Comment la crise sanitaire a-t-elle affecté la supply chain pharma ?
Frédéric de Girard : Pendant la crise sanitaire, le manque de conteneurs tempérés (faute de disponibilité), aggravé par le blocage des ports chinois, a créé d’importantes perturbations logistiques. En parallèle, les prix du transit par conteneur ont très sensiblement augmenté sur les flux intercontinentaux. Des surcoûts subis par les laboratoires. Au sortir de la crise sanitaire, nous avons assisté à une diminution de la disponibilité de certains produits de santé (rupture) ou de baisse de maladies saisonnières donc à une diminution des flux.
Nicolas Fernandes : Chaque mode de transport s’est retrouvé perturbé. Les prix sur l’aérien se sont tellement envolés que nous avons commencé à faire plus de containers. La situation a donc profité au transport maritime, mais force est de constater que le service est moins au rendez-vous. Le routier a été moins impacté mais la problématique reste la disponibilité de chauffeurs.
La crise sanitaire a secoué le secteur de la logistique des produits de santé. Quelles leçons en tirer ?
F. d. G. : Le Covid-19 nous a appris à travailler tous ensemble, nous, les acteurs de la Supply Chain Healthcare afin de permettre la mise à disposition des produits de santé aux patients sans rupture ou en les gérant avec les autorités.
Ce qui fait naître de nouvelles pratiques ?
F. d. G. : Aujourd’hui, plusieurs laboratoires souhaitent se regrouper pour massifier leurs activités de transport et de transits intercontinentaux, sur certains axes possibles, et optimiser ainsi leurs coûts et leurs impacts en carbone et énergétiques. Certains ont une volonté plus marquée d’avoir un suivi de leurs produits, notamment concernant les données de températures lors des transits et stockages. De nombreuses innovations sont apparues concernant le traitement et la prise en charge des produits froid avec de nouveaux types de contenant.
N. F. : Effectivement, les laboratoires essayent de mener des actions concrètes, notamment sur le rail-route (Europe-Chine) et le LCL (groupage maritime). Et, globalement, nous assistons à une accélération de la digitalisation. L’occasion pour les transporteurs de proposer des services différents (traçabilité, suivi de la courbe de température…).
Près de trois ans après le premier confinement, comment se portent les flux logistiques pour les produits de santé ?
F. d. G. : Ils sont toujours soutenus, mais il faut composer avec les problématiques du moment : les manques de volume (par manque de disponibilité de matières premières, API ou principe actif pharmaceutique) ou en raison d’une capacité de production insuffisante par rapport à la demande et les ruptures de produits finis qui viennent perturber l’ensemble de la supply chain et donc celle du froid et in fine la mise à disposition de certains médicaments.
Le contexte de crise énergétique incite-t-il les laboratoires à revoir leur stratégie de stockage ?
N. F. : La crise a ouvert de nouvelles opportunités sur des flux logistiques : elle incite les laboratoires à revoir leurs stratégies de distribution et aller vers des plateformes de distribution locale et massifier davantage nos envois et donc de travailler plus en amont.
Quels défis majeurs attend le marché ?
F. d. G. : La crise sanitaire du Covid-19 a révélé les multiples dépendances de la France en matière d’approvisionnement et la nécessité de retrouver sa souveraineté industrielle. Les laboratoires pharmaceutiques doivent donc réussir à se réindustrialiser afin de rapatrier la production de médicaments en France et en Europe, les matières premières étant en majorité importées de Chine et d’Inde. Signe rassurant, le mouvement a déjà commencé.
N. F. : C’est la distribution du dernier kilomètre et la nécessité d’avoir un vrai maillage pour atteindre toutes les pharmacies. Prenons l’exemple récent avec les difficultés d’approvisionnement en paracétamol des officines. C’est juste scandaleux !