En avant-première, Denis Benita a dévoilé les travaux de l’ADEME sur les énergies alternatives pour poids lourds, lors du Salon International du Transport et de la Logistique. « Il s’agit d’une aide à la décision à l’attention des transporteurs. Elle sera disponible fin avril, début mai », a précisé l’ingénieur transport, intervenant sur la décarbonation du transport routier. Des carburants bas-carbone, B100 ou HVO, au GNV/bioGNV en passant par l’électromobilité à batteries, l’hydrogène et le rétrofit, l’ADEME semble privilégier un mix énergétique et une transition progressive vers l’électrique puis l’hydrogène. « Avec 98 % du parc PL fonctionnant au diesel en 2023, on part de très loin », ne cache pas Denis Benita.
TCO selon les usages
Le futur document précisera « le rendement énergétique de chaque solution alternative ». L’électrique à batteries aurait le meilleur rendement à 28 %. À partir d’une analyse du « puit à la roue » ou de cycle de vie « ACV », qui ravit Erwan Cotard, président de France Mobilité Biogaz, les émissions de gaz à effet de serre des énergies alternatives y seront détaillées. Dans sa version bio, le gaz carburant rivaliserait avec l’électrique à batteries et l’hydrogène. « Des ordres de grandeur sur les coûts de possession (TCO) seront également apportées selon les usages. D’ici 2030, le TCO du gaz et de l’électrique sera au moins équivalent à celui du diesel », anticipe Denis Benita. Pour l’hydrogène, il faudra attendre 2040 voire plus, d’après lui. Enfin, un tableau comparera les différentes énergies selon plusieurs paramètres : disponibilité des véhicules, réseaux de distribution, emploi dans chaque filière…
Changement de paradigme
Les transporteurs, constructeurs de véhicules industriels et les associations partisanes d’une énergie se rejoignent sur les enjeux susceptibles d’accélérer ou de freiner la décarbonation dans le transport routier. Directrice Transition énergétique chez Heppner, Noémie Feldbauer cite « la réglementation, avec les ZFE par exemple, la capacité des clients à répercuter les surcoûts, la disponibilité des véhicules et des énergies selon les usages, l’accompagnement des personnels et la capacité à la financer ». Eric Darsel, référent Energies alternatives chez Renault Trucks, évoque les mêmes enjeux avec des angles différents : « Les constructeurs doivent réduire de 15 % les émissions de gaz à effet de serre des véhicules neufs d’ici 2025 et de 43 % en 2030, par rapport à 2019. Cela représente des investissements énormes ». Renault Trucks prévoit que 50 % de ses ventes seront électriques d’ici 2030. Avec la transformation de l’outil industriel et du réseau SAV, Eric Darsel estime que l’un des principaux défis est « la conduite du changement auprès des personnels dont les compétences sont remises en jeu ». Avant de rappeler : « Renault Trucks répond déjà aux besoins de décarbonation du secteur à travers ses gammes électriques, gaz et B100 ».
Le nerf de la guerre
De l’avis des transporteurs et des constructeurs de véhicules, l’équation budgétaire et financière n’est pas résolue pour réussir à décarboner le secteur. « Subventions publiques comprises, le coût d’un camion électrique est encore 40 % plus cher qu’un poids lourd diesel équivalent ». Pour Eric Darsel, « les aides d’Etat sont à maintenir et les établissements financiers devraient soutenir davantage les transporteurs engagés dans la décarbonation de leur activité ». Si les donneurs d’ordre devront « mettre la main à la poche », ces constats interrogent aussi l’Etat et l’ADEME. Ces derniers sont censés lancer sous peu un troisième appel à projets Ecosystèmes des véhicules lourds électriques doté d’un budget de 130 M€, contre 60 M€ lors du précédent. Cet « APP » avait été annoncé lors du Comité interministériel de la logistique du 22 décembre 2023.