Hapag-Lloyd : un résultat net passé de 5,2 Md$ à 293 M$ au troisième trimestre 2023

Article réservé aux abonnés

Crédit photo ©HLAG
Le cinquième armateur mondial de porte-conteneurs n'échappe pas à la dégradation généralisée qui touche son secteur. Le transporteur allemand maintient néanmoins ses prévisions annuelles de bénéfices mais considère comme « difficile » et « incertaine » la fin de l'année. Tout comme le sera la prochaine négociation des taux de fret sous contrats sur laquelle il se montre néanmoins ferme.

Aucun des paramètres qui influence en principe les résultats d’une compagnie dans le conteneur, à savoir les volumes, les taux de fret, la parité des taux de change et les dépenses d’exploitation, n’a donné satisfaction à Hapag-Lloyd au cours du troisième trimestre.

Les volumes transportés du cinquième armateur mondial de porte-conteneurs sont quasiment stables. La légère amélioration (3,11 MEVP par rapport aux 2,97 MEVP à la même période de l’année dernière) s’explique par la fin des perturbations de la chaîne d'approvisionnement et ne concerne aucunement les grandes lignes maritimes, celles desservant entre l'Asie, les États-Unis ou l'Europe.

Les taux de fret, eux, ont encore baissé au troisième trimestre. Le Shanghai Containerized Freight Index (SCFI), qui reflète les prix au comptant pour le transport d’un conteneur depuis Shanghai vers une vingtaine de destinations clés, s'est établi à 887 $/EVP contre 1 923 $/EVP en septembre 2022, alors qu'il se négociait à 1 108 $ à la fin de 2022.

Face à demande de plus en plus faible, l’offre, qui permet normalement d’équilibrer les forces du marché, n’a pas baissé en conséquence, explique le transporteur allemand. La part des navires inactifs à la fin du mois de septembre 2023 n'était en effet que légèrement supérieure à celle de l'année précédente, à 0,32 MEVP contre 0,26 MEVP d’après les données d’Alphaliner. À cette date, la capacité de la flotte d'Hapag-Lloyd était elle-même supérieure de 9,5 % à ce qu’elle était au 30 septembre 2022.

De ce point de vue, la situation ne risque pas de s'arranger : environ 7,1 MEVP étaient en commande à la fin du mois de septembre 2023 selon les calculs de MDS Transmodal tandis que la flotte mondiale de porte-conteneurs disponibles devrait augmenter de 1,9 MEVP cette année, soit 7,2 %, d'une année sur l'autre, après la mise au rebut et le report inévitable des livraisons.


Crédit photo :

Données extraites dans le rapport financier du 3e trimestre 2023, compilées par ©JMM

Baisse des dépenses de transport

Quant aux dépenses d’exploitation, Hapag-Lloyd a joué sur tous les leviers. Les coûts globaux sont en baisse de 11 % en glissement annuel au cours des neuf premiers mois de l’année pour s’établir à 9,6 Md$. La décongestion des ports a permis d’économiser 723 M$ en frais de surestaries et d’immobilisation des conteneurs.

Le repli du prix moyen de consommation des soutes, à 611 $/tonne (755 $/t sur les neuf mois de 2022), a allégé la facture carburant de 642 M$, s’élevant tout de même à 1,8 Md$.

Pourtant, depuis la fin de l'année 2022, le VLSFO a augmenté de 15,4 %. La hausse semble donc indolore pour Hapag-Lloyd. La situation peut refléter le fait que la part du fuel à faible teneur en soufre est passée de 88 % (neuf mois de 2022) à 82 %, la compagnie ayant équipé un grand nombre de navires de scrubbers (qui permettent de carburer au fuel lourd, bien moins cher).

La réduction de la vitesse et la suppression d’un certain nombre de services ont également dû contribuer à la baisse de consommation des soutes (- 5,2 %).

Indicateurs financiers détériorés

Bien que les dépenses d’exploitation soient en baisse, les indicateurs financiers du groupe allemand n’ont pas échappé à la dégradation. Le chiffre d'affaires du numéro cinq mondial est passé de 9,9 à 4,5 Md$ entre l'exercice trimestriel de 2022 et de 2023 et a perdu plus de 12 Md$ sur neuf mois (cf.tableau).

L’Ebitda du groupe (résultat opérationnel avant amortissements et immobilisation), qui se comptait en milliards de dollars (5,7 Md$) l’an dernier, s’est établi à 744 M$ pour la période entre juillet et septembre. Dans le même temps, l'Ebit (excédent brut d’exploitation) doit se contenter de 228 M$ contre 5,22 Md$ en 2022.

« En raison de l'inflation dans un environnement de marché tendu avec l'intensification des conflits géopolitiques ainsi que des niveaux de stocks élevés des clients, le reste de l'exercice 2023 est considéré comme difficile et incertain », indique le communiqué diffusé à l’issue du conseil d’administration de Hapag-Lloyd.

Macroéconomie peu enthousiasmante

L'arrière-plan macroéconomique n'est pas très porteur. Les exportations chinoises ont augmenté à peine de 0,6 % et les importations se sont repliées de 1,2 % au cours des huit premiers de l'année par rapport à la période de 2022 d’après le Bureau national des statistiques de Chine.

Aux États-Unis, les exports (- 2 %) et les imports (- 6 %) reflètent la problématique des stocks. Quant à l’Union européenne, les ventes de biens ont augmenté de 2 % au cours des huit premiers mois et les importations se sont contractées de 13,6 %.

