Mer Rouge : la France abat un drone menaçant pour la sécurité d'un pétrolier

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Strinda

Battant pavillon norvégien, le navire a été attaqué dans la journée du lundi 11 décembre au large des côtes du Yémen par les rebelles Houthis.

Depuis la première attaque contre un porte-voitures le 19 novembre, les saisies et attaques contre les navires marchands et militaires se succèdent en mer Rouge, région stratégique pour le transport de marchandises. Toutes renvoient vers l'organisation armée houthie, partie prenante de la cause palestinienne. Enième moment de tension géopolitique.    

Dans un communiqué, le ministère français des Armées a annoncé le 12 décembre que la frégate multi-missions (FREMM) Languedoc avait abattu un drone menaçant le pétrolier Strinda.

Battant pavillon norvégien, le navire a été attaqué dans la journée du lundi 11 décembre au large des côtes du Yémen par les Houthis, mouvement d’opposition yéménite, soutenu par le corps des gardiens de la révolution iraniens et le Hezbollah libanais, dont la prise de pouvoir à Sanaa en 2014 avait poussé l’Arabie Saoudite à entrer en guerre, avec le soutien de l’Amérique et d’Israël. La grande monarchie du Golfe estimait alors que ses échanges commerciaux transitant par le Golfe d’Aden étaient menacés par un Yémen sous cette autorité.

« Il transportait du carburant pour Israël », a justifié un porte-parole militaire de l'organisation armée, après avoir revendiqué le tir de missile antinavire sur le pétrolier. Le groupe est connu pour être en possession de plusieurs de ces modèles, notamment construits par l'Iran.

Des risques accrus

Au moment de la frappe, le pétrolier se trouvait à environ 60 milles marins au nord du détroit de Bab el-Mandeb, a indiqué un responsable américain à la chaîne ABC.

Les risques pour le transport maritime dans la zone de la mer Rouge et de Bab al-Mandeb se sont accrus depuis que les Houthis ont exprimé leur soutien au Hamas palestinien dans le conflit israélo-palestinien.

Le détroit de Bab-el-Mandeb est considéré comme le quatrième passage maritime le plus important au niveau mondial en termes d'approvisionnement énergétique, stratégique pour le commerce d'hydrocarbures en provenance du golfe arabo-persique et à destination du Canal de Suez (pipeline Sumed) pour ensuite irriguer les marchés européens, américains et asiatiques.

Des forces internationales pour sécuriser la navigation ?

L'armateur norvégien J. Ludwig Mowinckels Rederi a confirmé l'incident sur son pétrolier, précisant qu'il n'avait pas fait de blessés parmi les 32 membres d'équipage, tous de nationalité indienne.

« Le navire, qui était en route depuis la Malaisie vers l'Italie avec des matières premières [de l'huile de palme, NDLR] pour le biocarburant, se dirige désormais vers un port sûr », a-t-il indiqué dans un communiqué. Il ne devait pas escaler dans un port israélien.

Le navire-citerne, sur lequel un incendie s’est déclenché à la suite de l’attaque, a été pris en charge par le destroyer américain USS Mason, escorté vers le golfe d'Aden « hors de la zone de menaces ».

Des navires stigmatisés

Depuis cette alerte, les tensions vont crescendo dans la région. Plusieurs navires ont essuyé des tirs drones et de missiles en raison de leur affiliation présumée à Israël, à l'instar du porte-conteneur numéro 9 de la société britannique Castle Harbour et exploité par la société britannique Bernhard Schulte Shipmanagement (BSM), pourtant sans liens avec les pays en guerre.

Pour le vraquier Unity Explorer, chargé de céréales provenant du silo à grains américain Cargill, la connexion israélienne se situe au niveau de sa direction. Unity Maritime est contrôlé par Danny Ungar, le fils de l'homme d'affaires israélien Abraham Rami Ungar mais est détenu et exploité par des sociétés basées au Royaume-Uni.

