Alors que la révision du règlement sur le réseau transeuropéen de transport est attendue pour la fin de l’année, les ports français impliqués dans les liaisons transmanche souhaitent être davantage pris en compte. Ils l’ont martelé lors de la troisième édition des Rencontres Transmanche organisée par le Cluster maritime français avec Armateurs de France et Ports de France.
Comment faire valoir les intérêts des acteurs publics et privés français du transmanche concernés par le Mécanisme d’interconnexion en Europe et la refonte du réseau transeuropéen de transport ? Telle était la question posée aux participants à la troisième édition des Rencontres transmanche, organisée par le Cluster maritime français avec Armateurs de France et Ports de France qui s’est tenue en visioconférence le 11 mai.
Parmi les intervenants, la députée européenne Karima Delli présidente de la commission transport du Parlement européen, met d’emblée l’accent sur les autoroutes de la mer : « ce concept doit revenir au centre des discussions. » Mais c’est bien le Mécanisme pour l’interconnexion en Europe (MIE), principal outil de financement des infrastructures du réseau transeuropéen de transport (RTE-T) qui mobilise les échanges.
Les ports français au centre du jeu pour les échanges entre l’Irlande et le continent européen
Un accord a été ficelé le 11 mars entre le Conseil, le Parlement et la Commission à ce sujet, regrettant qu’ait été écartée la proposition du Parlement de reconnaître le caractère transfrontalier des ports maritimes. « Les projets transfrontaliers bénéficient de taux de financement plus élevés [de la part de l’Union européenne], donc je ne comprends pas la rigidité dont ont fait preuve la Commission et le Conseil qui attendent la révision du règlement RTE-T [prévu en fin de l’année], plutôt que de faire figurer immédiatement, dans la foulée du Brexit, les ports français dans les corridors RTE-T. »
La Commission doit dévoiler en septembre prochain sa proposition de nouveau règlement RTE-T. Selon Karima Delli, les enjeux sont nombreux, en particulier pour les ports maritimes français : déterminer leur appartenance au réseau global ou au réseau central (lequel doit être réalisé prioritairement), mettre les liaisons maritimes sur un pied d’égalité avec le transit terrestre, redéfinir le concept d’autoroutes de la mer et enfin, remettre les ports français au centre du jeu pour les échanges entre l’Irlande et le continent européen.
Conditions d’accès des ports aux subventions européennes
Les ports français de la Manche avaient été oubliés dans un premier temps. La Commission, qui avait redéfini le couloir mer du Nord-Méditerranée pour s’adapter au Brexit, n’avait inclus que les ports du Benelux dans les liaisons RTE-T avec l’Irlande. Pour ne pas perdre les flux de marchandises avec ce pays, Karima Delli propose un « sommet franco-irlandais » ainsi que l’ouverture du corridor Atlantique vers l’Irlande.
Dominique Riquet, également parlementaire européen, opine et pointe du doigt un « problème de réalignement des corridors maritimes entre l’Irlande et le continent. Il faut y inclure non seulement les ports du réseau central, ce qu’on a obtenu, mais aussi ceux du réseau global. La Commission argue que cela n’est pas possible avant la révision du règlement RTE-T. »
La question a son importance puisque le MIE intervient prioritairement pour financer le réseau central tandis que tout investissement dans le réseau global doit faire l’objet d’une demande expresse d’un État membre. D’après Dominique Riquet, la révision du RTE-T ne devrait pas concerner le réseau central mais plutôt modifier les conditions d’accès des ports du réseau global aux subventions européennes dont le taux peut passer de 30 à 50 % pour les projets transfrontaliers.
Des navires financés dans le cadre d’autoroutes de la mer
Le caractère transfrontalier des projets portuaires doit être reconnu, plaide Meriadec Le Mouillour vice-président de l’Union des ports de France. « Cela permettrait de lever jusqu’à 50 % de subventions européennes. Or, les ports sont transfrontaliers : c’est le cas de façon indéniable pour le transmanche mais aussi pour la Méditerranée ou l’Outre-mer. »
Directeur de la CCI Bretagne, il souhaite en outre que la révision du règlement RTE-T soit l’occasion d’intégrer les ports qui ne le sont pas encore comme Brest, Roscoff ou Sète, ce qui a son importance dans le cas des autoroutes de la mer. « Il faut bonifier les aides aux projets qui font du report modal. L’aide à la pince par exemple, est un concept critiquable mais qui pourrait être utile aux autoroutes de la mer. Il faudrait aussi que les navires soient financés dans le cadre d’autoroutes de la mer ».
600 M€ pour les ports, faible attribution du plan de relance
Les investissements réalisés par les ports dans la perspective du Brexit ont également été évoqués. « Nous avons immédiatement réagi aux demandes des opérateurs du transmanche et anticipé le Brexit en investissant dans nos ports en complément de l’État, ce qui nous a permis d’aller chercher des parts de marché sur l’Irlande au départ de Cherbourg », convient Sophie Gaugaun, vice-présidente de la région Normandie.
Quant au vice-président de la région Hauts-de-France, Franck Dhersin, il plaide pour sa part en faveur de la création de zones franches portuaires, à l’instar de celles créées en Grande-Bretagne.
De l’avis général, les investissements portuaires ne bénéficient pas suffisamment du plan de relance français jugé « pas à la hauteur des enjeux du maritime », assène Karima Delli qui met en perspective les 600 M€ attribués au secteur contre les 12 Md€ pour l’aéronautique. « Ce qui coûte cher, ce sont les infrastructures. Or, elles font figure de part négligeable dans ce plan de relance. »
L’Europe n’a pas été à cet égard plus généreuse. L’eurodéputé Pierre Karleskind estime que « les investissements nécessaires ont été réalisés dès 2019 en vue du Brexit dans les ports de la Manche mais les ports décentralisés ont été globalement oubliés du plan de relance. »
Étienne Berrier