Les États-Unis ont saisi les cargaisons de quatre tankers transportant du pétrole iranien, réactivant les tensions dans le détroit d'Ormuz, par où transite un quart du pétrole mondial.
Le département américain de la Justice (DOJ) a confirmé le 14 août avoir saisi les cargaisons de quatre tankers transportant du pétrole iranien avec « l'aide de partenaires étrangers ». « Il s’agit de la plus importante opération jamais réalisée par le gouvernement américain concernant du combustible en provenance de l’Iran », a commenté l’administration américaine. Les quatre transporteurs de pétrole, naviguant sous pavillon libérien, sont de propriété grecque : il s’agit des Bella, Bering, Pandi et Luna. La prise porte sur un volume de 1,116 million de barils de pétrole.
D'après des sources citées par le New York Times, les cargaisons ont été transférées sur d'autres navires à proximité du détroit d’Ormuz. Le pétrole confisqué serait désormais en route vers Houston à bord de deux navires. La saisie américaine de biens iraniens en dehors des eaux américaines est un précédent et les observateurs appréhendent une réaction iranienne brutale. Les États-Unis ont déjà intenté à deux reprises une telle action : une fois avec le Grace 1 en juillet 2019 puis en mai concernant le pétrolier Nautic.
Ce nouvel épisode dans les relations conflictuelles entre les États-Unis et un bloc de pays soutenant l’Iran intervient quelques jours après que DOJ a obtenu une ordonnance du tribunal le 7 août pour saisir (à nouveau) le pétrolier Adrian Darya (ex-Grace 1) enregistré sous pavillon iranien. Ce navire avait été au centre d'un incident particulièrement médiatisé l'année dernière. Il avait été arraisonné au large de Gibraltar en juillet 2019 pendant quelques semaines, soupçonné de livrer du brut en Syrie alors que le régime de Bachar Al-Assad, soutenu par Téhéran, fait l'objet de sanctions économiques par l'UE. Il avait été libéré le 15 août par les autorités britanniques mais contre la volonté des États-Unis.
Argumentation juridique
Le gouvernement américain justifie juridiquement ses préemptions en faisant valoir que les transactions de pétrole entre l’Iran et le Venezuela financent les actions de l’IRGC, le corps des Gardiens de la révolution islamique. L’administration de Trump estime que cette organisation paramilitaire de la République islamique d'Iran dépendant directement du chef de l'État iranien est engagée dans « la planification et la perpétration de crimes terroristes contre les États-Unis ». L’administration de trump considère en outre la National Iranian Oil Company (NOIC) comme un « agent » de l'IRGC.
Adrian Darya, ex Grace 1, aurait vendu son pétrole
Tensions à nouveau réarmées
Le DOJ a également commenté ces derniers jours un autre incident, au cours duquel les forces iraniennes sont montées à bord du pétrolier Wila, battant pavillon libérien, près du détroit d'Ormuz. Le ministère affirme que l'incident s'est produit dans les eaux internationales et qu’il s’agit d’une « tentative manifeste de récupérer le pétrole saisi, mais qui a échoué ». Le Wila est actuellement au mouillage au large des Émirats arabes unis.
Selon le système mondial intégré d'information sur les transports maritimes (GISIS) de l'OMI, le navire appartient à une société domiciliée en Grèce, Bandit Shipping Co. La presse spécialisée a établi des liens entre ce navire et les Pandi et Bering, partageant en fait la même adresse de domiciliation à Athènes, en Grèce.
Ce climat ne fait que raviver les tensions entre les États-Unis et l'Iran, déjà fortes depuis que l’administration américaine a dénoncé, le 8 mai 2018, l’accord multilatéral conclu en 2015 entre l’Iran et le groupe 5+1 (Allemagne, Chine, États-Unis, France, Royaume-Uni et Russie). Entré en vigueur début 2016, le JCPOA (Joint Comprehensive Plan of Action) avait clôturé un historique contentieux sur le nucléaire et devait garantir le caractère civil du programme nucléaire iranien en soumettant le pays à un strict contrôle de ses activités en contrepartie de la levée partielle et progressive des sanctions économiques internationales.
Retirée de ce pacte historique, la Maison-Blanche interdit à toute entreprise traitant avec Téhéran de faire du business aux États-Unis. Le couperet s’applique aux opérations portuaires, au transport maritime, à la construction navale et au négoce de pétrole depuis novembre 2018.
Retour des sanctions commerciales, quels impacts sur le transport maritime ?
Poussée des affrètements
La société de sécurité Dryad Global a émis vendredi 14 août une alerte concernant les risques accrus pour tous les navires transitant dans le golfe Persique, le détroit d'Ormuz et le golfe d'Oman. Comme à chaque poussée de fièvre, les primes de risques ont tendance à s’enflammer. Des tensions similaires à l’été 2019 s’étaient matérialisées par une diminution des exportations en provenance du golfe arabo-persique mais une hausse de celles de l'Afrique de l'Ouest, de la Norvège, du Brésil et des États-Unis, profitant au transport maritime de longue distance car ces régions sont beaucoup plus éloignées de la Chine (la demande des pétroliers n'est pas mesurée en volume, mais en tonnes-km : le volume multiplié par la distance).
La rédaction