Le méthanol creuse son sillon

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En termes d’alternatives aux combustibles d’origine fossile, bien que considéré comme une transition, le gaz naturel liquéfié s’est imposé par défaut étant donné les grandes incertitudes qui entourent les autres options. Mais le méthanol, carburant vert, a gagné de l’intérêt tout récemment. Notamment dans le secteur du conteneur.

Le GNL a saturé l’actualité en 2022. Mais sa notoriété avait moins de liens avec le transport maritime qu’avec les tensions géopolitiques entre l’Union européenne et la Russie, son principal fournisseur de gaz mis au ban international en raison de son « opération spéciale » chez son voisin ukrainien.

En tant que substitut au gaz et à vrai dire seule alternative, le gaz naturel liquéfié a fait la fortune des méthaniers et des pays qui en regorgent, États-Unis et Qatar aux premiers rangs.

Mais en tant que combustible de soute, la campagne de dénigrement dont il fait l’objet s’est encore exacerbée. Les fuites de méthane générée par sa combustion, son extraction en Arctique, son caractère imparfait pour traiter le dioxyde de carbone, ennemi public numéro un des politiques climatiques, et bien d’autres défauts l’ont encore voué aux gémonies. Paradoxalement, il s’est imposé dans un tiers des commandes de porte-conteneurs récemment passées. Le gaz liquéfié coche toutes les cases pour les armateurs de la classe « pragmatique », ceux qui ne veulent pas attendre les ruptures radicales à une échéance incertaine ou à tout le moins lointaine.

CMA CGM passe à l’acte

Pour autant, les lignes bougent. Avocat de la première heure du GNL, Rodolphe Saadé a rejoint récemment son rival Søren Skou sur le chemin du méthanol. C’est en juin que la compagnie marseillaise a annoncé sa première commande de porte-conteneurs dual fuel au méthanol avec six unités de 15 000 EVP confiées au constructeur chinois Dalian Shipbuilding Industry Company (DSIC). Elle a été complétée depuis par une série de douze 15 000 EVP, selon les déclarations du dirigeant.

Cosco a également obtenu l’accord de sa maison mère Cosco Shipping Holdings pour commander douze porte-conteneurs de 24 000 EVP bicarburant avec méthanol. Le numéro quatre mondial dans le transport maritime de conteneurs, qui ne s’était pas prononcé jusqu’à présent en faveur d’une des trois options les plus crédibles aux énergies fossiles (GNL, ammoniac, méthanol), a ainsi manifesté pour la première fois ses convictions.

Mais A.P. Møller – Maersk, dont la flotte au méthanol pourrait atteindre les vingt-cinq unités si l’armateur danois exerce ses six options, reste un pionnier. Il avait contracté pour une première série de huit porte-conteneurs en août 2021, confiés à Hyundai Heavy Industries (HHI) et dont la livraison est prévue en 2024 et 2025. Il a ensuite exercé son option pour quatre autres en janvier 2022. L’ensemble avait été précédé, en juillet 2021, d’un feeder, confié à Hyundai Mipo Dockyard (HMD). Ce dernier devrait être mis à l’eau en 2023 pour opérer en Baltique. Enfin, il a signé début octobre une nouvelle série de six porte-conteneurs de 17 000 EVP.

Course contre la montre

Pour Maersk, c’est une course contre la montre. Les commandes passées à ce jour seront livrées d’ici 2025 alors même que la disponibilité du futur combustible et les infrastructures ne sont pas garanties à ce stade. Le transporteur y pallie en s’engageant sur des contrats d’achat long terme dont les volumes lui sont totalement réservés. Il a signé neuf accords d’après notre relevé, le dernier avec la société américaine SunGas Renewables après ceux engagés auprès de Carbon Sink, CIMC ENRIC, Debo, European Energy, Green Technology Bank, Orsted, Proman et Wastefuel. Ainsi, la compagnie entend donner des signaux à l’industrie pour amorcer la pompe et contribuer à rendre le futur carburant plus compétitif, sans attendre qu’un mécanisme-relais compense le différentiel entre les énergies fossiles et les alternatives vertes.

Si le méthanol d’origine fossile revient entre 100 et 250 $/t, le bio-méthanol se situe dans une fourchette entre 320 et 770 $/t, selon les paramètres. En améliorant les process, les coûts pourraient être réduits, entre 220 et 560 $/t, indiquent des organismes tels que l’Institut du méthanol.

Quant au e-méthanol, obtenu en combinant de l’hydrogène vert produit à partir de l’électricité renouvelable et du CO2 biogénique, son coût de production varie selon le prix de ces deux intrants. Il est estimé entre 800 à 1 600 $/t en supposant que le CO2 provienne du captage et stockage du carbone. Mais si le CO2 est obtenu par captage direct dans l’air, dont les coûts sont actuellement de 300 à 600 $/t, il reviendrait alors entre 1 200 à 2 400 $/t.

La concomitance entre les navires et les infrastructures d’approvisionnement en carburant est un des défis de la décarbonation du transport maritime.

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