Les solutions pour financer la formation

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Former pour recruter est un pari, mais un pari souvent gagnant.

Crédit photo Adobestock
Recruter des jeunes, des femmes, des adultes en reconversion, des personnes éloignées de l’emploi… : des dispositifs existent pour financer des immersions, préparations et autres cursus donnant plus de chance d’enclencher sur des CDI. Il en existe aussi pour la formation des salariés.

Former pour recruter est un pari, mais un pari souvent gagnant. C’est pourquoi le système de financement soutient fortement l’alternance. L’OPCO Mobilités – l’opérateur de compétences du transport routier de marchandises – prend ainsi en charge les coûts pédagogiques supportés par les centres de formation d’apprentis ou, dans le cas de contrats de professionnalisation, par les organismes de formation, ne laissant à la charge des employeurs que les salaires de leurs alternants. « C’est notre mission régalienne », résume Karine Coulon, directrice adjointe de l’OPCO chargée du développement et de l’appui aux politiques des partenaires. L’opérateur propose aussi M-Tutorat, une plateforme d’e-learning des tuteurs d’apprentis. « Les entreprises n’ont qu’à s’inscrire, précise Karine Coulon. Leurs tuteurs suivent le module quand ils le veulent et nous, nous gérons le reste. » Ce que confirme Violaine Villain, directrice adjointe de Specilor, filiale mosellane du groupe isérois Brun Invest (38) : « Nous demandons au formateur de chacun de nos services de suivre cette formation en ligne, témoigne-t-elle, mais financièrement, c’est totalement transparent pour nous. »

Bonus pour les jeunes alternants

L’OPCO aide par ailleurs les employeurs à solliciter la subvention liée au recrutement de jeunes alternants que l’État a mise en place après la crise Covid et a reconduite en 2024 : actuellement de 6 000 €, celle-ci est attribuée pour l’embauche d’apprentis ou de personnes de moins de 30 ans en contrat de professionnalisation. Responsable administrative et financière de TFBC (Valence), PME qu’elle a reprise avec son mari en 2021, Charlène Pialat a trouvé dans l’apprentissage une voie parfaite pour se former elle-même « au côté RH » de la direction d’entreprise. Elle a ensuite renouvelé l’expérience pour une gestionnaire. « Dans les deux cas, la formation a été entièrement prise en charge, commente-t-elle. Dans le second, nous avons même eu la subvention d’État en plus, versée mensuellement. » Estimant « important de former des jeunes et de transmettre », elle projette de recruter d’autres apprentis. Les demandeurs d’emploi, eux, peuvent avoir besoin d’une remise à niveau ou d’un temps de découverte du métier. Un dispositif en ce sens est prévu et financé par France Travail : la préparation opérationnelle à l’emploi (POE). Celle-ci peut aussi être collective (POEC). « Il arrive qu’une fédération professionnelle, par exemple, nous informe des besoins de plusieurs transporteurs d’un même bassin d’emploi, explique Karine Coulon. Dans ce cas, par délégation de France Travail, nous organisons le financement d’une POEC sur place. »

France Travail a également qualifié l’OPCO de « tiers de confiance » pour l’organisation de POE individuelles (POEI). Dans ce cas, le demandeur d’emploi qui a besoin d’une préparation est intégré à une session organisée par un organisme de formation. « C’est comme un mariage arrangé, illustre Karine Coulon : l’employeur signe une promesse d’embaucher le demandeur d’emploi si celui-ci réussit la formation, France Travail rémunère ce dernier et finance la préparation, et l’OPCO abonde éventuellement aussi, sur des fonds de la branche. » Le plus souvent, cela ne coûte rien à l’entreprise, « sauf si les tarifs de l’organisme de formation sont prohibitifs ou si les enveloppes de France Travail et de l’OPCO sont déjà dépensées, prévient-elle. C’est du cas par cas. Mais l’entreprise n’a pour interlocuteur que son conseiller de l’OPCO ».

