Le secteur du recyclage touche le fond en cette fin d’année. Il est léthargique depuis plusieurs semaines. Les transactions se font de plus en plus rares et les ventes s’espacent.
Les prix ont chuté d'environ 200 $ la tonne sur les marchés du sous-continent indien (Bangladesh, Pakistan, Inde) où se démantèlent la quasi-totalité des navires. Ils atteignaient plus de 700 $ au début de l'année. Le secteur est par ailleurs en proie à une extrême volatilité au cours des deux derniers trimestres.
« Sans véritable impulsion, agressivité ou même volonté apparente d'engager des discussions d'achat, confirme GMS, le premier acheteur mondial de navires au comptant. Á titre d'exemple, la chute des prix se matérialise par une perte de valeur de 4 M$ sur un capesize, explique-t-il.
Une poignée de transactions
Compte tenu de la versatilité des marchés, le moindre frémissement ne peut donc pas être interprété comme le signe d’une amélioration durable. « Alors que nous entrons dans la période de l'Avent, il est encourageant de voir les prix de l'acier rebondir en Inde, qui offre désormais de meilleures conditions d’achats que ses homologues du Bangladesh et du Pakistan. Mais en raison de la volatilité, on ne peut pas dire s'il s'agit d'un gain à court terme ou s'il se poursuivra pendant la période des fêtes et jusqu'au Nouvel An », explique le courtier Clarkson Platou Hellas, pour lequel aucun facteur ne parvient pas à justifier cet ultime sursaut de fin d’année.
Cette instabilité n’aide pas le marché, les acheteurs adoptant une position attentiste « pour observer comment se comportent les marchés ». Il y a toutefois plus d’unités en négociations, reconnaît le courtier, « ce qui pourrait bien être le fait de propriétaires de navires qui cherchent à estimer la valeur des navires les plus âges de leur flotte ».
« Le recyclage des navires est resté stagnant une semaine de plus, avec seulement une poignée de transactions. Compte tenu de cette tendance persistante, un changement significatif est peu probable du moins pour le reste de l'année », confirme de son côté le courtier Allied dans une de ses récentes notes. Et plus pessimiste, « sortir de cet état s'avère apparemment encore plus difficile dans les prochains mois. »
Stabilité problématique des devises
Ce marché, où « la stabilité des devises est désespérément nécessaire », cumule un certain nombre de sparadraps à commencer par des difficultés de financement auxquelles font face les acheteurs bangladais et pakistanais dans l’incapacité d’ouvrir des lettres de crédit.
« Il est question que la pénurie de dollars américains au Bangladesh s'atténue une fois que le pays aura accepté un prêt du FMI, mais il est peu probable que nous soyons informés à ce sujet avant le début de l'année prochaine, au mieux. De ce fait, Chattogram est hors-jeu pour le reste de cette année. Après l'effondrement de la monnaie et la chute du gouvernement, le Pakistan n'a pas encore trouvé ses marques et la plupart des acheteurs finaux sont extrêmement hésitants et réticents dans leurs offres », détaille GMS.
Fin d’année sur le registre de la morosité
L’inde, où sont perceptibles de légers signe de reprise (non sans liens avec la réduction des droits d'exportation sur les produits sidérurgiques), semble être la destination la plus stable du sous-continent. « Mais l'absence de concurrence féroce laisse une grande marge de manœuvre pour maintenir les prix proposés à un niveau bas pour le moment », nuance Allied.
La fin de l'année risque donc d'être morose et discrète. L’année 2021 avait été une année atypique voire paradoxale. Les chantiers manquaient de tonnages alors que les conditions étaient plus que favorables à la mise au rebut compte tenu des prix élevés de l’acier (autour de 500 $ la tonne, quels que soient le marché et la destination).
Dans certains segments du transport maritime, les vieilles unités, pour lesquelles les propriétaires n’étaient pourtant pas disposés à supporter le coût de la mise en cale, auraient fait d’excellents candidats. À commencer par les pétroliers, dont les revenus quotidiens ont été égaux ou inférieurs au seuil de rentabilité et aux coûts d'exploitation. Quant aux porte-conteneurs et aux vraquiers, ils étaient portés par une telle dynamique que les propriétaires se refusaient à condamner leurs vieilles unités, précieuses en temps de pénurie.
Adeline Descamps