Certes, face aux inquiétudes qui se sont exprimées, plusieurs collectivités locales ont décalé le calendrier des interdictions liées à la mise en œuvre d’une zone à faibles émissions dans leur centre d’agglomération. Certes, elles ont généralement prévu de nombreuses dérogations. Et certes, encore, l’horizon de 2050 fixé par l’État français pour atteindre la neutralité carbone peut paraître loin. Mais le fait est là – et les transporteurs routiers en ont conscience, comme tout citoyen : il faut préserver la planète, car nous n’en avons qu’une.
Décarboner sa flotte est l’un des axes d’action. Aussi, depuis une dizaine d’années, les transporteurs sont de plus en plus nombreux à étudier les solutions alternatives au diesel proposées sur le marché, à lire – dans l’Officiel ou ailleurs – tout ce qui peut nourrir leur réflexion, à échanger leurs points de vue au sein de leurs organisations professionnelles, à faire des simulations puis, même timidement, à tester, expérimenter, renoncer, changer d’option, tâtonner… mais finalement avancer.
Certaines énergies alternatives, comme les XTL et le B100, voire le GNV, sont considérées comme « de transition », c’est-à-dire pour le court ou moyen terme, du fait de ressources potentiellement limitées au-delà. A contrario, l’électrique est souvent vu comme un Graal pour atteindre le but fixé pour 2050 comme pour « le progrès social » que représente, selon Bruno Kloeckner, directeur général de XPO Logistics France, l’usage de véhicules roulant « sans émissions directes de CO2, sans bruit et sans secousses ».
Mais le premier enseignement de ces retours d’expérience est que toutes ces solutions alternatives doivent être mobilisées dès maintenant, dans un mix énergétique proposé à l’échelle de chaque entreprise. Car, comme le résume Pascal Mégevand, directeur R&D de Mégevand frères, « il n’y a pas de “bonne” solution, aucune n’est “miracle” ».
Autre enseignement : cette période d’expérimentations en tous sens conduit à une révolution en profondeur du TRM. Les conducteurs ne sont pas les seuls à devoir s’adapter. En effet, les dirigeants des entreprises, leurs acheteurs, leurs exploitants, leurs responsables de parc, leurs formateurs… sont conduits à acquérir de nouvelles compétences et connaissances ou à en renforcer certaines : achats d’énergies multiples aux modalités de tarification tout aussi multiples, connaissance des impacts d’événements géopolitiques sur les coûts et les disponibilités, nouveaux critères à introduire dans l’élaboration des plans de transport, nouvelles modalités de ravitaillement, voire aussi ruptures de charges supplémentaires à intégrer… Ce qui ressort enfin de ces retours d’expérience est que rares sont les patrons de PME à pouvoir affirmer, comme Bruno Kloeckner : « Nous proposons toutes les énergies : c’est le client qui choisit, puisque, de toute façon, c’est lui qui participe au financement. » Pas si simple lorsqu’on ne porte pas la casquette de XPO ou autre grand groupe. Pourtant, assurent les consultants du cabinet Carbone 4 dans ce dossier, les transporteurs ont un argument de poids à faire valoir auprès des chargeurs : ils ont les clés du respect des engagements environnementaux pris par ces derniers. C’est ce qu’on appelle « avoir les clés du camion ».