Babord, tribord. New Delhi revoit sa copie. Après avoir décrété une augmentation des taxes à l'exportation en mai, le gouvernement indien entend désormais renforcer sa position sur le marché international du minerai de fer en augmentant ses exportations. La décision printanière n’avait pas aidé les sociétés minières et les sidérurgistes du pays, qui n’ont eu de cesse de déplorer la perte de débouchés à l'étranger. La mesure a même provoqué une offre excédentaire dans le pays.
Les taxes sur le minerai de fer de qualité inférieure et certains produits sidérurgiques intermédiaires ont été totalement levées le 19 novembre (cas des produits dont la teneur en fer est inférieure à 58 %) ou réduites à 30 % pour ceux dont la teneur est supérieure à ce taux, rapporte l’agence de presse indienne PTI
Pour autant, que l'Inde augmente ou réduise les taxes à l'exportation sur le minerai de fer, l’affaire ne semble pas avoir eu d’impact sur les importations chinoises, premier producteur mondial d'acier, indiquent les analystes. Les trois principaux fournisseurs de minerai de fer de la Chine – l'Australie, le Brésil et l'Afrique du Sud –, sont restés inchangés quoi qu’il en soit.
Boycott des produits indiens
En 2021, la Chine avait importé 690 Mt de minerai de fer d'Australie, 237 Mt du Brésil, 40 Mt d'Afrique du Sud et 33 Mt de l’Inde, selon les données du Lange Steel Information Research Center. Au cours des neuf premiers mois de l'année, l'Australie est resté le premier fournisseur avec 540 Mt, devant le Brésil (160 Mt), l'Afrique du Sud (29 Mt) et le Pérou (14 Mt). Mais l’Inde est reléguée au cinquième rang avec seulement 9,89 Mt exportées, soit une baisse de près de 70,2 % sur une base annuelle, selon les données de l’organisme.
En réalité, l’influence indienne ne cesse de décliner depuis 2012, inférieure à 5 % ces dernières années. Les achats chinois auprès de son vaste voisin étaient composés de minerai de fer à faible teneur ou de boulettes mais en raison de la qualité instable du minerai à faible teneur, de nombreuses aciéries rechignent à importer ce type de produits.
Réaction immédiate
Les contrats à terme sur le minerai de fer ont glissé en début de semaine. La recrudescence en Chine des cas de Covid – le pays a annoncé son premier décès depuis des mois et Pékin a comptabilisé 1 438 nouveaux cas ces dernières heures (26 824 au niveau national), contraignant les autorités à fermer les lieux publics et à appeler les employés à travailler de chez eux –, réduit à nouveau les perspectives de la demande.
Les attentes d'une augmentation de l'offre après la décision de l'Inde de supprimer les taxes à l'exportation sur le minerai de fer de qualité inférieure ont également pesé sur le sentiment négatif.
Le minerai de fer de janvier le plus négocié sur le Dalian Commodity Exchange en Chine a ainsi perdu 1,4 % à 735 yuans (102,67 $) la tonne. Á la Bourse de Singapour, le minerai de fer de référence de décembre était en baisse de 3,6 % à 95,1 $ la tonne. Les contrats sur les deux bourses avaient enregistré des gains hebdomadaires pendant trois semaines consécutives depuis la fin octobre, les dernières mesures prises par Pékin pour ragaillardir son économie chancelante ayant donné des gages.
Avec la reprise des approvisionnements indiens, la disponibilité accrue de minerai de fer au niveau mondial pourrait exercer une pression à la baisse sur les prix, peut-on lire dans une note de Guotai Junan Futures, société de courtage dans les contrats à terme.
Adeline Descamps