Trump. Écrasante et franche : le parti républicain du futur président a décroché tous les leviers du pouvoir, ayant remporté le Sénat mais aussi la Chambre des représentants, il a l’assurance de légiférer plus facilement sur ses propositions et de faire adopter des nominations clés. Or, au menu de son programme figure la promesse de protéger l'industrie américaine, notamment en imposant des droits de douane de 10 à 20 % sur tous les produits importés et de 60 % pour ceux made in China.

« Les tarifs douaniers, les barrières commerciales et le protectionnisme vont nuire à l'économie mondiale », a posé d’emblée le vice-président de la Banque centrale européenne, Luis de Guindos, lors d'une conférence à Londres tenue la semaine dernière. De nouvelles barrières au commerce mondial pourraient conduire à un cercle vicieux de guerre commerciale avec des conséquences désastreuses pour l'économie, a-t-il laissé entendre. Le retour de Donald Trump à la Maison Blanche, qui a fait campagne sur des tarifs douaniers plus élevés, promettant que l'Europe paierait un « prix élevé », ne fait pas les affaires de Bruxelles.

S’il est difficile d’être péremptoire sur les répercussions qu’aurait la politique du très imprévisible et volatil ex-futur président des États-Unis, sa réélection ne devrait pas, en toute certitude, aidé la zone euro, enferrée dans une croissance anémique. En 2023, elle avait à peine progressé et s’annonce plus faible que prévu cette année. En cause, une récession industrielle, due aux coûts élevés de l'énergie et à la faible demande chinoise. « Après une légère reprise au premier semestre 2024, les derniers indicateurs économiques continuent de suggérer un affaiblissement de l'activité dans tous les pays et tous les secteurs », confirme le vice-président de la BCE.

Mauvais timing au niveau européen

La victoire du président républicain, qui a entretenu des relations tendues avec ses homologues européens pendant la majeure partie de son premier mandat, intervient de surcroit dans un contexte difficile pour l’Europe, dont deux de ses membres sont affaiblis. Il se trouve qu’il s’agit des deux plus grandes puissances du bloc, l'Allemagne (où le gouvernement tripartite a éclaté) et la France (en plein chaos institutionnel).

Les hypothèses quant à un abandon du soutien des États-Unis à l'Ukraine dans sa guerre contre la Russie et la perspective de droits de douane sur les exportations vers les États-Unis ont préoccupé en amont, certains ne désespérant pas de canaliser l’impétueux qui annonce ses décisions au détour d’un tweet voire « influencer les États-Unis et la politique future de Trump afin qu'il comprenne les risques encourus » (premier Ministre finlandais).

Coup dur au niveau mondial

Au niveau mondial, le Fonds monétaire international a déjà qualifié la croissance mondiale de faible, la plupart des pays empêtrés dans une expansion « molle ». Un nouveau coup dur pour le commerce mondial est susceptible d'entraîner une baisse des prévisions de croissance du PIB de 3,2 % en 2025.

Les entreprises répercutent généralement les coûts d'importation sur les clients, de sorte que les droits de douane risquent d'être inflationnistes pour les acheteurs américains. Les économistes sont nombreux à partager ce point de vue. Selon le Comité pour un budget fédéral responsable, un organisme non partisan, la décision pourrait augmenter la dette américaine de 7 750 Md$ jusqu'en 2035.

Choc des Titans

Si l’Europe, économie ouverte, a beaucoup à perdre dans une guerre qui deviendrait commerciale, la Chine, elle-même confrontée à une conjoncture atone qui pourrait s'aggraver avec le magnat républicain de retour à la Maison Blanche, n’est pas mieux logée. Même si les États-Unis sont progressivement devenus une destination d'exportation moins importante pour la Chine depuis la première guerre commerciale (2017). La part des exportations vers les États-Unis a par exemple chuté de 18,2 % à 14,3 % du total des exportations en 2024 depuis le début de l'année.  Les investissements directs étrangers nets en Chine ont atteint des niveaux historiquement bas cette année, et les nouveaux investissements américains en Chine ont été limités au cours des dernières années.

« Le moment et la manière dont Donald Trump augmentera les droits de douane sont encore sujets à discussion. Nous pensons que l'appel à des droits de douane de 60 % pourrait être un point de départ pour les négociations plutôt qu'un chiffre définitif », estiment les économistes d’ING. La première guerre commerciale avait toutefois connu une trêve après un accord trouvé avec la Chine sur l'augmentation des importations de produits agricoles américains.

