Vrac sec : le Brésil en relais de la Chine, le marché en ébullition

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Les capesize gagnent actuellement plus de 35 000 $ par jour. La demande mondiale d'acier continue d'être portée par la Chine où la production établit chaque mois de nouveaux records. La seconde puissance mondiale vient d’être relayée dans sa vigueur par le Brésil. « Une période spectaculaire », s'enflamment les analystes. Goodbulk, premier opérateur de grands vraquiers à délivrer ses résultats, en profite déjà.

« C'est une période spectaculaire » que le vrac sec est en train de vivre, s’enthousiasme Peter Sand, analyste en chef du transport maritime du BIMCO, l’organisation internationale du transport maritime. Les capesize, dont le revenu journalier a commencé à s’enflammer début avril avec un tarif observé à près de 29 000 $/j tutoie les nuages en cette fin avril avec un tarif à 35 000 $/j. De mémoire, il faut remonter jusqu'en 2010 pour trouver un tel niveau, les plus grands navires de la catégorie du vrac sec caracolait alors à 33 298 $. Le secteur était alors dans sa décennie glorieuse avant de sombrer, emmené vers les fonds par la crise financière consécutive à la déroute de Lehman Brothers.

Rien ne se passe désormais comme avant dans le transport maritime « d’après » la déflagration Covid. Habituellement, les vraquiers sont peu sollicités en début d’année. « Normalement, la demande chute d'environ 9 % entre le quatrième et le premier trimestre. Nous n'avons pas vu une telle demande depuis très longtemps », confirme Peter Sand.

Moyenne trimestrielle de 17 126 $/j

En début de semaine, le Baltic Dry Index (BDI) qui reflète les tarifs pratiqués pour des produits de base tels le charbon, le minerai de fer et les céréales, sur les vingt routes maritimes les plus représentatives du marché, a atteint son plus haut niveau depuis dix ans, à 2 808 $.

Considéré sur le premier trimestre, le Baltic capesize a navigué à une moyenne de 17 126 $/j alors qu’il était en fond de cale, à 4 558 $/j, pour la même période de 2020. « Le premier trimestre a été le plus fort depuis 2014 et c’est la première fois qu'un premier trimestre est supérieur au précédent depuis 2009 », a indiqué GoodBulk, l’un des plus grands propriétaires de capesize (22 sur 23 vraquiers) qui vient de publier ses résultats trimestriels. 

Poussée du Brésil

Pour l’exploitant, cette vigueur est corrélée aux fortes exportations de minerai de fer du Brésil qui ont atteint 77,7 Mt au premier trimestre, une hausse de 18,3 %, à attribuer principalement à la production de Vale. Le géant minier brésilien a repris cette année ses activités sur certains de ses sites qui avaient été touchés par la rupture de la digue de la mine de Corrego do Feijao en 2019.

En mars, les exportations de minerai de fer en provenance des terminaux clés du Brésil (Rio Tinto) et d’Australie (Port Hedland), ont apporté 14,8 Mt supplémentaires, principalement expédiées sur des capesize, fait valoir Goodbulk.

La Chine accapare 72,6 % des importations mondiales de minerai de fer

L'appétit vorace de la Chine en acier, charbon, céréales et autres matières premières est certes à l’origine de l’incroyable retournement du marché depuis le début de l’année alors que le secteur avait été sacrément abîmé par les guerres commerciales. Mises sous amphétamines par la vigueur de la reprise économique, les aciéries chinoises tournent à plein régime. Les importations chinoises de toutes les matières premières sont en forte croissance. Au premier trimestre, elles ont augmenté de 7,9 % pour le minerai de fer (+ 20,7 Mt) et de 19 % pour le soja (3,4 Mt) par rapport à la même période l'année dernière, selon les données du BIMCO.

