Les commandes de navires neufs alimentés à l'ammoniac se développent alors que les motoristes, notamment WinGD, MAN et Wärtsilä, devraient commencer à livrer les premiers moteurs l’année prochaine.
Maersk Tankers a annoncé en fin de semaine dernière une commande de huit très grands transporteurs d'ammoniac (very large ammonia carriers, VLAC) auprès du chantier naval sud-coréen Hyundai Samho Heavy Industries. Le contrat consiste en huit unités, assorti d'options pour deux navires supplémentaires. Cet investissement d'une valeur de 432,4 M$ est un marqueur, première mesure forte prise par Tina Revsbech en tant que PDG de Maersk Tankers.
Les navires, d’une capacité de 93 000 m3 chacun (ce qui en fera les plus grands transporteurs d'ammoniac en activité), devraient être livrés entre la fin de l'année 2026 et le second semestre 2027 et s’intègreront progressivement dans le pool d'affrètement (150 navires avec 40 partenaires).
Investissement en partenariat avec Mitsui
Sorti du giron d’A.P Møller Maersk, à la suite de la cession des activités pétrolières de ce dernier, Maersk Tanker, désormais codétenue par A.P. Møller Holding (actionnaire principal de Maersk avec 41,51 % des actions du groupe et 51,45 % des votes) et par Mitsui & Co, investit sur cette commande avec son actionnaire japonais pour les quatre premières unités.
Pour ce projet, la compagnie, qui a délaissé la propriété des navires pour se contenter de les gérer et de les opérer, se fait accompagner par MAN Energy Solutions, Engine Machine Division (EMD) et la division moteur de Hyundai Heavy Industries.
« La décision d'installer des moteurs capables de fonctionner à l'ammoniac nécessite le soutien des autorités réglementaires et des clients », modère la compagnie maritime, suggérant que des verrous réglementaires doivent encore être levés.
Marché visé ?
Avec cette commande, Maersk Tankers vise le marché de transport de l’ammoniac vert généré par les projets en développement autour de la production de cette énergie prometteuse. L’entreprise souhaite répondre aux besoins de transport de grands volumes.
L'ammoniac, le méthanol et l'hydrogène, tiennent la corde en qualité de carburants alternatifs alliés des transporteurs maritimes dans le verdissement de leur flotte.
Si le méthanol convainc presque sans réserve, l'ammoniac suscite encore beaucoup de doutes, en raison de son caractère toxique, ce qui « suppose des exigences élevées pour les infrastructures et les systèmes à bord », reconnait la direction de la compagnie.
Le NH3 a néanmoins de gros avantages sur l’hydrogène. Utilisé comme combustible, il n'émet pas de dioxyde de carbone (CO2), de monoxyde de carbone (CO) ou de particules fines, et surtout, n'est pas concerné par les problématiques associées à l'hydrogène : sa production et sa manipulation sont plus aisées et plus économiques tandis que les infrastructures existent déjà.
Il ne nécessite pas, par exemple, d’être comprimé à haute pression (350 ou 700 bars) ni d’être liquéfié pour être transporté dans des réservoirs cryogéniques où sa température doit être maintenue à - 253°C.
Dérivé azoté de l’hydrogène (trois atomes d’hydrogène pour un atome d’azote), il est un vecteur énergétique candidat pour la production d'électricité verte. La production, le stockage et la livraison d’hydrogène peuvent donc se faire sous forme de NH3.
Boom de construction pour des grands transporteurs de gaz
Maersk Tankers a été l'une des premières à se lancer dans le transport maritime de GPL et d'ammoniac en 1972, jusqu'à ce que la société vende ses activités de transport de gaz en 2013. Cette année, la société a recommencé à gérer des transporteurs de gaz (près de 30 very large gaz carrier, VLGC).
Hyundai indique de son côté avoir été destinataire en septembre d'une commande de quatre transporteurs d'ammoniac de 88 000 m3, dont deux seront livrés au propriétaire de flotte singapourien EPS et les deux autres à la société grecque Capital Management mais qui seront également gérés par EPS. Les deux contrats sont assortis d’une option pour un navire supplémentaire. Les livraisons sont prévues à partir du second semestre 2027.
Selon ses déclarations, le groupe sud-coréen de construction navale a emporté 61 % du total des commandes passées depuis le début de l’année pour des transporteurs de GPL et d'ammoniac de grande capacité.
Adeline Descamps