Le 19 mars, la compagnie britannique P&O a lancé le deuxième ferry à propulsion diesel-électrique Liberté. Son jumeau, le Pioneer, circule quant à lui depuis juin 2023 entre Calais et Douvres. Aujourd'hui, la moitié de la flotte de la compagnie est hybride.
L'autre grande compagnie desservant l'outre-Manche, la danoise DFDS, compte déployer d'ici 2030 une flotte de navires à propulsion électrique composée de "six navires bas carbone, dont deux dans le détroit de Calais fonctionneront à l'électricité", détaille Mathieu Girardin, en charge de l'activité ferry de la compagnie danoise.
Reste Irish Ferries, opérant également la liaison transmanche devra également s'y mettre. Les compagnies et les ports de la Manche se sont engagés, il y a un an, à créer d'ici 2030 un corridor vert où le transport maritime serait neutre en carbone, utilisant des ferries alimentés par batteries, avec des installations de recharge dans les ports.
"Réduire les émissions de CO2 est une nécessité écologique, mais cela va aussi s'imposer économiquement" avec la hausse drastique de la taxe carbone d'ici 2026, rappelle le directeur du port de Boulogne-Calais, Benoît Rochet.
Eviter les consommations dans les manœuvres
Par ses caractéristiques, la Manche, par où transitent un tiers des échanges commerciaux entre le Royaume-Uni et l'Union européenne, se prête particulièrement bien au 100 % électrique car le transit nécessite une autonomie limitée. Cette route est aussi fréquentée que courte avec moins de 50 km entre les deux côtes.
P&O estime que ses nouveaux ferries consomment jusqu'à 40 % de carburant en moins, en raison de leur moteur hybride, mais aussi de leur conception évitant les demi-tours.
Symétriques, ils sont dotés de deux cabines de pilotage, et c'est l'équipage qui passe de l'une à l'autre à chaque traversée, économisant ainsi temps et carburant.
Mais les navires P&O nouvelle génération, conçus pour naviguer 100 % à l'électricité à terme, fonctionnent actuellement de façon hybride, utilisant électricité et générateur diesel pour naviguer, car les ports ne sont pas encore équipés pour recharger les batteries assez rapidement.
Les ports pas encore opérationnels
Ils doivent pour cela installer des prises géantes de plusieurs dizaines de mégawatts. Celui de Calais entend mettre en place dans les années à venir six prises de 20 MW, soit 120 MW de capacité, quarante fois plus que ce que le port consomme actuellement en période de pointe.
Autre enjeu : l'approvisionnement des ports en électricité. Calais-Boulogne se targue d'un "atout géographique" de taille : la proximité de la centrale nucléaire de Gravelines, la plus grande d'Europe de l'Ouest.
Le gestionnaire de réseaux électriques français RTE planche sur la livraison de 225.000 V au port.
Douvres n'a, en revanche, pas cet atout et devra prévoir de très importants travaux pour créer des lignes très haute tension.
Bernard Barron et Eugène Grimonet