L’association des armateurs et exploitants de flotte estime aussi que cette fois, la bonne performance des exportations brésiliennes de minerai de fer a relayé la Chine dans sa demande des plus grands vraquiers. Avec sa capacité de transport jusqu’à 180 000 t, le capesize a pour principaux clients le minerai de fer – sur de longs trajets depuis le Brésil vers la Chine, mais aussi sur des volumes importants depuis l'Australie – et le charbon mais dans une moindre mesure.

Comme pour l'ensemble du marché du vrac sec, la domination de la Chine en tant qu'importateur est également claire en ce qui concerne les exportations brésiliennes de minerai de fer. En 2020, la Chine a augmenté sa part des importations mondiales de minerai de fer à 72,6 %, contre 56,8 % en 2017.

Le Brésil, essentiel à la rentabilité des capesize

« Le fait que les exportations brésiliennes de minerai de fer vers l'Asie continuent d'augmenter est vital pour le marché des capesize. Pour l'ensemble du marché, il s'agit d'un levier qui décide souvent de sa rentabilité », estime Peter Sand.

Et les importations chinoises sont également vitales pour le Brésil dont le soja approvisionne le marché mondial et a fortiori la Chine, plus gros acheteur mondial. La seconde puissance mondiale de la planète importe près de 100 Mt de soja et 150 Mt de maïs par an. La Chine a faim de céréales car le pays cherche à reconstituer ses élevages de porcs après une épidémie de peste porcine africaine mortelle.

Or cette année, les fortes pluies ont décalé le calendrier des récoltes et en conséquence les mouvements des navires. Plus inquiétant, les États-Unis sont revenus dans le jeu, les relations commerciales se détendant entre Washington et Pékin. Le géant nord-américain avait expédié au 1er avril 59 Mt avec pour première destination la Chine qui absorbe à elle seule près de 60 % de sa production.

Un TCE moyen de 14 592 $/j

Au cours du premier trimestre, indique Goodbulk, la Chine a importé 50,1 % de plus de céréales et d'oléagineux (maïs, blé et soja). Les taux des panamax et supramax sur lesquels sont notamment chargés les céréales, ont vu les taux de fret atteindre des sommets décennaux en mars.

En conséquence, la société a enregistré un TCE (Time Charter Equivalent) de 14 592 $/j pour les capesize et de 12 954 $/j pour son unique panamax durant trois premiers mois de l’année. En comparaison, ses grands navires gagnaient en moyenne 10 851 $/j en 2020 et le panamax était en deçà de tout entendement économique, avec 1 864 $/jour. 

« Avec un carnet de commandes à un niveau historiquement bas, un rebond de la demande de vracs mineurs et de charbon, ainsi qu'une croissance régulière des volumes de minerai de fer et de céréales, le marché du vrac sec est prêt à bénéficier d'un environnement solide en 2021 et en 2022 », assure la société cotée.

Des flux incertains

L’assurance de Goodbulk contraste avec le sentiment d’extrême prudence qui prévaut d’ordinaire sur ce marché. Les taux de fret quotidiens des vraquiers sont parmi les plus volatils du transport maritime, soumis aux mouvement de roulis en fonction de multiples facteurs, aléas de la production minière et agricole, tarifs douaniers, conditions météorologiques...

Aussi, si la soif de la Chine pour tous les produits de base dont elles représentent 45 % des importations maritimes, donne de l’emploi aux vraquiers, de nombreuses inconnues hypothèquent le marché. 

Pékin entend intensifier son programme environnemental. Pour l’heure, les restrictions ne se sont pas encore traduites par des réductions de la production d’acier et ont au contraire tiré les prix vers le haut mais elles ne seront pas sans effetsà terme. Dans le même temps, Pékin souhaite réduire la part du soja et du maïs en tant qu’aliments pour son bétail et recommande déjà officiellement l'utilisation de matières premières moins coûteuses et locales. Les préconisations du ministère de l'Agriculture pourraient sanctionner 4 à 8 Mt des achats de soja sur une demande de céréales destinées à l'alimentation animale qui devrait être cette année de l’ordre de 37 Mt selon les estimations.

Adeline Descamps (avec une contribution de Myriam Guillemaud-Silenko)

 

 

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