La production française de blé tendre pour la récolte 2023 devrait atteindre 32,9 Mt, soit 7 % de moins qu’en 2022, selon les premières estimations de France Agri Mer, dévoilées le 13 juillet. L’office agricole public prévoit cependant des exportations en hausse pour la campagne de commercialisation 2022-2023 qui a débutée au 1er juillet : 17,4 Mt au total (+ 3 % par rapport à la campagne précédente), dont 7 Mt vers des pays de l’Union européenne (-12 %) et 10,3 Mt vers des tiers (+ 17 %).
Paul Le Bideau, responsable adjoint de l’unité Grain et Sucre de France Agri Mer, explique ces prévisions en hausse malgré la baisse de la production par un « début de campagne particulièrement actif pour les ventes françaises, notamment vers l’Afrique subsaharienne, l’Égypte et le Maghreb. » Des prévisions qui pourraient évoluer, en raison « des incertitudes sur la demande chinoise et sur les sorties de blé russe », modère-t-il.
Incertitudes multiples
Le doute pèse en outre sur les 20 à 25 Mt de céréales et produits agricoles de la récolte de l’année dernière, stockés dans les ports ukrainiens en raison du blocus maritime de la mer Noire, et dont on sait s’ils vont pouvoir être exportés. La possibilité fait actuellement l’objet de négociations qui se déroulent à l’initiative de la Turquie (membre de l'Otan et en bons termes avec les deux belligérants) et en présence d’une délégation des Nations unies.
En dépit des solutions alternatives trouvées (route et rail), les volumes exportés ne représentent que 30 % de ce qu’il était avant-guerre. L’accord négocié permettrait aux céréales de sortir d'Ukraine en sécurité et aux engrais produits par la Russie de retourner sur le marché international. Les négociations sont compliquées par les soupçons croissants selon lesquels la Russie vole et exporte la production des agriculteurs des régions ukrainiennes désormais sous son contrôle.
« L’effet d’un éventuel accord sur la reprise des exportations maritimes ukrainiennes ne serait pas immédiat, estime Marc Zribi, chef de l’unité Grain et Sucre. Même si les négociations aboutissaient, le retour de l’Ukraine sur les marchés ne se ferait que très lentement. »
6 Mt par mois en maritime
L’expert note par ailleurs que, malgré la part croissante prise sur les marchés mondiales par le duo de la mer Noire, la Russie et l’Ukraine représentent moins de 20 % du marché mondial des exportations agricoles, dominé par les États-Unis (31 %) et le Brésil (22 %).
La Russie, au cours de la campagne 2021-2022, a exporté 33,6 Mt de céréales (- 27 %) dont 27,6 Mt de blé (- 19 %). Après une chute en février et mars, les expéditions ont été supérieures en avril et mai par rapport aux volumes constatés à la même période il y a un an. La Russie devrait pouvoir exporter 41 Mt de blé en 2022-2023. L’Ukraine a quant à elle exporté 48,4 Mt de céréales en 2021-2022, dont 19,1 Mt de blé (+ 15 %) et 23,6 Mt de maïs (+ 2 %). Les prévisions du cabinet Ukraine Agro Consul font état, pour la campagne 2022-2023, de 16 Mt de blé et 30 Mt de maïs disponibles à l’exportation. Le pays pouvait exporter jusqu’à 6 Mt par mois en maritime, et peine aujourd’hui, privé de ses ports, à exporter 1 Mt par mois, tous modes confondus.
Une bonne campagne 2021-22 pour les blés français
La précédente campagne, qui s’est achevée au 30 juin dernier, a enregistré une progression des départs de blé tendre de 24 % (16,9 Mt). les ventes à Union européenne (8 Mt, + 30 %) ont été plus fortes que vers les pays tiers (8,8 Mt, + 19 %). La Chine (2,2 Mt, + 20 %), la Belgique (2,1 Mt, + 12 %), les Pays-Bas (2 Mt, + 32 %), l’Algérie (1,7 Mt, – 4 %), le Maroc (1,4 Mt, + 28 %) et l’Espagne (1,4 Mt, + 44 %) figurent parmi ses premiers clients.
Pour les orges, les exportations (6,1 Mt) ont crû de 7 % par rapport à la campagne précédente, avec là aussi une croissance de 10 % vers les pays de la zone euro (2,7 Mt) versus 5 % pour les autres destinations (3,4 Mt).
La récolte d’orge devrait totaliser 11,2 Mt en 2022 (- 2 %). France Agri Mer prévoit des exportations en baisse de 8 %, à 5,7 Mt au cours de la campagne 2022-2023, dont 2,8 Mt vers l’UE (+ 5 %) et 2,8 Mt vers les pays tiers (- 18 %).
Étienne Berrier