« L’énergie électrique est la mieux disante pour la réduction des émissions de particules fines. » Au sein de DB Schenker, cette conviction exprimée par le directeur développement durable et logistique urbaine du groupe, Tariel Chamerois, se traduit par l’installation de bornes de charge sur 17 de ses sites et par un parc comptant déjà 66 véhicules électriques parmi les 366 de la flotte « bas carbone » (60 autres sont au bioGNC, le reste à l’HVO), qui représente elle-même 30 % de son parc en propre. Ces 66 « sont principalement dans la région parisienne, mais aussi disséminés sur le territoire national, pour développer la connaissance et l’appétence de nos équipes », a-t-il expliqué en inaugurant un site concerné, en mai, au sein de l’hôtel logistique de Lyon. Le groupe STEF, lui aussi, se dirige vers cet horizon, avec méthode : « Cela concerne actuellement quelques véhicules que nous expérimentons en conditions réelles, explique Sébastien Dortignac, directeur technique véhicules. Nous avons besoin de déterminer pour quels cas d’usage l’électricité sera la plus adéquate et de comprendre comment cela va s’articuler avec la production de froid. » Même démarche par étapes, encore, chez XPO : « Nous avons initié la démarche fin 2021, avec le test d’un porteur en conditions réelles sur les différentes saisons, et nous avons été immédiatement séduits par cette technologie, assure Bruno Kloeckner, directeur France. Nous avons passé une première commande de 65 de ces porteurs en 2022 et, cette année, une autre de 60, plus 105 tracteurs électriques. » Même si XPO Logistics « ne sera jamais full électrique », prévient-il, le groupe a doublé ses ambitions en la matière et 80 % de son réseau de distribution palettisée est aujourd’hui raccordé au réseau pour des charges de nuit. « Celles-ci sont lentes, mais restent efficaces du point de vue des coûts », assure-t-il. Quant aux évolutions organisationnelles, il n’en anticipe qu’à partir de 2026, lorsque la longue distance sera davantage concernée. « En attendant, nous voulons aussi aider nos sous-traitants à aller dans le même sens », précise Bruno Kloeckner.
Or, du côté des PME, certains ne voient que le prix élevé des véhicules électriques et les contraintes de leur exploitation. Comme Emmanuel Millet, responsable du parc de TVE Logistique (Allier) : « Des simulations nous ont confirmé que nous ne pouvons pas prendre en charge le surcoût, témoigne-t-il. Par ailleurs, il y a peu d’infrastructures de recharge vers chez nous. » Certains se préparent malgré tout à sauter le pas, comme les Transports Simon (Ardennes), qui viennent de se doter d’une borne de recharge et de répondre à l’appel à projets dédié de l’Ademe. « L’avantage, avec l’électrique, est que la maintenance est extrêmement réduite », anticipe Gilles Simon, directeur. Mais il reste un peu inquiet, car « les constructeurs n’annoncent pas le coût qu’aura, à terme, le changement des batteries ». Et pas sûr que son entreprise soit de taille à négocier, comme STEF l’a fait auprès de son fournisseur, la garantie d’un remplacement de celles-ci pendant la durée de vie du véhicule.
Aussi, bien souvent, c’est un partenariat avec un client qui s’avère décisif. C’est le cas pour Mégevand Frères (Haute-Savoie) : après avoir rétrofité, en 2022, un véhicule roulant pour les besoins du fabricant de meubles haut-savoyard Mobalpa, l’entreprise a acquis cette année un Volvo 44 tonnes 100 % électrique : « On a co-construit un plan de navettage de 150 km/jour avec l’un de nos clients qui avait un besoin en inter-sites, explique Frédéric Mégevand, directeur. Il nous a confié ses volumes en fonction de ce que peut faire le véhicule. C’est ça, l’enjeu ! » Le transporteur admet que celui-ci coûte trois fois plus cher que son équivalent thermique, qu’il « n’a pas la même productivité », qu’on « y perd en charge utile » ou encore qu’il faut gérer l’autonomie plus réduite. Mais la PME s’est équipée d’une borne pour limiter les recharges à l’extérieur, trop coûteuses, et espère valoriser commercialement sa politique environnementale : avec cette sixième énergie dans son offre, elle élimine quasi totalement le diesel de ses usages.
C’est aussi un partenariat – avec le groupe industriel Cetih – qui permet aux Transports Raud (Maine-et-Loire) d’expérimenter, depuis février 2023, un Mercedes-Benz 26 t 100 % électrique acquis par leur maison-mère, le groupe Mousset. « Le véhicule est dédié à 80 % au site Cetih de Roncey, explique Simon Manceau, coordinateur formation. Il quitte notre agence du Plessis-Pâté le lundi, effectue éventuellement une ou deux livraisons pour nous en cours de route, puis, du mardi au jeudi assure celles de Cetih en Île-de-France, voire une mission pour nous ». Le conducteur recharge les batteries sur le site du client, grâce au chargeur mobile qu’il a embarqué, ou à l’agence Raud. « Mais notre station n’a qu’une puissance de 40 kW, regrette Simon Manceau, car nous sommes limités par la puissance du système ». Autre « point noir » : « Quand il a fait froid, l’autonomie du véhicule diminue, pointe-t-il. Le système qui maintient la température des batteries à 18-20 °C est énergivore. Par deux fois, nous avons eu des recharges faites à l’extérieur, trois ou quatre fois plus cher que chez nous ». En revanche, la météo fraîche de ce printemps et du début d’été a permis des consommations très réduites, le camion affichant jusqu’à 520 km d’autonomie, contre 400 à 450 km habituellement. « Nous avons battu régulièrement des records, rapporte-t-il. Les gens de Mercedes eux-mêmes ont été étonnés ! ». Ceux-ci s’expliquent cependant aussi par des chargements toujours inférieurs à 4 t. En outre, « le conducteur a très vite compris qu’on peut avoir une conduite sport, mais en voyant aussitôt les indicateurs de consommation grimper, ajoute-t-il. La conduite est sereine, comme s’il s’agissait d’un vaisseau spatial ». Pour lui, outre le bénéfice écologique qu’il induit, le développement des véhicules électriques permettrait de réduire la sinistralité.