Stations électriques sur autoroutes : il faut trouver 3 milliards !

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En 2024, le camion électrique n'a pas encore atteint la longue distance, l'autonomie étant réduite à moins de 400 km. Sans une station de recharge intermédiaire, il est encore impossible de traverser la France.

Crédit photo Scania
Le concessionnaire Vinci Autoroutes, les énergéticiens TotalEnergies et Enedis publient une étude sur les besoins en recharges d’électricité sur autoroute pour accompagner le déploiement des poids lourds (PL) zéro émission d'ici à 2035. La facture promet d'être salée...

Les représentants des trois groupes tenaient une conférence de presse à Paris le 14 mars. Il s'agissait de rendre publics les résultats d'une longue étude sur les besoins en recharges électriques pour accompagner le déploiement des camions et autocars fonctionnant à cette énergie, d'ici à 2035.

Rappelons que l'Europe a fixé un cap drastique : -45 % d'émissions de CO2 d'ici à 2035 (par rapport à 2019) pour les industriels du PL. Le seul moyen d'y parvenir est d'accroître considérablement la part de l'électromobilité dans le créneau des véhicules lourds : passer de 1 % actuellement à 20 % minimum dans 11 ans.

Un réseau à construire en partant de zéro. Pour l'accompagner avec les stations de recharge adéquates sur le réseau autoroutier, Vinci, Total et Enedis ont sorti la calculette : 2 200 bornes de recharge rapide pour poids lourds (PL) seront nécessaires d’ici à 2035. Ce qui représente un investissement de 660 millions d’euros.

Si l’on englobe le foncier nécessaire aux parkings, les 57 postes de transformation et les connexions électriques, la facture grimpe à 3 milliards d’euros ! Il va falloir se creuser les méninges pour les trouver…

Investissements lourds. Les trois opérateurs français estiment par ailleurs qu’un montant identique sera nécessaire à l’électrification de l’automobile individuelle.

Pour les camions et autocars en itinérance, 12 200 points de recharge devront être installés sur 519 aires de services et de repos :

  • 10 000 utilisables lors des pauses de longue durée
  • 2 200 pour les pauses courtes avec de la recharge rapide.

Le réseau peut-il fournir l’électricité correspondant ? « Si 20 à 30 % du parc PL devient électrique en 2035, il faudra 3,5 TWh d'énergie et une puissance de 1,1 gW, annonce Pierre de Firmas, directeur mobilité électrique d'Enedis. Un chiffre à comparer avec la consommation annuelle française, de l'ordre de 615 TWh en 2035. « Ce n'est pas un problème, le réseau peut fournir, poursuit l’expert. En revanche, il faudra installer ces 2 200 stations de recharge ainsi que 57 postes de transformation. C’est beaucoup plus complexe ».

La création d'un poste nécessite sept ans de travaux, donc il faut s'en préoccuper dès maintenant.

Le foncier va manquer ! « Ce qui nous intéresse dans cette étude, c’est de savoir où installer les stations de recharge, explique Mathieu Soulas, directeur Nouvelles mobilités de TotalEnergies. L’enjeu réside sur le foncier : une charge rapide en journée revient à l’immobilisation d’un camion durant trois quarts d’heure. Nous allons devoir préempter des places de parking PL. Nous avons évalué que deux tiers des grands axes allaient accuser un déficit estimé à environ 7 000 à 8 000 places ».

« Il n'y a pas de réserves importantes de foncier aux abords des autoroutes, renchérit Louis du Pasquier, directeur Mobilités décarbonées de Vinci Autoroutes. Il faut s'en occuper maintenant ». Pour le gestionnaire des flux autoroutiers, il s’agira d’éviter le casse-tête des files d’attente.

« Il y a une préoccupation sur les 50 aires les plus sollicitées que nous avons identifiées en France, poursuit Louis Du Pasquier. Chacune aura besoin de 14 points de recharge rapide et 58 points de recharge lente et à cause du foncier, ce ne sera pas forcément possible. Sur l’aire de Montélimar par exemple, on devra passer de 3 MW d’électricité actuellement à 40 MW ».

Appel aux aides. Les trois géants réunis ont émis trois recommandations et demandent un schéma directeur de l'Etat :

  • instaurer une feuille de route précisant les aménagements à réaliser sur les réseaux électriques et les infrastructures routières pour 2027, 2030 et 2035, en cohérence avec les règlementations futures ;
  • instituer des dispositifs règlementaires, administratifs et financiers permettant d’anticiper les demandes de travaux et d’accélérer les démarches administratives ;
  • mettre en place des mesures incitatives simples et cohérentes, avec une visibilité sur le long terme, pour encourager l’investissement privé dans le développement des poids lourds électriques à batteries et dans les infrastructures de recharge.

Ces industriels ne s’engagent pas dans la création de stations dédiées aux camions. « Sur les installations de recharge il n'y aura pas de rentabilité avant longtemps, estime Mathieu Soulas. La DGITM (*) s'empare du sujet, ce qui nous satisfait ».

TotaEnergies compte également capter une partie des 230 M€ sur l’appel à projet Véhicules lourds électriques qui était annoncé pour 2024. Mais celui-ci n’est pas encore lancé et le gouvernement vient d’annoncer des économies d’échelle…

Autre piste, faire financer une partie de ces infrastructures via le péage, en l’inscrivant au contrat de concession autoroutière. Avec les risques de conflits sociaux que cela pourrait engendrer.


* Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer, au ministère de la Transition écologique

Cliquez sur ce lien pour télécharger l’étude "Electrification de la mobilité lourde longue distance"

 

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