Plus de questions que de réponses

Les économistes sont en ébullition sur le sujet mais à ce stade, ils posent plus de questions qu’ils n’apportent de réponses. Ils ouvrent toutefois un champ des possibles et donnent une photographie de l’étendue des implications : les États-Unis vont-ils cibler la production à l'étranger des entreprises chinoises ? (sous-entendu, dans ce cas, quelles seraient les échappatoires ?) Quels produits seront-ils visés par des mesures de rétorsion (les produits agricoles, les minéraux et les produits chimiques, les machines-outils et les biens d’équipement si on s'en tient aux classiques connus) ?

Une autre interrogation porte sur la réponse de la Chine, connue pour sa capacité à réagir avec réactivité au choc perçu. Là, tous attendent une réponse sous la forme d’un grand plan de relance agressif pour compenser la perte probable des exportations. Les récentes mesures annoncées pour choquer son économie n’ont pas vraiment convaincu les marchés. Selon Reuters, une enveloppe de 10 milliards RMB pourraient être dégagés pour couvrir une période de trois à cinq ans.

Plus de perdants que de gagnants potentiels

Il n'y pas pléthore d'options pour réduire le déficit commercial entre les États-Unis et la Chine : limiter les exportations chinoises vers les États-Unis ou augmenter les importations chinoises de produits américains. « Compte tenu des impacts respectifs sur l'inflation et la création d'emplois, cette dernière solution serait la bienvenue pour l'administration Trump », conviennent les analystes d'ING.

Depuis la première guerre commerciale en 2017, les déficits commerciaux des États-Unis avec la Chine se sont réduits, mais se sont creusés par rapport à d'autres économies asiatiques. « Cela augmente les chances que la Chine ne soit pas la seule cible de la prochaine guerre commerciale possible de Trump. Toutefois, compte tenu d'autres considérations géopolitiques, les droits de douane imposés aux autres économies asiatiques devraient être inférieurs à ceux qui seront finalement imposés à la Chine. Si tel est le cas, nous pourrions assister à une accélération des investissements directs étrangers en provenance de Chine afin d'atténuer, au moins en partie, l'impact des droits de douane », conclue ING.

Il y aura plus de perdants que de gagnants potentiels mais parmi ces derniers, le Brésil dont la Chine est le premier partenaire commercial en est d'ores et déjà un. Pékin a remplacé toutes ses importations de soja américain par de l’origine brésilienne lorsque les tensions commerciales ont éclaté au cours de la première présidence de Donald Trump. Les échanges bilatéraux entre les deux pays se sont soldés par une valeur de plus de 180 Md$ en 2023.

En juin, la visite en Chine du vice-président brésilien Geraldo Alckmin a été perçue comme une simili adhésion aux Nouvelles routes de la soie, le programme d'investissement massif chinois visant à développer les liaisons maritimes, routières et ferroviaires entre les continents, axe central de la stratégie de Xi Jinping pour accroître l'influence de son pays à l'étranger.

Quelques jours après la victoire retentissante à la présidentielle américaine de Donald Trump, le chef d'État chinois y est attendu à l'occasion du G20.

Adeline Descamps

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Xi Jinping resserre ses liens en Amérique latine

Le président Xi Jinping est attendu au sommet de la Coopération économique pour l'Asie-Pacifique (Apec) à Lima aux côtés des dirigeants des économies de la zone, qui représente 60 % du PIB mondial et réunit 21 pays membres, dont le Japon, la Corée du Sud, les Etats-Unis, le Mexique ou encore la Russie. En marge du sommet de l'Apec, le chef d'État chinois devrait inaugurer avec son homologue péruvienne Dina Boluarte le nouveau mégaport de Chancay, situé au nord de Lima. Financé par la Chine à hauteur de 3,5 Md$, le terminal, qui sera doté de 15 quais à terme, illustre l'influence croissante du géant asiatique en Amérique latine, autrefois considérée comme le domaine réservé des États-Unis.

Le commerce bilatéral entre le géant asiatique et le Pérou, l'une des économies à la croissance la plus rapide d'Amérique latine au cours de la dernière décennie, s'élevait en 2023 à près de 36 Md$, ce qui fait du Pérou le quatrième partenaire commercial de la Chine en Amérique latine. Le mégaport de Chancay bénéficiera également au Chili, à la Colombie et à l'Equateur, entre autres pays d'Amérique du Sud. Il leur permettra de se passer des ports mexicains et américains pour leur commerce avec l'Asie.

 

 

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