Voilà dix ans, environ, que des pionniers se sont ouverts au gaz. Comme le groupe XPO Logistics, qui a été parmi les premiers à acquérir des camions au GNL. « Nous en avons aujourd’hui plus de 200, assure Bruno Kloeckner, directeur France, qui sont surtout utilisés pour des navettes de nuit. Ils s’adaptent très bien à la longue distance. » Le groupe vient d’ailleurs de procéder à une nouvelle commande. « Ce sont de bons véhicules, avec une consommation très faible », ajoute-t-il. Le groupe STEF, lui aussi, s’est lancé depuis plusieurs années, « parce que c’était alors la seule énergie disponible permettant d’avoir la vignette Crit’Air 1 et d’entrer ainsi dans les ZFE, explique Sébastien Dortignac, directeur technique véhicules. À Lyon, 100 % de notre flotte de porteurs en propriété est désormais concernée, comme une partie de celle basée à Paris ». Pour autant, cette énergie n’est pas majoritaire dans le mix du groupe, qui n’y a recours que dans les filiales qui n’ont pas opté pour le B100 ou dans les zones où les stations font défaut. Moins convaincu par les tracteurs au bio GNC, le groupe STEF n’en a que deux sur un parc de 3000 moteurs. C’est aussi le cas des Transports Dufaur (Haute-Garonne), PME qui a fini par renoncer : « Nous en avions acheté un parce qu’un client nous avait mis la pression en ce sens, rapporte Franck Schawlb, directeur. Mais il était cher à l’achat et moins capable, alors que nous avions un engagement de volumes avec la station. Sans compter le détour et le temps passé pour le ravitaillement. La tournée était tout juste rentable. » Le transporteur a donc revendu le véhicule… « Par chance, quinze jours avant le début de la guerre en Ukraine ! » se félicite-t-il.
« Le problème, avec cette énergie, c’est qu’il faut y aller à fond », commente Pascal Mégevand, directeur R&D de Mégevand Frères (Haute-Savoie). Il parle d’expérience, puisqu’il a été, à partir de 2015, l’un des quatre transporteurs à l’origine du projet Équilibre qui a permis d’expérimenter des véhicules au gaz en conditions réelles d’exploitation. Depuis mars, l’association porteuse du projet est dissoute, mais la société haute-savoyarde reste un porte-étendard du GNV. « Notre stratégie d’entreprise est d’offrir à nos clients un transport le plus décarboné possible et, pour y parvenir, il faut plusieurs énergies, explique Pascal Mégevand. Mais l’intérêt du gaz est que l’on peut contractualiser à long terme sur un prix bloqué, que l’on intègre dans un raisonnement en matière de panier global d’achats énergétiques. » Il ajoute que le prix du gaz est environ 30 % inférieur à celui du gasoil… ce qui permet d’amortir le contrat de maintenance passé avec un atelier spécialisé. De son côté, Frédéric Mégevand, directeur, se félicite qu’ils aient opté, depuis deux ans, pour du GNV 100 % bio : « Il est plus cher de 7 à 8 %, mais on peut ainsi passer en garantie d’origine. » Tous les deux ne cachent pas avoir « vécu des moments difficiles » lors de la flambée des prix liée à la guerre en Ukraine, mais leurs clients ont suivi, jusqu’à + 48 % sur la facture de certains d’entre eux.
De fait, entre cette année et 2025, Mégevand Frères renouvelle sans hésitation ses véhicules GNL comme GNC, vieux de dix ans. Les progrès technologiques permettent désormais d’avoir des autonomies de 1 400 km avec le premier et de 600 km avec le GNC. La PME a ainsi recours au GNL pour la moyenne et longue distance, soit entre la Haute-Savoie et le Sud de la France, un grand axe où les stations sont nombreuses. Quant au GNC, elle y a recours pour ses activités régionales, les possibilités de ravitaillement étant nombreuses en Auvergne-Rhône-Alpes grâce à des montages associant divers partenaires. « Les conducteurs ont aussi appris à repérer les stations, assure Frédéric Mégevand, et celles-ci ont beaucoup moins de pannes qu’au début. La disponibilité s’est améliorée graduellement. Il faut juste prévoir une formation des conducteurs aux risques liées à la manipulation du GNL. » La PME s’est elle-même équipée très tôt d’une station gaz.