Après de fortes baisses au premier semestre 2020, les constructeurs navals coréens ont redoublé d’activité au second semestre, avec d'importantes commandes tombées du ciel en fin d'année. DSME fait néanmoins état d’une annulation significative pour défaillance de l’armateur.
Bien avant que n’émerge la pandémie, qui a perturbé les commandes et les livraisons, le secteur de la construction navale était déjà confronté à un environnement difficile, caractérisé par une concurrence féroce entre les premiers acteurs mondiaux et par une baisse des commandes. Le carnet de commandes des vraquiers, des pétroliers et des porte-conteneurs est en effet en baisse depuis 2017 (exceptés les vraquiers, qui ont augmenté en 2019). Selon le coutier Barry Rogliano Salles, l'écart croissant entre les prix et les revenus des navires, l'instabilité géopolitique, les difficultés de financement persistantes et la grande incertitude quant aux choix de combustibles et de technologies pour se conformer aux futurs réglementations environnementales ont rendu ces dernières années les armateurs attentistes.
Trois pays règnent sur la construction navale, représentant peu ou prou 90 % des livraisons de nouvelles constructions. La Chine est le premier constructeur de vraquiers (56,2 %), de navires offshore (58 %) et de cargos (34,6 %) ; la République de Corée, de transporteurs de gaz (62,8 %), de pétroliers (59,4 %) et de porte-conteneurs (41,7 %) ; et le Japon, de chimiquiers (54,1 %).
Première place préservée
Par rapport à 2019, la part de marché de la République de Corée a augmenté de 7,7 % en 2020, tandis que celle de la Chine a diminué de 5,1 %. Les nouvelles constructions de vraquiers et de pétroliers ont enregistré les plus fortes augmentations (7,8 et 5,2 %, respectivement), tandis que les porte-conteneurs et les transporteurs de gaz ont accusé les plus fortes baisses (respectivement -2 et -3,2 %).
Selon des données de Clarkson Research, les constructeurs navals sud-coréens auraient conservé leur première place mondiale en 2020 en termes de volumes de commandes pour la troisième année consécutive. Les chantiers coréens ont dépassé les chantiers chinois en enregistrant 60 % des commandes mondiales entre juillet et novembre. Au cours des deux derniers mois, ils ont enregistré de nouveaux contrats pour 85 navires dont la valeur est estimée à plus de 11 Md$.
DSME a notamment été crédité, in extremis à quelques jours de la fin de 2020, de la commande par Hapag-Lloyd de six géants de plus de 23 000 EVP au GNL. Le constructeur sud-coréen a en revanche déclaré l’annulation d’un contrat portant sur six porte-conteneurs d’une valeur de 820 M$ pour défaillance de l'armateur, dont l’identité n’a pas été révélée. Il n’a pas été précisé s'il s'agissait d'un défaut de paiement d'avances, de garantie de financement ou d'autres actions que le propriétaire du navire n'aurait pas menées à bien. Malgré cette annulation, DSME a déclaré avoir remporté des commandes d'une valeur de 4,06 Md$ en 2020, mais il n’atteint pour autant que 56 % de son objectif annuel.
Début décembre, le DSME s’est vu confier trois transporteurs de pétrole brut par la compagnie pétrolière publique d'Abu Dhabi. Une lettre d'intention a également été signée pour la construction de 10 VLCC au GNL pour un client européen.
Consolidation accrue
Le projet de fusion entre les deux géants de la construction navale sud-coréenne DSME et HHI n’est pas étranger à la situation déprimée de ces dernières années. Cherchant à minimiser les coûts et les pertes et à restructurer ses activités pour améliorer son bilan, le plus grand constructeur naval mondial Hyundai Heavy Industries a signé en mars 2020 un accord formel avec la Banque de développement de la République de Corée, gérée par l'État, pour acheter DSME. La fusion vient d’obtenir le feu vert des autorités antitrust en Chine. Elle doit encore l’être par l’UE, le Japon, la République de Corée elle-même tandis que Singapour et Kazakhstan ont déjà validé. L'Union européenne et le Japon ont fait part de leurs inquiétudes quant au risque de réduction de la concurrence sur les marchés de la construction navale des grands porte-conteneurs, des pétroliers, des transporteurs de GNL ou de GPL. Les premiers ont déjà perdu des batailles dans ce secteur. Le leadership des seconds a été sérieusement écorné par la montée en puissance du voisin chinoise et l’assise coréenne.
La Chine a déjà entamé le processus de consolidation de son secteur. Les deux groupes de construction navale gérés par l'État – CSIC et CSSC – ont été fusionnés. Au Japon, l’alliance entre le leader de la construction navale japonaise Imanbari et le groupe coté en bourse Japan Marine United (JMU) a ralenti du fait de la crise mais il doit faire émerger un géant à la tête de quinze chantiers exclusivement implantés au Japon.
Adeline Descamps