La décision de livrer du matériel militaire lourd à l'Ukraine - notamment des chars - fait apparaître de nouveaux problèmes aux Européens : l'infrastructure, notamment en Allemagne, n'est pas prête pour assurer le transport de véhicules lourds. Or, qu’ils viennent de France, d’Espagne ou par mer depuis les Etats-Unis, les matériels à destination de l’Ukraine – ainsi que les munitions et les systèmes de maintenance qui vont avec – sont contraints de franchir la République Fédérale. Déjà par le passé, lors d’exercices militaires conjoints au sein de l’OTAN, la Bundeswehr (l’armée allemande) avait dû constater que ses infrastructures autoroutières ou ferroviaires n’étaient pas en mesure de transporter de grandes quantités de matériels vers un hypothétique front sur l’Est en moins de cinq jours.
Un des maillons faibles de la défense européenne
L’Allemagne réunifiée, qui avait enterré la guerre froide, est devenue l’un des maillons faibles de la défense européenne. Le pays avait ainsi retiré ses panneaux de chars et de camions sur les autoroutes, comportant d’importantes informations sur les capacités de charge. Depuis, l’Etat fédéral n’a plus construit de routes tenant compte des classes de charge militaire (d’une largeur et d’une hauteur correspondantes), ni de tunnels.
Les embranchements ferroviaires vers les dépôts militaires et les casernes ont disparu, et avec eux les rampes de chargement et de déchargement des équipements. L’emplacement des entrepôts – concentrés vers les frontières avec la France et les Pays-Bas – est par ailleurs souvent inadapté, depuis l’intégration de la Pologne à l’OTAN, qui a déplacé la frontière orientale de l’Alliance. "Il y a un énorme besoin de rattrapage pour acheminer du matériel lourd, par exemple vers les pays Baltes", explique la Bundeswehr. Face à ces difficultés, l’OTAN avait formulé en octobre dernier des directives à Berlin, lui enjoignant d’être capable de transporter rapidement du matériel vers ses frontières.
De vrais problèmes logistiques se posent
Dans ce contexte, les livraisons à l’Ukraine de chars lourds – 60 tonnes chacun – de type Leopard, promis par le chancelier allemand, vont poser de vrais problèmes logistiques : les transports de matériel militaire lourds doivent obtenir un itinéraire stable à travers le réseau autoroutier, dont les ponts sont en très mauvais état, demander des créneaux sur le réseau ferroviaire déjà surchargé, se soumettre à de longs contrôles à la frontière et à une administration lente et tatillonne…
Pour la route, 4 000 ponts ont été identifiés comme étant "dans un état critique" par le gouvernement allemand, y compris des ponts situés sur des sites portuaires maritimes comme Hambourg. Face à la multitude de ponts à rénover, le gouvernement fédéral a déjà annoncé qu’il se concentrerait en priorité sur les axes est-ouest. Le ministre des Transports souhaite également construire de nouvelles autoroutes, mais il se heurte sur ce point à la résistance des Verts au sein de la coalition au pouvoir, qui veut se concentrer sur le développement du réseau ferré. Seule bonne nouvelle, un coup de pouce financier devrait venir de l’Union européenne, qui a doublé le budget alloué aux projets routiers, ferroviaires et de voies fluviales en Europe, dont la plupart traversent le pays de transit qu’est l’Allemagne.