Maersk envisage la propulsion nucléaire comme solution de décarbonation

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Après avoir joué les pionniers du méthanol, dénigré le GNL avant d'y consentir sans doute par défaut, AP Møller-Maersk envisage d’ajouter l'énergie nucléaire à ses choix de carburants décarbonés. L'armateur de porte-conteneurs est partie prenante d'un projet visant à développer un feeder à propulsion nucléaire destiné à opérer en Europe.

Après avoir adopté en pionnier le méthanol, après avoir rejeté, dénigré, ostracisé le GNL pour finalement y consentir (en double motorisation), sans doute par défaut, AP Møller-Maersk envisage d’ajouter l'énergie nucléaire à sa palette de carburants décarbonés. Il s'associe à un projet visant à étudier le développement d'un feeder à propulsion nucléaire destiné à opérer en Europe.

Le projet implique la société de classification Lloyd's Register et la start-up britannique Core Power, spécialisée notamment dans l'innovation nucléaire maritime. La collaboration, qui devrait intégrer une autorité portuaire, vise à déterminer les conditions de sécurité, de réglementation et le cadre nécessaire pour déployer un navire basé sur l’énergie nucléaire dans un délai de dix ans.

Des tentatives timides

Le potentiel de l'énergie nucléaire dans la navigation a déjà été défriché. Il a même donné lieu à un prototype dans les années 1950 aux États-Unis sous la présidence de Dwight Eisenhower lorsqu’un navire marchand a été modifié pour servir de pilote à qui est retenu comme le premier navire de transport de marchandises et de passagers à propulsion nucléaire.

Baptisé Savannah (référence au premier navire à propulsion à vapeur à avoir traversé l'Atlantique en 1819), il a été développé dans le cadre du programme américain « Atoms for Peace » (« Atomes pour la paix »), qui visait à explorer les exploitations commerciales de l'énergie atomique. La marine américaine avait alors mis en service son premier sous-marin nucléaire, l'USS Nautilus, en 1954 et venait de concevoir son premier navire de surface à propulsion nucléaire, l'USS Long Beach.

Le Savannah a été lancé le 21 juillet 1959 et a été « souté » pour la première fois en novembre 1960 avec 7 000 kg d'uranium, ce qui devait lui assurer trois ans d'autonomie et de parcourir 300 000 milles avant d'être ravitaillé ! En fin d'année 1961, le réacteur avait été testé à 10 % de sa puissance.

Les essais en mer ont commencé en mars 1962 lorsque le réacteur a été porté à 80 % de sa puissance et atteint une vitesse de 20 nœuds au cours d'une traversée de quatre heures. Enfin, en avril 1962, le réacteur a été éprouvé à pleine puissance pour la première fois, à 23 nœuds.

Une épopée

Géré ensuite par la States Marine Lines, le navire a effectué sa première navigation avec des passagers en septembre 1962 au départ de Norfolk (Virginie) et devait rejoindre (via le canal de Panama) l'exposition universelle de Seattle.

Après un an de voyages de démonstration et moult débats, American Export a obtenu de l'exploiter commercialement. Mais conçu pour être un objet de démonstration, son exploitation en navigation réelle n'a pas été un franc succès. Il a fini en tant qu’attraction touristique, mais sous la protection du Registre national des lieux historiques (classé en 1982) et désigné comme monument historique national en 1991.

Quatre navires à propulsion nucléaire

Le Savannah a été l'un des quatre seuls navires marchands à propulsion nucléaire jamais construits, avec ceux à l'initiative de l'Allemagne, du Japon et de l'Union soviétique. Aujourd’hui, la Russie est le seul pays à opérer des brise-glaces nucléaires.

Toutefois, l'atome continue de susciter de l'intérêt, notamment aux États-Unis. En 2022, l'Office de l'Énergie nucléaire américain a mandaté une étude auprès de la société de classification ABS sur le potentiel de la navigation commerciale à propulsion nucléaire, axé notamment sur le développement des réacteurs. Les concepts de réacteurs à sels fondus sont l'une des technologies les plus prometteuses pour le transport maritime.

Dans la plus récente édition de son Zero-Carbon Fuel Monitor, le Lloyd's Register. évoque pour sa part cinq catégories de technologies nucléaires. « L'énergie nucléaire pose un certain nombre de problèmes liés, par exemple, à la sécurité, à la gestion des déchets et à l'acceptation des réglementations dans les différentes régions. Jusqu'à présent, les inconvénients l'ont emporté sur les avantages de cette technologie. Si ces défis peuvent être relevés par le développement des nouveaux réacteurs dits de quatrième génération, l'énergie nucléaire pourrait devenir une autre voie possible de décarbonation pour l'industrie de la logistique dans 10 à 15 ans », soutient Ole Graa Jakobsen, responsable de la technologie de la flotte chez A.P. Møller - Maersk.

Adeline Descamps

 

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