Deux grands groupes céréaliers, l'un privé, l'autre coopératif, vont se fondre en un. Réunis, In Vivo et Groupe Soufflet devraient donner naissance au deuxième acteur céréalier européen, avec une maîtrise de la filière depuis le grain semé dans les champs aux boulangeries d'Afrique de l'ouest.
Grosse secousse dans le monde feutré de l'agriculture et de l'agro-alimentaire. Le groupe de négoce Soufflet, discret et néamoins n° 1 de l'exportation de céréales, vient d'entrer en négociations exclusives avec le géant InVivo, tout aussi discret et premier groupe coopératif français. Les deux entités ont annoncé conjointement le démarrage de pourparlers qui devraient aboutir avant la fin de l'année à l'acquisition du premier par le second. Ensemble, ils devraient générer un géant non plus français mais européen qui jouera dans la même cour que les grands groupes coopératifs des pays du nord. Et qui sera même au deuxième rang de l'UE derrière la coopérative allemande BayWa.
Leurs activités se rejoignent et se complètent sans presque se concurrencer. InVivo, qui réunit 192 coopératives implantées partout en France, est le champion de la production de céréales. Il accompagne et collecte la production de blé, maïs, tournesol, colza de milliers d'agriculteurs. Et il en assure les débouchés, sur le marché national et à l'international.
Ancrage et expertise à l'international
C'est là que l'acquisition de Groupe Soufflet prend tout son sens. Présent sur les ports de Rouen et La Rochelle, le groupe est le premier acteur national pour l'exportation des céréales. Il dispose également d'un terminal à Southampton au Royaume-Uni et s'est aussi installé en Espagne et en Algérie, conseille des agriculteurs en Ukraine, grand pays exportateur de céréales, et des boulangers en Afrique de l'Ouest.
Son expertise en matière d'exportation, sa connaissance des marchés et du transport maritime n'est sans doute pas étrangère à l'intérêt suscité chez InVivo, tout comme ses autres activités liées aux céréales : meunerie, malterie et boulangerie industrielle. La malterie est particulièrement prometteuse, avec un fort potentiel de croissance porté par le développement de la consommation de bière à travers le monde. Soufflet détient une part de marché de 12 % à l'échelle de la planète. Il a beaucoup investi dans cette activité, et tout récemment en Ethiopie. « Notre ambition est de doubler de taille dans le malt en cinq ans en investissant et en achetant de nouvelles usines », a précisé le directeur général d'InVivo.
Franco-français et européens
Entreprise familiale avec derrière elle 120 ans d'existence mais sans successeur, le Groupe Soufflet cherchait une solution pour assurer son avenir. Les derniers candidats en lice étaient nord-américains, mais Michel et Jean-Michel Soufflet, père et fils, respectivement âgés de 90 et 64 ans, ont finalement donné leur préférence à un acquéreur français.
Réunis en une seule entité, les deux groupes formeront un nouveau poids lourd européen avec un chiffre d'affaires de 10 Md€, 5,1 Md€ pour InVivo, 4,9 M€ pour Soufflet, 90 sites industriels et 12 500 salariés. « Avec ce chiffre d'affaires, nous atteignons la taille critique qui va nous permettre de nous mesurer aux grandes unités coopératives de l'Europe du Nord », a annoncé Thierry Blandinières, directeur général d'InVivo, dans un communiqué. Le projet devra être validé par les autorités européennes de la concurrence.
Myriam Guillemaud Silenko