En dépit de la stratification des crises, de la superposition des risques en mer, de la confluence de tensions géopolitiques et de différends commerciaux, du retour des barrières tarifaires et non tarifaires, de la polarité croissante entre les blocs, de la recrudescence de la piraterie, qui rendent inhospitalières les grandes zones de navigation, le nombre de navires déclarés en perte totale l’an dernier a été incroyablement faible.
Selon le dernier rapport annuel sur la sécurité maritime d’Allianz Commercial, un des premiers souscripteurs en assurance maritime, il a même atteint le niveau historiquement bas de 26 sinistres ultimes (de navires de plus de 100 tonnes brutes) dont huit en Asie du Sud-Est, contre 41 en 2022, soit une baisse de plus d’un tiers.
Le nombre annuel moyen de pertes aura diminué de 70 % en dix ans (89 en 2014). Dans les années 1990, la flotte mondiale était amputée en moyenne de 200 navires par an. Dans la dernière décennie, 729 cas ont été recensés dans le monde. Trois régions – à savoir la mer méridionale (184) ; la Méditerranée orientale et la mer Noire (115), et la mer du Japon (62), ont totalisé près de 50 % du total.
Sans surprise, la densité du trafic maritime compte tenu du volume d’importations et d’exportations se reflète dans le nombre d’incidents.
60 % des pertes concernent les general cargo
Les navires les plus exposés restent les transporteurs de marchandises générales tant l’an dernier (16) que sur la décennie (291), soit plus de 60 % des navires perdus en 2023. Idem pour les chalutiers (4 en 2023, 109 sur la décennie), les remorqueurs (3 en 2023 et 47 en dix ans). Les porte-conteneurs restent les plus faiblement accidentés, et pourtant les plus médiatisés, avec « seulement » 24 pertes totales en 10 ans pour 38 vraquiers, 36 rouliers, 29 navires-citernes et 63 navires de passagers…
55 incendies en cinq ans
La première cause de pertes totales est restée de très loin les pertes par le fond (13), devant les échouements (quatre) tandis que les incendies et explosions n’ont été qu’au nombre de trois.
Mais si les incendies n’ont pas été fatals en 2023 mais avec 55 événements en cause dans la destruction de navires ces cinq dernières années, ils restent une des causes principales de la perte de grands navires.
Les rouliers et porte-voitures sont de plus en plus exposés, rendus vulnérables par le boom des véhicules électriques transportés, dont les batteries lithium-ion sont devenus un fléau pour les exploitants de ces navires en raison de leur caractère explosif et inflammable.
Les bris et pannes de machines à l'origine de la moitié des incidents
Le nombre d’événements de mer déclarés a également diminué en 2023 (2 951 contre 3 036), mais seulement de 3 %. Les bris et pannes de machines (1 587) ont provoqué plus de la moitié des incidents dans le monde. Les collisions avec d’autres navires, les échouements et les heurts avec les infrastructures portuaires sont souvent les autres sources répertoriées.
Sur dix ans par exemple, dans le monde, les bris et pannes de machines ont été comptables dans 11 506 sinistres déclarés devant les collisions avec d’autres navires (3 014), des échouements (2 808) et des heurts avec les infrastructures portuaires (1 916).
Les îles Britanniques, zone accidentogène
Les îles Britanniques restent la zone la plus accidentogène (et l'une des régions les plus fréquentées au monde), tant l’an dernier qu’au cours de la décennie (5 279 sur un total de 27 821), soit 19 %, supplantant ainsi la Méditerranée orientale et la mer Noire.
L’année dernière a également été marquée par une recrudescence de la piraterie maritime au large de la Corne de l’Afrique, les flibustiers profitant de la concentration des moyens et de l’attention mondiale en mer Rouge. Un total de 120 incidents contre des navires ont été enregistrés dans le monde.
Montée en puissance de la violence
Cette année risque d’être plus agitée. Depuis novembre, date des premières attaques contre les navires marchands, plus de cent navires ont été pris à parti par la faction houthie du Yémen.
« Les rivalités et les différends politiques se jouent de plus en plus en mer.
La crise en mer Rouge a finalement mis en évidence l’importance des voies navigables essentielles, telles que le canal de Suez, pour l’économie mondiale, mais aussi leur vulnérabilité aux perturbations », conclue le rapport.
Adeline Descamps
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