En mars, le cinquième transporteur maritime mondial de conteneurs annonçait l’acquisition de son homologue néerlandais NileDutch, particulièrement bien implanté en Afrique de l’Ouest et subsaharienne. En juillet, Hapag-Lloyd obtenait le feu vert des autorités de réglementation. En octobre, il annonce l’effacement progressif de la marque. La compagnie allemande a la régularité d’un métronome dans ses annonces. « Une étape importante de l’intégration de Hapag-Lloyd et de NileDutch est franchie : le voyage est terminé. Après l'acquisition réussie de NileDutch cette année, nous entrons dans une étape importante : la migration vers Hapag-Lloyd ».
En d’autres termes, à compter de ce jour, les connaissements de NileDutch disparaissent tout comme ses produits. Si la marque perdurera un certain temps, elle est appelée à disparaître progressivement. La fin de « l’intégration » est prévue d'ici la fin de l'année. Le marquage des navires sera clarifié ensuite. Mais les précédents, avec le chilien CSAV et la moyen-orientale UASC, donnent une indication.
Dans la ligne régulière, la stratégie multimarques ne semble pas être une option. Dans le cadre de son remaniement à grande échelle annoncé l’an dernier, Maersk avait indiqué que l’ex-armateur belge Safmarine allait être absorbé définitivement pour rejoindre la division Ocean, qui loge Aliança (ancienne marque de Hamburg Süd) et SeaLand. La disparition de Hamburg Süd est régulièrement chroniquée mais elle résiste à la fusion totale.
Chez CMA CGM, la spécialiste transpacifique APL, qui faisait partie de la corbeille de la mariée lorsque la française a pris le contrôle en 2016 du groupe singapourien Nol, a disparu des grandes lignes après une existence de 170 ans pour se concentrer sur un transport de niche (prestations de transport pour le gouvernement américain). Ainsi le troisième groupe mondial de la ligne conteneurisée, au nom d’une stratégie de « transporteur global » auquel il aspire, surplombe-t-il une galaxie de marques : ANL pour la desserte de l’ Océanie ; CNC en tant que spécialiste du marché intra-asiatique ; Mercosul Lines comme expert du cabotage au Brésil...
Cosco, qui a acquis OOCL il y a deux ans et dont il n’a pas lieu de se plaindre car elle tire ses résultats financiers vers le haut, a été bien inspiré de la préserver. Pour l’instant.
Réaffectation des services
NileDutch vient donc d’effectuer ou est en train de solder ses dernières rotations sur les quatre grandes lignes que la néerlandaise assuraient. Sur le service Asie-Afrique de l'Ouest (FA1), opéré par NileDutch conjointement avec Maersk, CMA CGM, Cosco et PIL, l’ultime traversée (vers l’Est) a été effectuée le 10 octobre au départ de Pointe Noire. Le premier départ de Hapag aura lieu le 17 octobre. Le dernier service vers l’Ouest est prévu le 17 octobre au départ de Qingdao, relayé par Hapag-Lloyd le 24 octobre sous la marque AWA (Asia West Africa Service)
Dans le cadre du EA1 (Europe de l'Ouest-Afrique de l'Ouest) et qui va devenir WWA, la rotation de NileDutch/CMA CGM est fermée à compter du 15 octobre au départ d’Anvers. Le transporteur allemand reprendra la main le 22. Dans l’autre sens, au départ de Pointe Noire, cela en sera fini le 23 novembre et Hapag-Lloyd y suppléera le 2 décembre.
Pour le West Europe-West Africa EA2, proposé par NileDutch grâce à des créneaux sur le service WAX de Hapag-Lloyd et Arkas, c’est fini. De même pour le SA1 (Amérique du Sud-Afrique), exploité par NileDutch avec Hapag-Lloyd.
Enfin, les EE1 et EE2 de NileDutch, qui couvrent la Méditerranée orientale grâce à des créneaux horaires et/ou des accords avec des transporteurs en correspondance, seront désormais commercialisés sous EMX et EME.
Réputation solide
En mettant la main sur NileDutch, le numéro 5 du transport maritime de conteneurs (1,78 MEVP, 7,2 % de la capacité conteneurisée mondiale) s’est doté d’une capacité supplémentaire d’environ 35 000 EVP (avec des navires dont la taille varie entre 600 et 8 000 EVP), d’un parc de conteneurs de 80 000 EVP et d’une spécialisation sur les trafics conteneurisés entre l’Europe et l’Afrique de l’Ouest.
La compagnie est implantée en Afrique depuis 1984 et y bénéficie d’une solide réputation bien qu’elle devait exister face à des géants. Progressivement, la mise à l’échelle des ports de la côte ouest-africaine et l’introduction de grands navires ont favorisé la prééminence des grands carriers et chassé des grandes lignes les indépendants, de plus en plus cantonnés à des trafics ciblés ou des niches spécifiques. Neanmoins, la petite néerlandaise a réussi à préserver son précarré en collaborant avec les leaders mondiaux. Mais sa flotte s’en est trouvée atrophiée. En 2016, elle devait vendu ses derniers navires en propriété, y compris une série de quatre navires neufs de 3 500 EVP livrés en 2014-15.
Maersk, MSC et CMA CGM, leaders africains
Selon les données de la Fondation Sefacil, centre de ressources sur l’Afrique maritime et portuaire, Maersk, MSC et CMA CGM détiendraient environ 70 % des capacités déployées en Afrique de l’ouest et du centre et 75 % en Afrique de l’est et du sud.
Onze services en ligne direct entre l'Europe du Nord (zone Allemagne-Portugal) et l'Afrique de l'Ouest acceptent aujourd’hui les conteneurs, indique le consultant Dynamar. C'est MSC qui détiendrait la plus grande capacité devant le duo CMA CGM/NileDutch.
En outre, six services de ligne sont opérés entre la Méditerranée et l'Afrique de l'Ouest. Ils totalisent 433 000 EVP. Là aussi, MSC offre la plus importante capacité, selon le consultant néerlandais.
En Afrique de l’ouest, Hapag-Lloyd émerge derrière PIL et devant Cosco mais ne figure pas parmi les six premiers en Afrique de l’est et du sud en termes de capacités déployées.
Adeline Descamps