Elle avait fait beaucoup de bruit, la petite monarchie du Golfe, lorsqu’elle avait annoncé sa méga commande de 100 méthaniers (151 avec les options) à livrer d'ici 2027 après avoir entretenu un suspens de près de deux ans, émaillés de nombreuses visites VIP et en grande délégation sur les sites des chantiers candidats. Depuis, elle administre ses commandes à la pipette.
L’investissement de 20 Md$ doit étoffer et moderniser la flotte de Qatar Energy dans les cinq ans en prévision d’une hausse de 43 % de la production de GNL du pays. Le Qatar entend porter sa capacité de 77 à 126 Mt/j d’ici 2027.
Les premiers navires seront exploités pour le transport de GNL extrait du champ gazier offshore North Field que le pays du Golfe partage avec l'Iran. Mais la compagnie pétrolière et gazière du pays anticipe aussi sur les besoins de transport d'Ocean LNG, une coentreprise que Qatar Pétroleum détient avec ExxonMobil (30 %), créée spécifiquement pour le projet Golden Pass LNG dans l’État du Texas aux États-Unis. D’une capacité de production de 16 Mt/an avec trois trains de liquéfaction, la mise en service de ce dernier est prévue en 2024.
Contre toute attente, alors qu’ils avaient jusqu’alors construit tous les méthaniers commandés par le Qatar de 2004 à 2007, les chantiers sud-coréens (Hyundai Heavy Industries, DSME et Samsung Heavy Industries), maîtres mondiaux du segment, doivent cette fois partager le butin avec les industriels chinois.
Hudong-Zhonghua a ainsi scellé grâce au Qatar sa plus grande affaire jamais signée avec une société étrangère. Seul chantier capable de délivrer des méthaniers de grande taille, la filiale de CSSC, qui a son siège à Pudong (Shanghai), en a déjà construit une vingtaine. l’ex-Qatar Petroleum, lqui a changé d’identité pour faire disparaître la mention au pétrole, avait signé en octobre 2021 avec le chinois un premier contrat de 770 M$ pour les quatre premiers méthaniers du vaste programme de construction, dont l’exploitation a été confiée à MOL.
Au tour des Sud-coréens
Les constructeurs navals sud-coréens viennent à leur tour de recevoir les premières allocations. DSME est la première des trois géants de la construction navale mondiale (avec HHI et Samsung Heavy Industries) à être gratifiée dans le cadre de l'accord de réservation préalable conclu avec le Qatar en 2020. L’entreprise avait livré 26 des 53 méthaniers construits dans le cadre du précédent programme de Qatar Energy.
Selon les termes du nouvel accord, le chantier naval d'Okpo construira quatre méthaniers d'une capacité de 174 000 m3 chacun. Les navires seront équipés d'un moteur de propulsion basse pression à double carburant (ME-GA) et d'une installation de reliquéfaction. Le contrat, d'une valeur de 850 M$, prévoit une livraison d'ici le premier trimestre de 2025. Qatar Energy a confié l’expoloitation à un consortium coréen, composé de H-Line Shipping, Pan Ocean et de SK Shipping.
Faut-il associer Qatar Energy à la mention dans un document réglementaire de KSOE, la maison-mère de Hyundai Heavy Industries, Hyundai Mipo Dockyard et Hyundai Vinashin, d’un contrat d'une valeur de près de 430 M$ pour la construction de deux méthaniers de 174 000 m3 à livrer au cours du premier semestre de 2025 ? Les médias sud-coréens s’y autorisent.
Adeline Descamps