Le dispositif est en fait assez simple : un écran disposé à hauteur du regard, pour ne pas avoir à détourner les yeux de la route et une antenne installée sur le toit du camion qui capte les bruits environnants à 800 mètres alentours. « Notre dispositif nécessite une installation qui prend 1h à 1h30 », indique Pascal Masopollo, président de la société Pimas. Installée en région lyonnaise, cette entreprise est spécialisée dans les aménagements de véhicules pour personnes à mobilité réduite. Récemment, elle a développé « SAM » (smart assistant monitor), un dispositif d’aide à la conduite pour les personnes sourdes et malentendantes, qui sera commercialisé cet automne.
« Pour les transporteurs qui douteraient de l’employabilité d’une personne sourde à un poste de conducteur, ce dispositif offre au conducteur et à la marchandise qu’il transporte le même niveau de sécurité qu’un entendant », ajoute le dirigeant. Le micro installé sur le camion permet de détecter les bruits à 800 mètres à la ronde et signale les sources de danger (coups de klaxon, véhicules d’urgence…) sur l’écran situé face au conducteur.
Plusieurs conducteurs se forment actuellement avec « Sam »
Le dispositif a aussi tout son intérêt en situation de formation : l’écran permet de communiquer avec le passager (formateur, instructeur de permis). Celui-ci donne une consigne via la commande vocale et celle-ci se traduit via une icône qui s’affiche. « Elles ont été conçues en s’inspirant de la signalétique routière et en collaboration avec des personnes sourdes et malentendantes. C’est un langage iconographique, pour lequel nous avons déposé un droit d’auteur, mais qui ne nécessite quasi aucun apprentissage », précise encore Pascal Masopollo.
L’Aftral fait partie des structures à avoir apporté son aide (avec l’Agefiph, l’OPCO…), en accompagnant notamment l’entreprise sur les connaissances sur la surdité et les attentes concernant l’évaluation et la formation. « Nous avons installé Sam sur handi truck (le camion école équipé de nouvelles technologies de compensation du handicap, NDLR). Actuellement, plusieurs conducteurs sourds l’utilisent pour leur formation et ils nous font d’excellents retours, indique Valérie Lardiere, référente handicap nationale pour l’Aftral. La captation des bruits alentours permet au conducteur de ne pas être constamment en hypervigilance, ce qui occasionne une fatigue très importante. »
« Casser les a priori »
Rappelons que l’arrêté du 28 mars 2022 permet aux personnes sourdes la conduite d’un poids lourd, sous réserve d’une évaluation de ses capacités : la PECF (pré-évaluation des capacités à la formation). Celle-ci met le candidat en conditions réelles, dans un camion et avec un simulateur de conduite, pour qu’il démontre ses capacités dans un environnement adapté à son handicap.
Malgré tout, le taux d’emploi de personnes en situation de handicap dans le TRM, de 3,5%, demeure faible. Et si, selon l’OPTL (2021), 2 906 entreprises du TRM sont soumises à l’obligation d’emploi d’au moins 6% de travailleurs handicapés, elles ne sont que 70% à respecter cette obligation. « Il y a 7 millions de personnes sourdes en France, et le taux de chômage dans cette population est plus haut que la moyenne nationale. Cela offre donc aux entreprises un important réservoir de candidats, s’enthousiasme le dirigeant. Il n’y a plus ou presque de barrière à l’embauche de conducteurs sourds, il ne reste qu’à casser les a priori ! »