Comment l'Union TLF aborde-t-elle la transition énergétique?
C'est un sujet sur lequel l'Union TLF travaille depuis des années. Les transporteurs ne sont pas contre la transition énergétique, personne ne peut l’être. Chez TLF, ce sujet est porté par une commission sur le développement durable en lien étroit avec le Conseil TRM notamment. Nous avons aussi lancé avec La Fabrique de la logistique le site verdirmaflotte.fr qui accompagne les transporteurs dans leurs prises de décision. Il n’y pas une mais plusieurs solutions : notre fédération soutient le mix énergétique. Il faut en effet utiliser ce qu'on a à disposition. Les biocarburants sont aussi intéressants que l'électrique, tout comme le gaz. Concernant le gaz, nous avons l'impression qu'il est délaissé alors qu'on nous avait poussés à investir dans cette énergie. Et il ne faut pas oublier que la motorisation diesel a énormément évolué au cours des ans. C’est aussi une solution qui doit être prise en compte. Les transporteurs ont joué le jeu, en renouvelant leur flotte avec des véhicules diesel de plus en plus verts qui permettent aujourd’hui d'économiser environ 2 litres aux 100. L'impression est que ce travail n'est aujourd’hui pas récompensé.
Quelles sont les demandes de l’Union TLF pour accompagner les transporteurs dans cette tâche ?
Lors de la SITL, le ministre chargé des transports Clément Beaune a annoncé 55M€ d'aides, une demande qui avait été poussée par les fédérations. Nous avons été entendus sur ce point. Nous essayons par ailleurs de pousser pour que les décideurs, y compris au niveau local, s’appuient sur des calendriers réalistes car il n'y a pas que le matériel qui sera nécessaire pour la transition énergétique ; il faut aussi planifier tout ce qui est infrastructures, zones de recharge, réseaux… Dans le cadre de la feuille de route qui sera remise au gouvernement début avril, des aides directes et pluriannuelles sont demandées pour pouvoir être accompagnés dans la durée dans l'achat ou la location de nouveaux matériels, mais aussi pour pouvoir planifier les implantations logistiques plus facilement afin de pouvoir réduire les distances parcourues. Aujourd'hui les démarches sont en effet compliquées, les délais très longs.
Qu’en est-il du report modal ? Quelle est la position de la fédération sur cette solution ?
Nous promouvons également le report modal. Nous avons d'ailleurs distribué notre nouveau guide de la logistique ferroviaire au cours de la SITL pour permettre aux professionnels du transport de comprendre la réglementation, les exigences et les avantages de ce mode de transport. L'un des principaux freins au report modal est en effet la méconnaissance des différents modes de transport. L’Union TLF fait partie du programme ReMoVe lancé par le gouvernement, l’Ademe, plusieurs organisations et autres fédérations et qui entend accélérer le report modal des marchandises de la route vers le ferroviaire, le fluvial ou encore le maritime. Cette solution fait partie des sujets qui pourront permettre de faire baisser les émissions de CO 2. Au niveau des entreprises, des initiatives apparaissent aussi pour favoriser le report ; c’est le cas d’une initiative nommée Rail Route Connect (2RC) lancée en février par sept transporteurs* qui se sont regroupés afin de former un réseau national de massification ferroviaire.
L’Union TLF s’est emparé rapidement du sujet des ZFE, notamment à travers un abécédaire publié l’année dernière. Quelles sont aujourd’hui vos demandes concernant cette mesure ?
Nous sommes d'accord sur le principe des ZFE mais on constate que leur mise en place est compliquée. Un transporteur qui dispose de sites sur plusieurs métropoles doit suivre des règles différentes de l'une à l'autre. Il est important d'harmoniser ce dispositif dans chaque ville. Des reports ont déjà eu lieu à Lyon et à Paris, les élus locaux se rendent compte que dans certaines métropoles, leurs applications ne sont pas possibles dans les temps impartis. Nous préconisions en octobre 2022 dix mesures, notamment l’harmonisation des aides et accompagnements financiers entre les territoires (guichet unique), un accompagnement pour le développement des énergies alternatives par un schéma directeur local (au niveau régional) des réseaux d’avitaillement, la prise en compte des degrés de maturité technologique et de disponibilité des nouvelles énergies et les évolutions européennes ou encore la mise en place d’une phase transitoire pour ces métropoles avec accès aux Crit’Air 2 au moins jusqu’en 2030 à l’instar de ce qui est mis en place aux Pays-Bas. Nous demandions aussi la mise en place d’un comité de concertation et, sur ce point, nous avons d’ores et déjà été entendus puisqu’il vient d’être créé par Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique. L’Union TLF est chargée de le coanimer sur la partie harmonisation de la logistique avec Anne-Marie Jean, Vice-présidente de l’Eurométropole de Strasbourg. Un rapport devrait être remis au mois de juillet.