Dans ces circonstances, les volumes mondiaux de transport de conteneurs entre janvier et août ont été inférieurs de 3,3 % à ceux de la période de l'année précédente, selon les sources de Hapag-Lloyd. Les grandes lignes Est-Ouest sont les plus impactées, de l’Asie vers l'Amérique du Nord (- 14,3 %), de l'Europe vers l'Amérique du Nord (- 13 %). Le trade Asie-Europe était paradoxalement au-dessus du niveau de l'année précédente, ayant enregistré une amélioration de 3,3 %.

« Les données les plus récentes indiquent une grande faiblesse dans l'industrie manufacturière, avec des effets négatifs sur la production industrielle, les investissements, et le commerce international, indique le groupe. .

Citant le cabinet de conseil Accenture Cargo, il s'attend à un repli de 2,9 % du volume de transport en 2023, plus marqué sur le transpacifique (- 8 %) tandis que seule l'Afrique devrait connaître une légère croissance de 2,1 %.

Bénéfices maintenus sur l'année

Au 30 septembre 2023, les capitaux propres de Hapag-Lloyd avaient diminué de 8,7 Md$ par rapport au 31 décembre 2022 et s'élevaient à 21,2 Md$. Soit un ratio de fonds propres (fonds propres/total bilan) de 65 %. Les liquidités nettes ont diminué de quelque 10 Md$ pour atteindre 3 milliards résultant en grande partie de la distribution des dividendes.

« L'évolution des affaires au cours des neuf premiers mois de l'année 2023 étant conforme aux attentes, le conseil d'administration confirme ses prévisions publiées le 2 mars dernier », indique l’armateur.

L'Ebitda est ainsi attendu dans une fourchette de 4,5 à 5,5 Md$ et l'Ebit entre 2,4 et 3,4 Md$. Ces prévisions se basent sur l'hypothèse qu'il n'y aura pas de franche augmentation de la demande de transport et intègrent un revenu moyen par EVP « en baisse significative ». Elles parient donc sur des mesures de réduction des coûts, qui, selon Rolf Habben Jansen, sont en moyenne 25 à 30 % plus élevés qu'en 2019.

Des taux de fret très incertains

Pour Hapag-Lloyd comme pour Maersk et toutes les compagnies tributaires des contrats à long terme, le quatrième trimestre sera déterminant pour l'évolution de 2024, Les contrats européens sont sur le point d'être révisés, et les taux contractuels se négocient en fonction de ce qui se passe sur le marché au comptant au cours des prochains mois.

Vincent Clerc, le PDG de Maersk, lors de la présentation des résultats financiers, l’a répété aux analystes financiers. « L'évolution des taux au comptant au cours des trois prochains mois déterminera l'ampleur de l'impact des renégociations de contrats ». Raison pour laquelle le numéro deux mondial a baissé pavillon, à titre préventif car faute de visibilité sur l'évolution des contrats, en programmant des nouvelles suppressions de postes.

Si la baisse des taux de fret, constatée au troisième trimestre, se poursuivait et si les taux contractuels devaient être ajustés au niveau des taux spot en vigueur aujourd'hui, la situation se tendrait sévèrement.

« Les taux de fret contractuels qui seront conclus au début de l'année prochaine devront être négociés à des niveaux supérieurs aux taux spot actuels. Nous constatons des attentes irréalistes et nous ne conclurons pas de contrats à ces niveaux » a expliqué fermement le PDG Rolf Habben Jansen aux analystes lors d'une conférence téléphonique tenue à l'issue des résultats. Il a également exclu toute mesure défensive à l'image de celle que Maersk a actionnée…

Adeline Descamps

Lire aussi

Le résultat net de CMA CGM a quitté la sphère des milliards au troisième trimestre 2023

Maersk va supprimer 3 500 postes supplémentaires pour ramener son effectif à 100 000 personnes

 

Rififi sur les quais d'Hambourg passés sous silence

Le transporteur, qui a récemment élargi son portefeuille de terminaux, avec la finalisation de l'acquisition des activités de SAAM en août 2023, dissocie désormais ses résultats entre ce qui relève du transport maritime (segment appelé « Liner Shipping ») et la manutention portuaire (« Terminal & Infrastructure »). Soit ses participations dans 20 terminaux à conteneurs ainsi que d'autres participations dans des infrastructures.

Dans ce nouveau segment, secteur sur lequel il accuse du retard par rapport à ses concurrents, il a enregistré un Ebitda de 38 M$ et un Ebit de 29 M$ au cours des neuf premiers mois de 2023.

Dans son rapport financier où sont passés en revue les faits saillants de son exercice, Hapag-Lloyd passe sous silence un épisode qui provoque des remous outre-Rhin depuis que MSC a déposé une offre publique d'achat pour devenir actionnaire du manutentionnaire allemand HHLA, exploitant trois des quatre terminaux à Hambourg.

Hapag-Lloyd, qui assure une bonne part des escales dans le troisième port européen, pourrait ainsi perdre 20 à 30 % de ses volumes transitant vers l'Europe centrale via Hambourg.

Klaus-Michael Kühne, actionnaire du commissionnaire Kuehne+Nagel et de Hapag-Lloyd, a pressé, via les médias interposée, Rolf Habben Jansen, le PDG de la compagnie, à réagir.

Mais dans une interview accordée à Reuters, ce dernier a botté en touche, indiquant qu’il ne serait pas dans l'intérêt de son entreprise de faire une offre pour HHLA à la suite de celle de MSC.

A.D.

 

 

Shipping

Port

Boutique
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client abonnements@info6tm.com - 01.40.05.23.15