Des ventes qui montent en flèche. Les chiffres collectés par nos confrères du magazine polonais 40-ton sont assez stupéfiants : en 2023, huit des dix premières marques de camions vendues en Russie (plus de 3,5 t) étaient chinoises, ainsi que les trois modèles les plus vendus !
Mais le plus impressionnant est la progression des marques chinoises en 2023 :
- +563 % pour Sitrak (n° 2 du marché, avec 23 990 véhicules immatriculés),
- +253 % pour FAW,
- +117 % pour Shacman,
- +92 % pour Howo.
Quant aux nouveaux entrants, ils pulvérisent des records :
- Dongfeng, qui avait vendu 1 camion en 2022, en a immatriculé 4 661 en 2023 ;
- Foton, qui n’en avait vendu que 175 en 2022, en a livré 6 296 en 2023.
Les deux seules marques russes figurant dans ce classement sont Kamaz, toujours n° 1, mais en recul de 1,7 %, et GAZ, avec seulement 7 049 véhicules, mais en progression de 27 % par rapport à l’année précédente.
Basculement du marché russe. Bilan, sur la base des ventes cumulées des dix premières marques de l’année 2023, la part de marché (PDM) des sept constructeurs chinois s’est établie à 64 %, contre 36 % pour les trois russes (dont 25,3 % pour le seul Kamaz).
Des modèles plébiscités. Si l’on regarde maintenant les ventes par modèle, les statistiques d’Avtostat Info montrent que les trois camions les plus vendus en 2023 (toujours en plus de 3,5 t) ont été :
- le Sitrak C7H (issue d’une coopération avec MAN) qui a été livré à 18 360 exemplaires (+847 % par rapport à 2022),
- le FAW J6 (9 007 exemplaires, +131 %),
- le Shacman SX 331 (7 113 exemplaires, +60 %).
- En quatrième position figure le Kamaz 43 118, un 6x6 datant des années 1990, livré à 6 856 exemplaires (-22 %).
Poids lourd de l'industrie mondiale. Petite précision, la marque Sitrak, en tête des ventes en Russie, appartient au groupe Shandong Heavy Industry, premier fabricant chinois de véhicules lourds, qui s’est récemment félicité d’avoir exporté, en 2023, pas moins de 130 000 camions dans le monde !
Pour donner un effet d’échelle, Daf Trucks, qui a réalisé une année record en 2023, a produit (pas exporté) 69 800 camions et Scania en a livré, la même année, 96 727.
Des prix qui flambent. Mais ce n’est pas tout, nos confrères du magazine 40-ton relèvent aussi que l’association russe de transporteurs Gruzavtotrans s’inquiète de l’envolée des prix des camions chinois, désormais sans concurrence.
Disponibles depuis plusieurs années en Russie, les véhicules importés de Chine bénéficiaient jusqu’en 2022 de prix de vente extrêmement compétitifs. Mais depuis l’invasion de l’Ukraine, les industriels chinois ont considérablement augmenté leurs prix, profitant de l’effet d’aubaine provoqué par le retrait des marques européennes et par les difficultés des constructeurs locaux, tributaires de coopérations techniques conclues avec les Occidentaux et ayant de sérieuses difficultés à s’approvisionner hors de Russie pour leurs composants et équipements.
Une véritable rente. Il en résulte une véritable rente pour la Chine dont les industriels pratiquent à l’évidence une entente sur les prix qui abolit tout effet de concurrence. L’association Gruzavtotrans observe aussi que le boum des importations chinoises s’opère sans que soient mis en place des réseaux de services crédibles et suffisants.
Fiabilité mise en doute. Les sociétés d’importation et de vente de véhicules chinois, qui prospèrent de manière chaotique, ne sont en effet pas tenues d’assurer l’après-vente ou de relayer la garantie des produits qu’elles commercialisent. Or, la fiabilité des camions chinois est manifestement problématique. Signe révélateur, leurs intervalles de maintenance ne sont généralement que de 50 000 km.
Et en Ukraine, que font les Chinois ? Mais le plus étonnant est à venir. Les industriels chinois, commerçants avant tout, ne se préoccupent pas outre mesure des vibrantes déclarations d’amitiés indéfectibles que proclament, depuis 2022, les dirigeants russes et chinois. Certes, la Chine soutient la Russie et pas l’Ukraine, mais il ne faudrait pas non plus que les affaires s’en trouvent contrariées. Or, le marché ukrainien des poids lourds n’a rien de négligeable, est plutôt dynamique et offre de belles opportunités, d’autant plus que les constructeurs russes et biélorusses, qui y maintenaient quelques débouchés, n’y sont plus les bienvenus.
Bientôt une usine d'assemblage. C’est pourquoi, le chinois JAC, qui est déjà présent en Ukraine (environ 500 véhicules vendus l’an passé) a-t-il décidé de passer à la vitesse supérieure en ouvrant, avec un partenaire local, une usine d’assemblage. Ses camions, basiques et bon marché, pourraient constituer une offre crédible au remplacement des Maz et autres Kamaz désormais disqualifiés dans le pays, ainsi qu’une alternative possible aux produits européens, très performants, mais chers.
Partenaire local. D’ailleurs, le partenaire ukrainien de JAC est l’ancien importateur des camions biélorusses Maz. L’usine ukrainienne devrait être opérationnelle assez rapidement, opérant à partir de collections en CKD expédiées de Chine. Sa production pourrait par ailleurs profiter du label « fabrication nationale » favorisant l’accès au marché des administrations et des collectivités locales. Ironie de l’histoire (ou cynisme des affaires), JAC a ouvert à Moscou un bureau de représentation et d’importation de ses camions en 2014. L’année même où la Russie annexait la Crimée, ukrainienne depuis 1991…
Cet article a été publié dans le magazine France Routes n°505 (avril 2024). Pour vous procurer ce magazine dans la boutique en ligne, cliquez sur ce lien.
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