Nouveau regain de tensions ce week-end du 25-26 novembre dans l’océan Indien, une semaine après la saisie le 19 novembre par les rebelles houthis du PCTC Galaxy Leader. Le navire est emblématique de ce que les experts du risque maritime craignent : des ciblages dits par erreur compte tenu de l'opacité qui caractérise les différents niveaux d'exploitation d'un navire. En l'occurrence, le porte-voitures est exploité par la compagnie japonaise Nippon Yusen Kaisha (NYK), est géré par la société britannique Ray Car Carriers, dont l'actionnaire est l'armateur israélien Abraham Rami Ungar.
L'Iran a nié son implication dans cet événement qui fait date dans le criblage de navires à la propriété présumée israélienne. Tandis que les États-Unis et le Royaume-Uni exigent la libération immédiate du navire et de son équipage, la résolution de l'affaire pourrait prendre des mois, prévient la société spécialisée dans les risques maritimes, Ambrey Security. « La saisie du navire est davantage liée à des motifs politiques qu'à l'obtention d'une rançon ».
Les frères Ofer, nouvelle cible
Le vendredi 24 novembre, c’est le CMA CGM Symi, un porte-conteneurs de 15 264 EVP affrété auprès d'Eastern Pacific Shipping, qui aurait été touché par un drone iranien dans le nord-est de l'océan Indien, après son départ des Émirats arabes unis. Selon les déclarations d'un porte-parole de la Défense américaine à Reuters, les dommages au navire seraient mineurs et l'attaque n'aurait pas fait de blessés.
Le propriétaire de navires Eastern Pacific Shipping est basé à Singapour mais fait partie des actifs détenus par la famille israélienne Ofer, Idan dirigeant EPS tandis que son frère Eyal Ofer est à la tête de Zodiac Maritime. Les deux sociétés, qui affrétent des navires. font partie du groupe fondé par son père Sammy Ofer en 1950.
Un pétrolier de Zodiac, le Central Park (20 000 tpl), a également été inquiété durant le week-end par les Houthis, avec une tentative de détournement vers Hodeidah. Le patrouilleur américain USS Thomas Hudner, un de ceux qui croisent dans cette région à risques élevés, a conseillé au commandement du navire de poursuivre sa route à pleine vitesse et d'effectuer des manœuvres d'évitement.
Alors que les Houthis auraient abordé le navire au sud-ouest d'Aden le 26 novembre, cinq des pirates ont été appréhendés après avoir tenté de s'enfuir à bord d'un hors-bord. Les membres d’équipage sont sains et saufs.
Ces événements font suite à l’avertissement à la navigation émis le 16 novembre par l'International Maritime Security Construct (IMSC), à la suite d'une série de provocations des rebelles houthis au Yémen.
ZIM détourne ses navires
Dans un communiqué, le transporteur de conteneurs israélien ZIM a pour sa part réaffirmé le maintien de ses opérations, avec les mesures de sécurité qui s’imposent, mais en réorientant certains de ses navires. Il s’engage par ailleurs à continuer d’assurer la desserte des ports de la Méditerranée orientale et d'Israël.
« Les opérations à destination et en provenance de ces ports seront maintenues avec le plus grand respect des protocoles de sécurité ».
Avec le détournement des navires, il faut s'attendre à ce que les temps de transit s’allongent, prévient l’armateur, qui vient par ailleurs de publier un troisième trimestre catastrophique.
Modes d'attaques à faire flamber les coûts d'assurance
Les modes d’attaques (un hélicoptère a été utilisé pour détourner le Galaxy Leader) exposent les navires à des taux d'assurance élevés.
Tout navire, même indirectement lié à Israël ou bénéficiant d'investissements importants de la part d'hommes d'affaires de ce pays, est désormais vulnérable et devra être proposé avec une décote par rapport aux taux de marché en vigueur, a prévenu par ailleurs un courtier en pétroliers.
S&P Global Commodity Insights a évalué le tarif des pétroliers de brut pour l'expédition de 140 000 t du golfe Persique vers le continent britannique à 20,94 $/t le 21 novembre contre 21,52 $/t un jour avant.
Selon la société de conseil Dryad Global, « il est peu probable que le groupe soutenu par l'Iran prenne le risque d'une escalade en ciblant des navires non affiliés à Israël ».
Mais pour la société de gestion des risques Ambrey, les incidents passés suggèrent que certains navires pourraient être ciblés par erreur en raison de leur ancien propriétaire.
Compte tenu des niveaux de propriété intervenant dans l’exploitation d’un navire, qui ont souvent des pavillons, des propriétaires enregistrés, des investisseurs, des financiers et des affréteurs de différents pays, l'identification de la propriété israélienne n'est pas aisée. Ce qui expose aux risques tout navire, qu'il ait ou non un lien avec les pays en guerre.
Adeline Descamps
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