Le gouvernement s’est engagé à continuer de financer une partie du congé de fin d’activité jusqu’à 2030 mais doit toujours être réformé. Ce dispositif est-il toujours considéré comme un atout par les entreprises ?
Le CFA est toujours soutenu par les entreprises. Pour les conducteurs, il permet de cesser plus tôt son activité professionnelle et contribue à l'attractivité du métier. Il doit être réformé et, sur ce point, il y a un bon dialogue entre l'État, les fédérations patronales et les organisations syndicales. Son évolution dépendra de celle du régime des retraites.
Des réunions portant sur l'attractivité des métiers ont été mises en place par Clément Beaune, avec notamment le sujet de l’interdiction du chargement-déchargement. Quelle est votre position sur cette mesure déjà mise en place en Espagne et Portugal ?
Sur la question du chargement - déchargement, nous avons des positions un peu différentes d'autres fédérations. Nous ne sommes en effet pas pour en faire une loi car il y a déjà un contrat type qui aborde ce sujet. En revanche, nous souhaitons encadrer la manière dont les opérations se passent. Cette question pose un problème opérationnel car il y a énormément de métiers différents entre la température dirigée, les matières dangereuses, la distribution, etc. qui impliqueraient une multitude de dérogations. Par ailleurs, sur l'argument de la sécurité sur les sites, si les conducteurs ne s'occupent pas du chargement – déchargement, d'autres personnes devront de toute façon s'en occuper. Je pense que le conducteur n'a pas vocation à rester uniquement derrière le volant mais qu'il est important qu'il fasse d'autres choses, cela valorise d’autant plus son métier. Cette question ne fait pas non plus de distinction entre compte propre et compte pour autrui, ce qui créerait un déséquilibre. Il vaut mieux travailler sur les conditions d'accueil des conducteurs, sur les sites des chargeurs mais aussi sur les aires d'autoroute, et sur leurs conditions de travail en général.
Et sur la gestion des palettes ?
Pour la gestion des palettes, nous avons la même position que pour le chargement – déchargement, car le contrat type inclut aussi cette question. Il vaut mieux se réunir avec le chargeur et discuter des conditions.
Concernant l’activité, comment vos adhérents traversent cette période toujours marquée par l’inflation ?
Nous sommes en situation d'attente. L'activité tient mais il y a toujours un point d’interrogation. L'inquiétude porte surtout sur l'augmentation des coûts. Les coûts de revient ont ainsi augmenté de 18% entre l'énergie, la revalorisation des salaires – 12% en 2022, c’est une forte hausse à absorber - et les autres postes. Ces augmentations doivent être répercutées au client. Il faut bien leur expliquer pourquoi les tarifs sont plus élevés mais certains d'entre eux rencontrent aussi parfois des difficultés, ce n'est pas obligatoirement un déni de leur part. Or, en parallèle, la problématique de recrutement perdure et il faut faire en sorte de garder nos salariés. Économiquement, le climat n'est pas tendu mais il y a un grand manque de visibilité, avec une peur de l'effondrement des volumes, tout cela en pleine transition énergétique. Or les entreprises ont déjà connu beaucoup de difficultés avec le covid et la guerre en Ukraine. Dans ce cadre, l'Union TLF s’attache à donner des informations pour aider ses adhérents à convaincre leurs clients. Un économiste Christophe Marques a ainsi rejoint l’équipe en tant que Délégué aux affaires économiques et fiscales, il s’agit d’une création de poste pour fournir des chiffres, des enquêtes. On l'a vu avec le CNR, les chiffres apportent de la crédibilité.
* 2RC regroupe les sociétés Dupessey & Co, Transports Lassalle, Lahaye Global Logistics, groupe MGE, Laforêt Logistique, Mediaco Vrac et Ederlog Multimodal.
Repères
Création : 2000
Président : Éric Hémar
Entreprises adhérentes : 1762 (regroupant 1/3 des salariés de la branche), dont 35 des 50 plus grandes entreprises du secteur ; 80% des entreprises adhérentes ont moins de 20 salariés
Représentativité patronale : 15,89%
Commissions : 14
Conseils métiers : 3
Répartition :
TRM : 66% des adhérents
Prestations logistique : 20%
Commission de transport Overseas : 14%