Selon Ocean Insights, dont les outils de traçabilité sophistiqués suivent les conteneurs maritimes en temps réel, les ruptures dans la supply chain dues à des modifications de navire lors des transbordements ont légèrement diminué en septembre par rapport au mois précédent. Mais le taux de conteneurs restés à quai est encore très élevé dans les principaux hubs par rapport à l'année précédente.
À défaut d’apporter une solution, le baromètre d’Ocean Insights mettra des pourcentages sur la désorganisation actuelle de la supply chain et renseignera de façon plus scientifique sur les ruptures dues à des modifications de navires lors des transbordements.
La chaîne d’approvisionnement mondial est actuellement mise à rude épreuve par l’hyper volatilité de la demande, passée en un temps record du néant à l’abondance. Les compagnies maritimes de la ligne régulière ont été particulièrement réactives en restaurant des services et des tonnages pour synchroniser leur offre avec la demande. Or si les navires ont repris la mer, les conteneurs sont devenus un produit essentiel mais rare si bien que les acheminer en temps voulu précisément là où ils sont nécessaires s’avère un défi logistique.
Qu’ils soient liés à un déficit structurel de conteneurs ou au fait que les infrastructures ne soient tout simplement pas dimensionnées pour des à-coups d’activité, les goulets d'étranglement à terre et à l'extérieur des ports témoignent d’une grande difficulté. Les services sont complètement dégradés en termes de fréquences de départ, de transit time et de prix.
Analyse prédictive
C’est dans cette ambiance de tension générale qu’Ocean Insight sort un baromètre sur les rollovers. La société basée à Rostock est connue pour ses outils de traçabilité du fret maritime qui renseignent en temps réel sur de nombreux paramètres tels que les changements d'horaires, les retards, les frais de détention. En mars, l’entreprise avait mis à disposition un accès gratuit au listing des navires et escales annulées et avait ainsi mis à jour 400 blank sailing annoncés entre mi-mars et fin avril.
Elle s’est cette fois emparée de la masse de données qu’elle brasse pour étudier les conteneurs restés à quai. Selon les analystes, entre 20 % et 30 % des conteneurs transbordés ont subi des rollovers au cours du mois de septembre.
« Les compagnies maritimes ont été surprises par l'augmentation soudaine de la demande de conteneurs suite au déconfinement au début de l'été », explique Josh Brazil, responsable des opérations d’Ocean Insights. « Les schedules souffrent toujours de modifications significatives qui sont exacerbées par le manque d'équipements, l'augmentation des taux et les goulots d'étranglement logistiques dans de nombreux ports. Ainsi, de nombreuses compagnies maritimes modifient leurs schedules, entraînant retards et coûts supplémentaires pour les expéditeurs. » Le responsable ne perçoit pas d’amélioration sensible sur le dernier trimestre « alors que les volumes continuent à augmenter ».
Conteneurs : la pénurie fatale
Partout, le taux de rollover, soit le pourcentage de conteneurs transbordés chargés sur un autre porte-conteneur que celui prévu initialement, est nettement supérieur à son niveau de l’an dernier. À Singapour, il est passé de 33,3 % à 30,2 % entre août et septembre, alors qu'il n'était que de 21,5 % en septembre 2019.
À Hong Kong, la proportion a baissé en septembre (24,6 %) par rapport au mois précédent (32,2 %) mais elle n'était que de 15,3 % à la même période de 2019. En Malaisie, la situation s’améliore à Tanjung Pelepas avec un nombre de conteneurs en déperdition qui a baissé en septembre (22,7 %) mais qui reste de plus de neuf points supérieurs (13,8 %) à celui de l’année dernière. Port Klang est encore plus mal noté avec un taux qui a dépassé les 40 % en septembre. Mais en temps plus « ordinaires », le port malais accuse une faiblesse en la matière.
Dans les principaux ports chinois, Ocean Insights a relevé des tendances très contrastées. À Ningbo-Zhoushan, troisième port mondial pour le trafic de conteneurs en 2019, les taux atteignent 30,1 % en septembre contre 43 % en août. À Shanghai, premier port mondial, les rollovers (25,5 %) sont même meilleurs qu'en septembre 2019 où ils atteignaient 28,9 %. À Qingdao, en revanche, la situation s’est encore détériorée, passant de 13 % à 25,5 % en un an. C’est finalement par Shenzhen qu’il faut passer car les conteneurs semblent subir moins de perturbations (autour de 10 %).
En Corée, Busan, sixième port mondial, est aussi critique avec des niveaux de plus de 30 % et qui continuent de se dégrader. Même situation à Dubai (Jebel Ali Port).
La Chine devient le premier importateur mondial de reefers
CMA CGM à 40 %
Les données analysées par Ocean Insights permettent aussi de calculer la performance mensuelle des principales compagnies maritimes. Le taux de rollover s’est ainsi amélioré pour les principaux transporteurs : celui de MSC est passé de 18,2 % à 16,2 % entre août et septembre. Pour Maersk, il a également baissé de 37,5 % à 32,9 %. La même tendance est enregistrée chez Hapag-Lloyd, de 38,4 % à 34,2 %.
CMA CGM reste à un niveau élevé (40,6 %) mais la situation s’améliore. Cosco et Evergreen se stabilisent autour de 25 %. Seule ONE a connu une tendance inverse avec un taux de rollover de 38,9 % en septembre contre 35,8 % le mois précédent.
Adeline Descamps