La Fédération nationale des agents maritimes Federagenti et l'Association des agents et courtiers de la région Vénétie réagissent vivement à l'annonce du ministre de la Culture italien, Alberto Bonisoli, évoquant l'interdiction des grands navires de croisière dans la lagune de Venise.
"Venise condamnée à mort". C'est la formule choc empruntée par la Fédération nationale des agents maritimes Federagenti et l'Association des agents et courtiers de la région Vénétie pour s'indigner dans un communiqué de presse des annonces de "deux ministres italiens prêts à condamner la fermeture du port de Venise", qualifiés de "jeunes désireux d'utiliser une propagande facille".
Alessandro Santi et Gian Enzo Duci, respectivement présidents de l'Association des agents maritimes de Vénétie et de la Fédération nationale Federagenti, font référence à une expression sur Facebook du ministre de la Culture, Alberto Bonisoli, manifestement soutenu par le ministre italien des Transports, Danilo Toninelli, sur l'interdiction des grands navires de croisière dans la lagune de Venise.
"Venise est unique, une ville d'une valeur inestimable, un patrimoine pour toute l'humanité qui mérite d'être défendu et protégé afin de pouvoir le transmettre intact aux générations futures", explique le ministre de la Culture italien. "Je me demande si certains choix faits dans le passé sont conformes à ce principe, tout comme je me demande s'il existe aujourd'hui un juste équilibre entre les besoins économiques et la nécessité de protéger ce trésor merveilleux mais fragile. Le passage de grands paquebots de croisière à proximité de monuments de grand prestige historique et artistique est une des questions qui doivent enfin être traitées pour améliorer la protection de Venise."
Il annonce ainsi dans son post l'entame d'un processus de mise sous "protection historique des voies navigables urbaines, et en particulier du canal de la Giudecca" (Sud de Venise), "où passent aujourd'hui des navires de grande dimension" (voie de passage des pétroliers et porte-conteneurs, Ndlr), précisant que cette décision permettra, de concert avec les autres ministères concernés, Infrastructures et Transports, Environnement et Protection de la terre et de la mer, "une nouvelle phase de gestion des voies navigables vénitiennes pour une protection plus efficace de la ville entière et dans le respect de l'environnement et du patrimoine".
Pour les organismes professionnels, cette décision, qui revient à fermer la ville de Venise aux navires de croisières, menace 18 000 emplois et hypothèque 1,1 Md€ de retombées directes et indirectes sur l'aire métropolitaine. "Le gouvernement italien est prêt à condamner à mort à la fois le port, principale valeur économique de toute la région, et la 8e ville italienne".
Depuis des années, rappellent-ils, "les agents maritimes sont engagés en première ligne, avec des études, des recherches, des analyses, toujours partagées avec toutes les institutions publiques et privées, pour démontrer la compatibilité des activités portuaires avec la protection non seulement de Venise mais aussi de sa lagune. Nous avons toujours été ouverts au dialogue et nous continuerons à le faire. Mais sur de telles affirmations, nous ne pouvons qu'exprimer une opposition ferme et réfléchie, pour protéger les activités productives, les emplois et notre histoire commune".
Décision oblique
Pour trouver des solutions à la problématique récurrente qui accroît la pression touristique (30 millions de visiteurs par an pour 50 000 habitants), le précédent gouvernement avait, de concert avec les compagnies de la croisière, décidé d'un certain nombre de mesures. Il était notamment question de construire un nouveau terminal dédié aux croisiéristes à Marghera, sans les faire transiter par le coeur de ville mais précisément par le canal de la Giudecca. La mesure devait être effective début 2019. Aussi, un plan de réduction du transit de géants de la mer à proximité de la place Saint-Marc avait été introduit en 2012 via un décret ministériel limitant le passage des navires de plus de 40 000 tonnes. Ce dispositif était toutefois plus ou moins inutile puisqu’il introduisait une dérogation pour les paquebots de moins de 96 000 t jusqu’à ce qu’un parcours alternatif ait été mis en place.
Aussi, depuis le 1er juillet prochain, plus anecdotique, le passage des grands navires de plus de 40 000 t dans la lagune de Venise est filtré par un algorithme. L’entrée en vigueur de ce nouveau dispositif, inscrit dans l’accord Venice Blue Flag, doit réduire l’impact environnemental sur l’écosystème lacustre mais aussi limiter les risques de fragilisation des fondations du patrimoine immobilier situé à quelques mètres de la lagune, comme la place Saint-Marc. Selon les experts qui ont mis au point le modèle mathématique, cette formule devrait permettre de réduire de 10 à 15 % le nombre de paquebots transitant dans la lagune.
--- Adeline Descamps ---