Dans la suite de la Déclaration ministérielle de Mannheim, les Etats membres de la Commission centrale pour la navigation du Rhin (CCNR) ont adopté, lors de la session plénière du 9 décembre 2021, une feuille de route pour la transition énergétique de la navigation intérieure afin de relever le défi du « zéro émission » à l’horizon 2050, a indiqué Raphael Wisselmann, lors du webinaire « Vert le fluvial » de VNF le 13 décembre.
Rappelons que pour la navigation intérieure, la Déclaration de Mannheim fixe des objectifs de réduction des polluants atmosphériques et des gaz à effet de serre de -35 % d’ici 2035 et de -90 % en 2050 par rapport au niveau de 2015.
« La feuille de route a pour but d’établir des scénarios de transition. Elle se base sur les résultats de l’étude de la CCNR pour la transition énergétique de la navigation intérieure vers le zéro émission », a ajouté ce responsable, membre du secrétariat de la CCNR.
Cette étude a été publiée par la CCNR en juillet 2021 et « aborde à la fois les aspects technologiques et économiques », a précisé Raphael Wisselmann.
Il a cité plusieurs innovations déjà réalisées concernant les bateaux comme le pousseur à hydrogène Elektra dont la construction est achevée et se trouve en phase de test à Berlin pour voir comment les batteries peuvent être utilisées en conjonction avec la technologie des piles à combustible à bord. Il y aussi l’Alphenaar et les « ZES Packs » aux Pays-Bas, le Ducasse sur Seine 100 % électrique à Paris, un pousseur diesel/méthanol à Anvers, une unité pour le transport de passagers en Suisse dotée d’une bi-motorisation gaz/électricité.
« Tous ces exemples montrent que la transition énergétique est à l’œuvre dans la navigation intérieure. Le secteur du fluvial est en marche. Nous voyons également qu’il n’y a pas de solution unique. L’adéquation des technologies dépend des types de bateaux, du profil de navigation. Il y a énormément d’incertitudes concernant les solutions possibles et c’est pour cela qu’actuellement, il faut rester neutre et ouvert en terme d’approche technologique. Nous avons aussi besoin de projets-pilote », a continué Raphael Wisselmann.
Deux scénarios
Le scénario « conservateur » se fonde sur des carburants et des techniques faciles à mettre à en œuvre, rentables à court terme, assez matures et déjà disponibles sur le marché. Il y a un recours important aux biocarburants pour l’utilisation desquels la navigation intérieure va devoir prendre en compte la concurrence des autres modes.
Le scénario « plus innovant » propose des carburants et des techniques encore en développement actuellement, plus coûteux, plus prometteurs en termes de potentiel de réduction des émissions, l’analyse de rentabilité peut devenir plus intéressante à long terme. Il y a ici le recours au bio-méthanol, au bio-hydrogène, à l’électricité.
« La réalité sera sûrement entre ces deux scénarios qui ont pour vocation de guider les politiques européenne et rhénane en matière d’évolutions technologiques », a expliqué Raphael Wisselmann.
Les aspects économiques de la transition énergétique de la navigation intérieure ne sont pas oubliés par la CCNR.
« Le coût de la transition énergétique est très élevé et est évalué à 2,65 milliards pour le scénario conservateur et 7,8 milliards pour la voie plus innovante, a souligné Raphael Wisselmann. Et actuellement, il y a très peu de cas de rentabilité par rapport aux investissements ». Il a cité l’exemple d’un bateau hydrogène qui coûte le double d’un bateau doté d’une motorisation/propulsion conventionnelle.
« La navigation intérieure ne peut pas financer seule sa transition énergétique. Nous avons besoin d’un instrument financier doté de fonds publics et privés. L’étude de la CCNR montre aussi la possibilité d’une contribution du secteur de l’ordre de 4 à 8 centimes du litre de gazole, par exemple, dont la faisabilité reste bien évidemment à examiner. L’intérêt d’une contribution par rapport à une taxe est qu’elle retourne au secteur et permet sa modernisation. Il y a besoin, plus globalement, d’une politique publique et de mesures associées », a conclu Raphael Wisselmann.
Un plan d’action de 18 mesures
La feuille de route de la CCNR a été rédigée en concertation notamment avec les représentants du secteur, les autres commissions fluviales et l’Union européenne.
« Elle présente les enjeux de la transition énergétique de la navigation intérieure, comprend deux scénarios de transition, un plan d’action de 18 mesures à la fois règlementaire, d’engagement volontaire, financier », a dit Thomas Royal de la DGITM, lors du webinaire le 13 décembre.
Il a cité comme mesure « l’adoption d’un cadre réglementaire approprié pour l’utilisation des carburants alternatifs et des batteries. Il s’agit d’élaborer des standards et des exigences pour la construction de bateaux, pour le fonctionnement de l’équipage, etc. pour permettre l’utilisation de carburants alternatifs et de batteries à bord. Le Cesni a un programme de travail de prescriptions techniques sur ces aspects-là entre 2022 et 2024 ».
Une autre mesure concerne la mise en place d’un « label », qui relève de « l’engagement volontaire », selon Thomas Royal.
Le travail sur ce « label » est mené au sein de la plate-forme Platina 3 au niveau européen. L’étape actuelle est à l’élaboration d’une méthodologie pour la création d’un « label » visant à évaluer les performances environnementales du transport fluvial avec l’objectif d’aboutir en 2022. « Un travail sera ensuite conduit par la CCNR pour évaluer l’opportunité de déployer un label pour 2023 ».
La feuille de route va être publiée sur le site Internet de la CCNR courant janvier 2022. L’organisation indique s’engager à faire un point sur l’avancement de la réalisation des mesures du plan d’actions d’ici 2025 et à réexaminer la feuille de route pour 2030.