En 2020, la « résilience » avait colonisé le champ lexical ad nauseam. En 2022, la « sobriété » est entrée dans la grammaire des affaires ex cathedra. À la faveur d’un risque de ruptures d’approvisionnement en gaz. Il aura fallu ce énième coup du sort après la flambée des prix des matières premières, l’envolée des coûts de transport, et des pénuries généralisées en raison des perturbations à tous les échelons de la chaîne d’approvisionnement mondial pour que l’économie de la ressource se planifie.
La ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, accompagné du ministre titulaire, rencontrent actuellement les fédérations professionnelles les unes après les autres pour lancer des concertations sur la nécessaire frugalité énergétique en vue une réduction de 10 % d'ici deux ans.
C’était le cas le 6 septembre pour les représentants du secteur des transports, réunis à l’hôtel de Roquelaure, siège du ministère de l'Écologie, du Développement durable, des Transports et de l'Equipement. Y étaient conviés les sociétés concessionnaires d’autoroutes, les grands ports maritimes, Voies Navigables de France (VNF), les opérateurs de transports collectifs et ferroviaires comme l’union des transports publics, la SNCF, la RATP, la Société du Grand Paris, Keolis et Transdev ou encore l’Union des aéroports français, les Aéroports de Paris et Air France. Ainsi que quelques ONG, notamment RTE et l’ONG Transport et Environnement, connu pour ses études mordantes. Agnès Pannier-Runacher était accompagnée par le ministre délégué chargé des Transports, Clément Beaune.
Pas de rationnement
La veille, le président de la République avait, à l’issue d’un entretien par visioconférence avec le chancelier allemand Olaf Scholz, exhorté les Français, à « être au rendez-vous de la sobriété » afin d’éviter les rationnements de gaz et d’électricité alors qu’un hiver sans gaz russe se profile. Le géant russe de l’énergie Gazprom vient d’annoncer la prolongation de l’arrêt total du gazoduc Nord Stream, entre la Russie et l’Allemagne, après avoir suspendu ses livraisons à l’opérateur français Engie.
« La meilleure énergie est celle qu’on ne consomme pas », a rappelé Emmanuel Macron, reprenant à son compte le mantra des adeptes de la parcimonie et des anti-gaspis. « Si nous savons collectivement nous comporter de manière plus sobre et faire des économies d’énergie partout, alors il n’y aura pas de rationnement et il n’y aura pas de coupures », a garanti le chef de l’État.
La réduction de services, option exclue
Dans le transport, secteur énergivore et premier émetteur de gaz à effet de serre, la sobriété ne doit pas entraîner de réduction du service, a fléché Clément Beaune . « La sobriété, ça n'est pas moins de transport et moins de mobilité. La réduction d'activité n'est pas un scénario que nous demandons au secteur des transports », a-t-il insisté auprès des dirigeants. « Ce qu'on attend de vous, c'est que chacun dans votre périmètre, vous alliez chercher ce qui est le plus efficace », a appuyé Agnès Pannier-Runacher.
Outre les mesures générales qui touchent tous les pans de l’économie nationale – meilleure régulation du chauffage et de la climatisation dans les bâtiments, rénovation énergétique, diminution de l’éclairage et des publicités lumineuses (gares et stations), accélération des chantiers de rénovation énergétique, incitation aux modes doux et propres (vélo, covoiturage, autopartage) –, d’autres pistes ont été esquissées
Pour les ports métropolitains et VNF, elles concernent notamment la réduction de la consommation des écluses ou des dragues, avec une réduction des vitesses et une évolution de la motorisation. Pour les ports d’outre-mer, une réduction de la consommation des conteneurs réfrigérés (reefers) et des entrepôts frigorifiques a été proposée.
Du côté aérien, plusieurs mesures spécifiques sont en cours de déploiement, assurent les ministres, notamment « une gestion optimisée de la consommation énergétique des aérogares, des procédures au sol et en vol limitant la consommation de kérosène, des avions avec des moteurs moins consommateurs en kérosène ».
L’ensemble des propositions doivent être ficélées d’ici la fin de l’année. À l’issue de la rencontre, les représentants ont aussi économisé leurs paroles.
Adeline Descamps