Une autre société britannique, Ray Car Carriers, dont ce dernier est actionnaire, est le propriétaire du PCTC Galaxy Leader, exploité par la compagnie japonaise NYK, que les rebelles retiennent depuis leur prise le 19 novembre. Ce fut un des premiers faits d'armes du mouvement yéménite qui a débarqué sur la passerelle du navire pour y planter des drapeaux houthi et palestinien au moyen d'un hélicoptère militaire avec une dizaine d'hommes armés.

Depuis, le porte-voitures, qui se trouve actuellement près du port d'Al Salif. est devenu un sujet d’attraction pour les populations locales et un lieu que l’on visite comme un centre d’intérêt touristique. Les vidéos amateurs témoignent d'une situation ubuesque.

Imbrication d'intérêts géopolitiques

« Ces attentats représentent une menace directe pour le commerce international et la sécurité maritime. Ils mettent en péril la vie d'équipages internationaux représentant de nombreux pays dans le monde. Nous avons également toutes les raisons de croire que ces attaques, bien que lancées par les Houthis au Yémen, sont entièrement financées par l'Iran », indique le Commandement central américain (Centcom) dans son communiqué.

Le Royaume-Uni et les États-Unis accusent l’Iran d'être à la manœuvre de ces attaques.

L'International Maritime Security Construct (IMSC) avait lancé le 16 novembre une alerte, à la suite d'une série de provocations des Houthis contre la présence et des intérêts américains dans la région.

La coalition navale IMSC constituée de 11 pays, dont les États-Unis, la Grande-Bretagne, l'Arabie saoudite, a été créée en 2019 pour assurer la libre navigation dans les eaux du Golfe, zone maritime cruciale pour le transport mondial du pétrole mais sous tension de façon très régulière.

Washington, qui y a renforcé son dispositif militaire en stationnant notamment les portes avions USS Gerald R. Ford et USS Dwight D. Eisenhower, ainsi que deux destroyers, tente d'obtenir une réponse internationale pour assurer la sécurité maritime dans la région mais a jusqu'à présent refusé de prendre des mesures unilatérales contre les forces houthies.

Tout navire est une cible potentielle

Compte tenu de l'identification erronée des navires attaqués, les autorités alertent sur le fait que tout navire est une cible.

« Si Gaza ne reçoit pas la nourriture et les médicaments dont elle a besoin, tous les navires de la mer Rouge à destination des ports israéliens, quelle que soit leur nationalité, deviendront une cible pour nos forces armées », a averti un porte-parole des Houthis dans une déclaration énoncé le décembre. 

Tout en réaffirmant le maintien de ses opérations, mais en réorientant certains de ses navires, le transporteur de conteneurs israélien ZIM est pour l’instant le seul transporteur à avoir introduit une prime d'assurance contre les risques de guerre comprise entre 20 et 100 $ par conteneur depuis le début de la guerre.

Un risque supplémentaire sur le marché des hydrocarbures

 « Les saisis et attaques successives en mer Rouge présentent ainsi un paramètre risque supplémentaire dans les échanges commerciaux passant par la mer Rouge », alerte Sebahi Hedi du centre français d’information sur l’intelligence économique et stratégique, suggérant que la situation peut dégénérer rapidement. « L'OPEP+ envisage de nouvelles réductions de la production, alors que la colère monte à propos de Gaza. Le Koweït, l’Algérie et l’Iran ont été décrits comme étant les plus agités par le conflit. Par conséquent, une tension des marchés via une hausse des prix, notamment d’hydrocarbures, est à envisager ».

« Lorsque trois navires sont attaqués [le même jour] dans la même zone géographique, cela signifie que nous manquons un peu de ressources », a déclaré au Financial Times le responsable de la sécurité du Bimco, association qui représente les armateurs et exploitants, tous segments du transport maritime confondus.

« Les dernières informations sont extrêmement alarmantes et inacceptables. Toute attaque contre la navigation commerciale est contraire au droit maritime international, y compris aux lois qui protègent la liberté de navigation. J'invite les États Membres à travailler ensemble pour assurer une navigation mondiale sûre et sans entrave, partout dans le monde, condition préalable au maintien des chaînes d'approvisionnement mondiales, et conformément au cadre du Code de conduite de Djibouti », a appelé et rappelé pour sa part le secrétaire général de l'OMI, Kitack Lim.

Adeline Descamps

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