La Baltique désertée par les services

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Les quatre plus grands opérateurs européens de la ligne régulière – MSC, Maersk Group, CMA CGM et Hapag-Lloyd –, ainsi que les principaux exploitants de feeders en Europe du Nord, ont commencé à suspendre les services sur la Baltique ou à réduire considérablement leur capacité à destination et en provenance de la Russie. Dilemme balte : que faire de Saint-Pétersbourg ?

La capacité moyenne en service entre l'Asie et la côte Est des États-Unis était estimée à 9 390 EVP en 2020 et 2021. Elle a chuté de 7 % pour s’établir à 8 699 EVP sur la période janvier-juin 2022 selon les données d'eeSea. Le phénomène transatlantique pourrait encore s’accentuer. La plupart des transporteurs ont suspendu leurs services à destination et en provenance de la Russie, à la suite de l'invasion de l'Ukraine par la Russie. Certains des navires, plus petits, qui desservaient la Russie sont redéployés vers la ligne Europe-côte est-américaine, cette dernière étant l’objet d’un réel engouement pour éviter la congestion transpacifique, Los Angeles/Long Beach ne parvenant toujours pas aux termes de plusieurs mois d’interventions à venir à bout des ses navires en files d’attente et ses conteneurs empilés sur les quais.

Alphaliner a repéré le phénomène. MSC, qui détient de loin la plus grande part de marché de tous les transporteurs sur le segment des services intra-européens, avec 31,5 %, a réduit de moitié la capacité de sa Baltic Loop 7. La ligne est maintenue avec une fréquence quinzomadaire avec le MSC Jordan (3 005 EVP) et des escales à Bremerhaven, Rotterdam, Saint- Pétersbourg, Klaipeda et Bremerhaven. En revanche, l'un des deux navires de la boucle, le MSC Shannon (3 005 EVP), a été programmé pour un voyage transatlantique en renforts de capacités.

Récupérer des conteneurs vides

Quoi qu’il en soit, indique le consultant, « tous les grands transporteurs sont actuellement confrontés à un dilemme balte », à savoir la desserte de Saint-Pétersbourg. La demande de fret est en baisse en raison des sanctions et des inspections douanières longues et dissuasives, mais les transporteurs se sont engagés à livrer le fret qui avait fait l’objet de réservation avant la suspension des opérations. « Il doit être livré aussi parce qu’il occupe de l'espace dans les terminaux nord-européens déjà saturés », ajoute Alphaliner. La plupart ont par ailleurs un nombre important de boîtes vides à Saint-Pétersbourg qu'ils veulent récupérer avant que le conflit ukrainien ne s'aggrave. D’où le maintien de l’escale, suppute le spécialiste de la ligne régulière.

Remaniement généralisé

CMA CGM, numéro deux du transport intrarégional en termes de capacité déployée, a également suspendu son East Med - Black Sea Express dit EMBX, qui faisait la rotation entre Marsaxlokk, Damiette, Novorossiisk, Marsaxlokk, au moyen de deux navires, le CMA CGM Tanger (1 118 EVP) et le Contship Fun (957 EVP), tous deux été redéployés sur l’intra-méditerranéens.

Sealand Europe & Med (groupe Maersk) a fermé l'un de ses services phares dans la Baltique, le Rotterdam - St-Petersburg Loop, auparavant desservie par deux navires de classe glace 1A de 3 596 EVP, spécialement conçus pour la Baltique, paysage glaciaire recouvert d’une assez mince pellicule d’eau. Les deux, dont le Venta Maersk, célébre pour avoir effectué en 2018, en tant que porte-conteneurs, le voyage d'essai et qui restera unique le long de la route pendant l'été. Il a été repositionné à Algésiras, en transbordement vers l'Europe du Nord. Maersk a par ailleurs commencé à décharger les conteneurs « sanctionnés » dans le port danois de Kalundborg, à 90 km à l'ouest de Copenhague, qui a ainsi connu son record de tonnage avec un visiteur qu’il ne pensait sans doute pas recevoir un jour.

Hapag-Lloyd a réduit la flotte de son offre NBS (Mer du Nord - Baltique) de trois à deux navires, en retirant le Lisbon Express (2 400 EVP), envoyé en transatlantique avec le MSC Shannon ! Le transporteur allemand ne dessert plus pour sa part Saint-Pétersbourg.

Rayé chez les opérateurs de feeders

Chez les exploitants de feeders, la main n’a pas tremblé. Ils ont rayé de la carte le port russe emblématique de la Baltique. Unifeeder, le leader européen du segment, a également suspendu deux de ses rotations à destination et en provenance de Saint-Pétersbourg et supprimé le service Gdansk - Russie qui desservait le port polonais, Gdynia, et le port russe. L’Astrosprinter (801 EVP) a été repositionné entre la Suède, l'Allemagne et le Danemark.

X-Press Feeders, le numéro un mondial, a suspendu cette semaine son service BRX (Benelux - Russie) qui reliait Anvers et Rotterdam à Saint-Pétersbourg. Début mars, l’islandais Samskip a également mis fin à son Rotterdam-Hambourg-Saint-Pétersbourg. Le Dream (803 EVP) et le Perseus (646 EVP), devenus superflus dans cette région, assurent désormais la liaison entre Rotterdam et le Royaume-Uni.

À ce jour, selon Alphaliner, les transporteurs ont retiré près de 10 000 EVP de capacité hebdomadaire intra-européenne des services russes.

Les ports russes boycottés

La fréquentation des ports russes a chuté de 35 % par rapport aux niveaux enregistrés avant l'invasion de l'Ukraine, selon les données compilées par Lloyd's List Intelligence. L’interruption des services par MSC, Hapag-Lloyd et Maersk a amputé de 43 % les traversées. Il y avait eu 46 départs la semaine précédant l'invasion, et plus que 26 les sept jours avant le 16 mars.

Durant les trois semaines avant le 24 février – le jour de l'invasion de l’Ukraine –, 885 navires (de plus de 10 000 tpl) y avaient transité. Dans les 21 jours qui ont précédé le 16 mars, ils n’étaient plus que 579. Soixante-dix-sept d’entre eux ont dérouté en Corée du Sud, dont 30 porte-conteneurs, 22 des vraquiers, six transporteurs de pétrole brut et deux méthaniers.

Les données indiquent par ailleurs qu’une cinquantaine de pétroliers et transporteurs de produits pétroliers ont quitté les ports russes au cours de la semaine se terminant le 16 mars. Les Pays-Bas demeurent leur première destination. Avant l'invasion, plus de 110 pétroliers fréquentaient régulièrement les ports russes.

Adeline Descamps

 

 

 

 

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