Préparations pour chômeurs ou réfugiés

Mais c’est aussi grâce à son réseau local que Specilor utilise régulièrement ces dispositifs : « Nous accueillons des demandeurs d’emploi en POEI sous l’impulsion d’organismes de formation de notre territoire, témoigne Violaine Villain. Ceux-ci connaissent notre activité (matière dangereuse) et nos besoins, et présélectionnent donc bien les personnes. Pour les POEC, notre conseillère France Travail nous contacte lorsqu’elle ouvre une session. » Il est également arrivé à Specilor d’obtenir le financement d’un permis par le dispositif nommé « action de formation préalable au recrutement ». « Celui-ci va peut-être être fusionné avec la POEI », prévient Virginie Seclet, référente sectorielle transport-logistique pour France Travail, mais le principe restera. Ce qu’elle attend surtout des entreprises de la branche est « qu’elles ouvrent leurs portes aux personnes éloignées de l’emploi », pour des périodes d’immersion, « dans les conditions réelles d’exercice des métiers ». L’inscription sur la plateforme dédiée est gratuite. Pour Virginie Seclet, là encore, le pari peut être gagnant : « Sept demandeurs d’emploi sur dix ayant fait une immersion dans un secteur décident d’y rester. » Certaines actions visent, de leur côté, des publics spécifiques. L’OPCO Mobilités réfléchit à un financement fléché sur les femmes, « mais c’est assez complexe, remarque sa directrice adjointe, car on touche aussi à une question de motivation ». En revanche, l’opérateur est d’ores et déjà partenaire, avec France Travail, d’un parcours mis en place depuis 2017 pour l’insertion des réfugiés : le programme Hébergement, orientation, parcours vers l’emploi (Hope), opéré par l’Afpa. « La première partie, avant un contrat de professionnalisation, est une POEC, explique Karine Coulon, dans laquelle la formation a été adaptée aux langages spécifiques de la logistique et de la carrosserie. » Sur le même principe, l’Union TLF a passé une convention avec la société à mission Each One, qui collabore avec Pôle emploi et l’OPCO Mobilités pour l’intégration de réfugiés. « Nous mettons nos adhérents en relation avec ces partenaires, explique Nancy Noël, déléguée générale adjointe en charge des affaires sociales d’Union TLF. C’est une source de recrutement, cela répond à un enjeu sociétal et cela change le regard des collaborateurs sur leur entreprise. »

FSE, FNE : des « plus »

Autre « gros morceau » à financer : la formation des salariés. S’il s’agit d’une évolution professionnelle nécessitant un cursus plus long et qualifiant, l’OPCO apporte une aide à travers le dispositif Pro-A : celle-ci est de 3 300 € « et peut même aller jusqu’à 7 000 € grâce à des fonds de la branche, précise Karine Coulon. Mais il peut y avoir un reste à charge pour l’entreprise ». Ce qui n’empêche, observe Nancy Noël, que « ce dispositif a bien démarré ». Pour les autres besoins de formation des salariés, au classique plan de développement des compétences des PME, s’ajoutent la possibilité de versements volontaires à l’OPCO et une aide supplémentaire dédiée à la professionnalisation dans les PME de moins de 11 salariés. « Que ce soit pour l’adaptation à un logiciel métier, une FCO ou toute autre thématique, explique Karine Coulon, nous répondons toujours en cherchant ce qui est le plus favorable à l’entreprise. » Avec sa conseillère de l’OPCO, Charlène Pialat « essaie de bien gérer ce budget formation ». Ainsi, en 2023, après avoir sécurisé les formations obligatoires, elle a pu faire former l’exploitant de TFBC au management. Un sujet pour lequel Specilor, elle aussi, a sollicité et obtenu un financement de l’OPCO. Mais il s’y est ajouté pour elle une aide du Fonds social européen (FSE) : « Le simple fait que les salariés concernés soient des femmes, aient un certain âge ou un petit niveau d’études, nous faisait rentrer dans les cases », témoigne Violaine Villain. À l’OPCO, Karine Coulon est en attente d’un nouvel appel à projet de l’Europe : « Dès qu’il sera sorti, nous ferons une information », promet-elle.

Autre enveloppe en cours de renouvellement : le Fonds national de l’emploi (FNE), qui soutient la formation liée à des enjeux tels que la transition écologique ou la digitalisation. L’État finance 50 à 70 % des coûts et l’OPCO complète. « En 2023, nous avons tout dépensé, car nous avons reçu beaucoup de demandes, assure Karine Coulon. Mais nous avons réitéré notre demande pour 2024 sur toutes les thématiques possibles. » Certains en ont profité pour lancer un plan de formation inhabituel, comme les Transports Simon (Rethel, 08) : « Nous avons prévu de faire suivre un coaching à l’écoconduite par tous nos conducteurs, explique la PDG Frédérique Simon. Nous l’avons déjà planifié pour 60 d’entre eux en 2024. Sans le FNE, cela aurait été impensable, les trois-quarts de notre budget étant pris par les formations obligatoires. » La dirigeante ne sait pas encore si ce financement lui sera renouvelé pour les 22 autres conducteurs de son effectif, mais elle fait le pari et déploie son plan.

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