Les 25 M$ de frais de transport auront été fatals à un détaillant américain

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Bed Bath & Beyond

Bed Bath & Beyond s'est placé sous la protection de la loi américaine sur les faillites fin avril, menaçant ses 475 magasins. Les taux de fret n'y sont pas étrangers.

Crédit photo @Raysonho
Bed Bath & Beyond s'est placé sous la protection de la loi sur les faillites fin avril. Le détaillant américain accumulait les difficultés depuis 2018 mais les taux de fret, les surcharges PSS et les surestaries auront précipité sa chute. La société attaque OOCL et Yang Ming.

Bed Bath & Beyond s'est placé sous la protection de la loi américaine sur les faillites fin avril, menaçant ses 475 magasins. L'entreprise, qui considère que ses difficultés ne sont pas sans lien avec les perturbations de la chaîne d'approvisionnement, a porté plainte devant la Commission maritime fédérale (FMC) et réclame 31,7 M$ à OOCL, la compagnie sœur de Cosco.

La réforme de l’Ocean Shipping Act (OSRA), la nouvelle législation américaine sur le transport maritime promulguée en juin 2022, lui en donne le droit, en permettant entre autres aux importateurs et exportateurs de requérir plus facilement contre les transporteurs.

Reprenant une idée couramment admise chez les grossistes et distributeurs outre-Atlantique, dont les volumes constituent une grande partie des volumes transportés entre l’Asie et les États-Unis, Bed Bath & Beyond soutient qu'OOCL à « alloué des capacités à d'autres chargeurs » sur le marché spot où les taux étaient parfois deux à trois plus élevés que sur le contractuel pour « maximiser ses profits », à son détriment.

25 M$ de frais de transport

Les faits remontent à des contrats signés avec la compagnie de Hong Kong durant deux périodes, du 1er juillet 2020 au 30 juin 2021 et du 1er mai 2021 au 30 avril.

La plainte porte sur un non-respect des volumes assignés dans le contrat si bien que l’entreprise a été contrainte de pallier les défaillances en se fournissant sur le spot à prix très élevés ou à payer des primes dispendieuses.

Dans le contrat 2020-2021, elle avait signé pour 2 100 conteneurs de quarante pieds. Selon ses calculs, OOCL n'en a transporté que 1 475.

Pour celui de 2021-2022, OOCL n'aurait fourni que 53 % de l'espace contractuel prévu par le contrat.

In fine, le distributeur de DPH (droguerie, parfumerie, hygiène) estime son préjudice à 9,4 M$ la première année de son contrat : 7,1 M$ de coûts en sus des taux contractuels et 2,2 M$ supplémentaires sur le marché au comptant pour couvrir les insuffisances de capacités.

L'année suivante, le détaillant déclare avoir payé 6,6 M$ de surcoûts et dépensé 9,4 M$ sur le marché au comptant. Soit au total plus de 25 M$ en frais de transport.

13 M$ de frais PSS

Alors qu’elle était contractualisée, l’entreprise indique par ailleurs avoir été imposé par des surcharges de haute saison (PSS), pour « avoir une chance raisonnable de voir son fret transporté ». Les PSS imposées par OOCL ont pu atteindre 5 800 $ par conteneur de 40 pieds, fait valoir la société cotée au Nasdaq-100.

Près de 13 M$ de frais PSS lui auraient ainsi été facturés par OOCL.

Près de 7 M$ en surestaries et détention

Enfin, la société a réglé 1,5 M$ en surestaries et 4,9 M$ pour des conteneurs immobilisés qu'il lui était impossible de récupérer.

Ce point est une autre des avancées de la réforme de la loi américaine régissant le transport maritime. Nombreux sont les chargeurs qui se sont plaints des frais de détention alors que les boîtes étaient bloquées dans les terminaux en raison des restrictions sanitaires ou de pénurie de chauffeurs.

La charge de la preuve a ainsi été transférée des clients aux compagnies maritimes. Les transporteurs doivent désormais motiver les raisons pour lesquelles les clients n’ont pas retourné les conteneurs à temps, par exemple.

Yang Ming également assignée

Selon un document déposé auprès du tribunal de New York, la société taïwanaise Yang Ming est également assignée par le détaillant qui requiert près de 8 M€ de réparations dans le cadre d’un engagement signé pour la période mai 2021-fin avril 2022. La compagnie a répondu par une demande de jugement déclaratoire

Grave perturbation à un moment critique

Le cas de Bed Bath & Beyond est un cas d'école. Au début de l'année 2020, l'entreprise exploitait près de 1 000 magasins en propre et 1 500 en détail. En 2022, face à des coûts croissants, à un manque de stocks et à une baisse des ventes, elle n'en avait plus que 360 à sa marque et 120 pour le compte d'autres chaînes.

Dans sa déclaration au titre du chapitre 11, le responsable de la restructuration cite l’impact négatif des fermetures de boutiques mais aussi une rupture dans sa stratégie de distribution (passage de grandes marques aux MDD), sous l’impulsion d’un changement de direction, qui supposait un approvisionnement au cordeau.

Coup de ciseau, les perturbations du transport maritime ont retardé l'arrivée des nouveaux produits et l’entreprise s’est retrouvée avec des stocks défaillants à la période cruciale des fêtes de fin d'année 2021 où se réalise une grande partie du chiffre d’affaires de l'année.

Le manque à gagner dans les ventes, faute de stocks, est estimé à 175 M$ pour les deux derniers trimestres de 2021.

En 2022, ses difficultés se sont exacerbées car « elle ne disposait pas de la flexibilité financière nécessaire pour reconstituer ses stocks en raison de la détérioration persistante des liquidités et du resserrement du crédit fournisseur ».

En fin d'année dernière, sa dette s'élevait à 5,2 Md$ tandis que les stocks de ses magasins étaient épuisés à près de 35 %.

175 plaintes de chargeurs

En décembre, la Federal Maritime Commission, dont le budget a été doublé et les pouvoirs accrus pour agir juridiquement contre les pratiques commerciales jugées déloyales, avait reçu 175 plaintes de chargeurs, concernent majoritairement les frais facturés par les transporteurs au titre des surestaries et frais de détention.

« La barre du million de dollars de frais annulés ou remboursés a été franchie le 1er mai, un peu plus de 10 mois après l'entrée en vigueur de la loi OSRA », a fait valoir la FMC dans le cadre d’une actualisation de ses actions.

Pas moins de 191 enquêtes ont été effectuées au cours de l'exercice 2022, la grande majorité concentrée sur les transporteurs maritimes et les opérateurs de terminaux maritimes. En outre, plus de 3 M$ de pénalités civiles ont été collectés par le FMC depuis 2021.

Lutte contre les positions dominantes

Durant la pandémie, les chargeurs ont trouvé un allié de circonstance avec l’arrivée au pouvoir du président démocrate Joe Biden qui s’est lancé, à peine élu, dans une véritable traque aux positions dominantes dans tous les pans de l’économie américaine, estimant que le transport maritime « oligopolistique » entrait dans ce cadre et suggérant une certaine forme d’entente commerciale sur les taux de fret et établissant un lien avec la flambée des prix à la consommation.

L’une des affaires les plus retentissantes de cette période reste le différend commercial, dès l'été 2021, entre MSC et MCS industries, un importateur américain de meubles.

Le chargeur de Pennsylvanie a, lui, mis l'accent sur les surcoûts générés par le refus du service qui l’a contraint à opter pour un contrat de long terme au prix fort. 

Cosco a réglé à l’amiable cette affaire. Mais MSC a toujours plaidé contre.

Adeline Descamps

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